A Oujda, où des dizaines de migrants sans-papiers attendent avec espoir un hypothétique ticket de traversée vers l’Europe, les conditions de vie sont très difficiles. Cachés dans la petite forêt de Sidi Maafa, au sud de la ville, hommes, femmes et enfants vivent clandestinement, en petits groupes, dans des camps de fortune, sans nourriture, ni eau courante. «Notre chef n'est pas là. Il est parti chercher la nourriture. Nous n'avons rien mangé depuis une journée», explique à l'AFP un de ces migrants d'origine ghanéenne (cité par Le Point).
A la place de la faim, ces clandestins vivent la peur au ventre car ils craignent en permanence de tomber nez-à-nez avec les autorités marocaines. Il faut dire que les expulsions dont elles ont la charge se font rarement dans la douceur.
«Plusieurs migrants subsahariens ont été blessés en fuyant la police marocaine. La plupart d'entre eux ont eu des fractures au pied», affirme David Cantero, le coordinateur général de Médecins sans frontières (MSF) au Maroc, cité par le Point.
Persona non grata des deux côtés de la frontière
Pour Khadija Ainami, en charge du dossier de l’immigration des sans-papiers au sein de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), les migrants, «chassés et pourchassés par les autorités marocaines», sont souvent «violentés» au cours de leur expulsion vers la frontière algérienne. D’après les services marocains de lutte contre l'immigration clandestine, celle-ci constitue le point d’entrée principal des migrants subsahariens vers le Maroc.
Une fois éconduits à la frontière, le calvaire de ces migrants ne s’arrête pas là puisque, comme le souligne Mme. Ainami, ces derniers sont contraints de traverser une zone désertique d’une cinquantaine de kilomètres. Ils n’ont alors souvent pour seul moyen de locomotion que leurs jambes, et pour seul et unique carburant, que l’énergie du désespoir. Pour ajouter à leur malheur, les autorités algériennes, qui n’entendent pas non plus les accueillir à bras ouverts, les «prennent en chasse dès leur arrivée en Algérie». La responsable de l’AMDH relève à ce titre plusieurs cas de «meurtres» d’immigrants clandestins du côté est de la frontière chérifienne.
Quand le désespoir nourrit l’espoir…
Pour ne pas se faire prendre, les migrants n’ont donc d’autres choix que de se cacher, quitte à se priver de tout accès aux services élémentaires (eau courante, nourriture, abri, etc.). Afin de minimiser les risques de capture, ils se divisent en petits groupes et multiplient les zones de caches dans des lieux difficiles d’accès, comme les forêts ou les montages. Les régions montagneuses et forestières aux alentours de Nador, Al Hoceima, Oujda et Tanger sont ainsi devenues, au fil des ans, des refuges de prédilection pour les candidats à l'immigration, indique Mme. Ainami.
Cela dit, bien qu’elles leur offrent une cachette naturelle, ces régions ne suffisent qu’à garantir une protection provisoire. Parfois, les autorités marocaines font des descentes dans les forêts (ou des montées dans les montagnes) et réalisent de gros coups de filets, comme cela a été le cas début septembre où 200 immigrants clandestins ont été capturés puis expulsés manu militari vers la frontière algérienne. Interviewé pour l’occasion par notre rédaction, le membre de l’Association marocaine des droits humains à Oujda, Hassan Ammari, avait alors déclaré qu’il s’attendait «à revoir dans plusieurs jours les mêmes migrants clandestins, expulsés hier, revenir au Maroc afin de tenter de regagner d’autres villes marocaines pour survivre en cachette». Il n’avait pas tort. Le migrant d’origine ghanéenne interviewé par l’AFP (sus cité ici) est retourné au Maroc malgré son expulsion sans ménagement en Algérie au début du mois. Face au désespoir, il semblerait donc qu'aucune violence, qu'aucun abus, ne soit capable capable d'infléchir l'envie de vivre, ni même de cette force qui la nourrit : l'espoir.