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Grand Angle

Attaques à Gaza : Comment la position du Maroc a évolué depuis la normalisation avec Israël ?

Les bombardements actuels de l’armée israélienne sur la bande de Gaza ont suscité les réactions de nombreux gouvernements à travers le monde. Au Maroc, le ton des déclarations du ministère des Affaires étrangères a sensiblement changé, après l’accord de normalisation des relations avec Israël.

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Photo d'illustration / Ph. Associated Press (AP)
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Depuis le retrait des forces d’occupation israéliennes de la bande de Gaza en 2005 et l’état de siège que vit la population palestinienne de la ville, une série d’attaques et d’offensives a coûté la vie à de nombreux habitants. Israël opte pour l’usage de ses forces terrestres, maritimes et aériennes sous divers prétextes. A chaque opération, de nombreuses réactions internationales ont pointé les actions des factions palestiniennes pour justifier les attaques israéliennes, alors que la plupart des Etats arabes ont réagi en condamnant ce qui a toujours été considéré comme des «agressions sionistes».

Dans ce sens, les ministres arabes des Affaires étrangères se sont souvent activés pour mettre fin aux offensives, appelant les Nations unies à intervenir, ou encore en organisant des sommets d’urgence au niveau de la Ligue arabe et du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Mais ces dernières années, un changement fondamental a été observé dans la politique d’un certain nombre d’Etats arabes, dont le Maroc, face aux attaques israéliennes.

Les réactions officielles du Maroc avant la normalisation

Avant la reprise des relations maroco-israéliennes, le 10 décembre 2020, le Maroc a fait des déclarations fermes condamnant les attaques d’Israël contre les Palestiniens de la bande de Gaza. En 2012 notamment, le royaume a exprimé «ses grandes préoccupations et sa vive condamnation des attaques aériennes d’Israël sur différents sites de la bande».

Le Maroc considérait alors «inacceptable» l’escalade meurtrière opérée par Israël, tout en alertant que «la poursuite des attaques entraînera des conséquences désastreuses pour la sécurité et la stabilité de la région». Rabat avait aussi exigé l’arrêt immédiat de ces raids aériens et appelé la communauté internationale à assumer ses responsabilités pour protéger la vie et les biens des habitants de Gaza.

Lors de l’offensive sur Gaza, en juillet 2014, la position du Maroc est restée inchangée. Le pays a appelé la communauté internationale à intervenir immédiatement pour arrêter «l’agression» de l'armée israélienne, accusant Israël d’«offensive flagrante» et exigeant de «protéger le peuple palestinien et ses droits». Le royaume a adopté un ton sans concession, en qualifiant les raids israéliens de «barbarie».

Dans le même contexte, un communiqué du Palais royal a indiqué que le roi Mohammed VI, «président du comité Al-Qods, a ordonné l’octroi d’une aide humanitaire urgente d’une valeur de cinq millions de dollars à la population palestinienne de la bande de Gaza, victime des lâches agressions militaires lancée par Israël», pays nommément cité.

Le soutien marocain à la Palestine s’est poursuivi, en mars 2018, lorsque le roi Mohammed VI a répondu à la demande du chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, en envoyant un hôpital de campagne dans la bande de Gaza pour soigner les blessés de la Grande marche du retour.

Le 6 mai 2019, la Chambre des représentants a consacré une partie d’une session législative à la solidarité avec le peuple palestinien, en dénonçant les raids et attaques israéliens contre la bande de Gaza et en réaffirmant le droit du peuple palestinien à la résistance.

Les réactions marocaines après la normalisation

Après la signature de l’accord de normalisation avec Israël en décembre 2020, le langage des déclarations publiées par le ministère marocain des Affaires étrangères concernant les attaques israéliennes est devenu différent.

Samedi dernier, la diplomatie marocaine a publié un communiqué après que les forces d’occupation israéliennes ont lancé des raids sur la bande de Gaza, qui ont fait au moins 33 morts palestiniens dont plusieurs enfants. «Le Royaume du Maroc suit avec une vive inquiétude la grave détérioration de la situation dans la bande de Gaza, à cause du retour des actes de violences et des combats, qui ont causé des pertes humaines et des dégâts matériels», lit-on dans la réaction officielle du Maroc.

Contrairement aux communiqués passés, Israël n'est pas nommément cité et le mot «agression» n'est plus employé. Il s’est contenté d’évoquer des «actes de violences» et des «combats», tout en appelant seulement à «éviter davantage d’escalade et à rétablir le calme pour que la situation ne dégénère pas, épargnant ainsi à la région d’autres tensions qui compromettent les chances de paix».

La déclaration a, par ailleurs, rappelé les «positions constantes» du Maroc sur la question palestinienne et les droits du peuple palestinien. Cela dit, elle a affirmé que «la solution durable au conflit entre les deux parties, palestinienne et israélienne, réside dans l’établissement d’un État palestinien indépendant vivant côte-à-côte avec l’État d’Israël, dans la sécurité et la paix». Cette réaction a suscité une vague d’indignations sur les réseaux sociaux. Beaucoup l’ont critiquée et ont estimé qu’elle «assimilait la victime (les Palestiniens) au bourreau (Israël)».

Dans un communiqué, le Parti de la justice et du développement (PJD), dont la primature a été assurée lors de la signature de l’accord de normalisation, a exprimé son «profond regret pour le langage régressif de la déclaration du ministère des Affaires étrangères, qui était exceptionnellement dépourvue de toute référence à la condamnation et à la dénonciation de l’agression israélienne, à l’expression de solidarité avec le peuple palestinien et de compassion pour ses martyrs, mais aussi dépourvue de toute condamnation de l’incursion sioniste dans l’esplanade de la Mosquée d’Al-Aqsa».

Le parti islamiste s’est dit «surpris» que la déclaration «assimile l’occupant et l’agresseur israélien à la victime palestinienne, en décrivant ce qui se passe à Gaza de combats et de violences». «La réalité est qu’il s’agit de meurtres et d’assassinats commis par l’occupation sioniste contre le peuple palestinien», a fustigé la formation, dans son communiqué.

Pour le PJD, la déclaration officielle du Maroc «fait l’impasse» sur «la condamnation de l’agresseur» ce qui est «une position étrange qui n’honore pas le pays». «L’objectif de la création du Comité Al-Qods était de protéger Jérusalem des plans sionistes et des conspirations pour la judaïser ; notre pays, à la tête de cette instance à travers le roi Mohammed VI, ne peut qu’être en première ligne de défense d’Al-Qods et d’Al-Aqsa», a insisté le parti.

Le silence des partis politiques

Depuis le début de l’offensive sur Gaza, aucun des trois partis de la majorité gouvernementale (RNI, PI, PAM) n’a publié de communiqué pour condamner l'agression israélienne, ni en soutien aux droits du peuple palestinien. 

Il convient de noter que le PAM et l’Istiqlal - avec le PJD- ont fait partie des formations représentées au Parlement ayant soumis, il y a quelques années, un projet de loi pour criminaliser la normalisation avec Israël et punir son apologie de peines «allant de deux à cinq ans de prison, et d’une amende de cent mille à un million de dirhams, tandis que les dispositions de ce texte s’appliquent à toute personne qui choisit la citoyenneté nationalité israélienne».

A la suite de la récente offensive sur la bande de Gaza, la majorité des autres partis ont également observé le silence. Outre le PJD, le Parti socialiste unifié (PSU), celui du Progrès et du socialisme (PPS) et l’Alliance de la fédération de gauche (AFG, ex-FGD) ainsi que la Voie démocratique ont publié des déclarations condamnant l’agression israélienne. Pour sa part, le premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), Driss Lachgar, n’a donné qu’une déclaration aux médias, où il a condamné «l’agression israélienne contre Gaza». Sa formation n’a pas exprimé de position officielle écrite.

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