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Grand Angle

Diaspo #246 : Zineb Mekouar suit la littérature comme un fil d’Ariane grâce à sa grand-mère

Vivant en France depuis ses 18 ans, l’écrivaine franco-marocaine Zineb Mekouar travaille dans le conseil en stratégie. Mais le monde de l’économie et de l’entreprise ne lui a pas fait oublier son premier amour pour l’écriture, qu’elle a développé grâce à l’amour de sa grand-mère pour la littérature française.

Publié
Zineb Mekouar / Ph. Olivier Roller
Temps de lecture: 4'

Native de Casablanca, Zineb Mekouar suit ses études à l’école française. Après avoir décroché son BAC scientifique au lycée Lyautey, elle prend son envol vers Paris, où elle commence son parcours universitaire à Sciences-Po, puis à la Haute école de commerce (HEC). Lors de son séjour académique d’un an en Italie, elle développe une grande passion pour la langue italienne, qu’elle apprend rapidement. Dans la suite logique de son cursus, elle travaille dans le conseil en stratégie, puis elle crée un pôle des affaires publiques, au sein d’un fonds d’investissement pour start-up en France.

Mais Zineb Mekouar n’évolue pas pour autant dans un parcours linéairement tracé. De pair avec ses compétences économiques et entrepreneuriales confirmées, son amour pour la littérature et pour l’écriture lui permet de développer rapidement un style fluide, qui fait toute la réussite de ses récits aux personnages complexes. C’est d’ailleurs l’un des points forts de son tout premier roman, «La Poule et son cumin» (JC Lattès), qu’elle a présenté pour la première fois au Maroc, lors de la 27e édition du Salon international de l’édiction et du livre (SIEL), dans le cadre de la programmation du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME).

Sous l’aile d’une grand-mère inspirante

Zineb Mekouar se rappelle avoir été une enfant prolixe dans l’écriture, surtout pendant les vacances d’été passées chez sa grand-mère à Rabat. «J’ai commencé par écrire des petits textes, mais que ma grand-mère à toujours admirés, m’encourageant à persévérer dans ce processus créatif stimulant, où je trouvais un grand plaisir», se souvient-elle.

«Je rends un vibrant hommage à ma grand-mère dans mon premier roman, car c’est vraiment elle qui m’a fait découvrir l’amour des livres. Elle m’a poussée à faire toujours mieux dans mes petites histoires, à apprendre petit à petit…»

Zineb Mekouar

Zineb Mekouar se rappelle tendrement du parcours inspirant de sa grand-mère. «Beaucoup de filles de son époque arrêtaient l’école à un jeune âge. Elle avait grandi à Fès puis s’était installée à Tanger. Elle allait épouser mon grand-père lorsqu’elle était au collège. Elle avait repris ses études bien après, jusqu’au baccalauréat. Elle l’avait passé en même temps que son fils aîné, lui en filière scientifique et elle en littérature», raconte l’écrivaine avec émerveillement. La génitrice fait ensuite des études en littérature française. «L’histoire de la famille a marqué la ville septentrionale, où les plus anciens se souviennent encore de cet enfant qui a décroché le sésame en même temps que sa mère. Lors de ma récente présentation du roman à Tanger, j’ai rencontré un Tangérois qui nous a reconnues en tant que proches, au fil d’une discussion», nous confie la petite-fille.

Autant dire que Zineb Mekouar a grandi avec cette fascination pour une grand-mère qui lui a fait aimer la littérature avec un grand L. «Elle avait une immense bibliothèque dont je garde aujourd’hui encore beaucoup de livres, notamment ‘Le spleen de Paris’ de Charles Baudelaire. Dans cet exemplaire, j’ai retrouvé son écriture à la main en bord de pages et cela m’a redonné envie de continuer mon roman jusqu’à sa publication», nous raconte encore l’auteure. «Un jour, elle m’avait dit qu’elle avait hâte de lire mes livres. Ce moment était fondateur dans mon rapport à l’écriture», confie encore l’écrivaine.

«Mes écrits de l’enfance restent toutefois des histoires à hauteur de petite fille, bien différents de la construction d’un roman publiable. Il a fallu du temps pour s’appliquer, s’exercer, arriver à un niveau d’écriture qui puisse convaincre de bons éditeurs, d’autant que je n’avais pas de connaissances dans le monde de l’édition. Mais l’âme de ma grand-mère veillait sur moi dans tous mes manuscrits. J’ai toujours gardé en mémoire ses mots, lorsque je m’appliquais à faire mieux», souligne Zineb Mekouar.

C’est justement de bienveillance que traite «La Poule et son cumin», en plus d’une multitude de questions liées à l’amitié, aux disparités sociales.

«J’ai voulu montrer différents Maroc avec leurs nuances. Même le rapport à la langue est différent d’une personne à l’autre, dans une société comme la nôtre. Le livre met en avant deux personnages féminin, mais aussi plusieurs autres secondaires, chacun à la recherche de soi-même, d’une certaine liberté, ou pas.»

La fiction pour questionner les réalités du Maroc

Zineb Mekouar explique avoir «voulu questionner comment, dans une société où le collectif prend le dessus sur les singularités, le souci pour l’individu devient celui d’arriver à trouver sa place dans cette dynamique, au lieu de tracer son propre chemin, dans une quête de soi pour réaliser ses propres rêves et aspirations».

«La jeunesse essaye d’aller vers plus de liberté, plus d’émancipation pour les femmes, mais aussi pour les hommes, qui deviennent parfois plus conservateurs que leurs parents ou grands-parents, et qui portent également le poids des injonctions à se conformer à une certaine perception de la figure masculine, ‘dure, puissante et virile’ qui ne laisse pas de place aux fragilités que nous avons tous, hommes et femmes et humains avant tout», ajoute encore l’écrivaine.

Ainsi la jeunesse incarne, pour Zineb Mekouar, un questionnement philosophique, entre la volonté de s’émanciper et la peur de perdre son identité rattachée à une appartenance au collectif. «Ce livre, à travers des thèmes qui me tiennent à cœur comme les libertés individuelles, l’égalité, l’émancipation des femmes et de l’humaine, in fine, nous dit à travers la fiction comment les personnages se débrouillent, à leurs différentes manières, pour composer avec la hchouma, la bienséance, le poids de la famille omniprésente…», décrit l’auteure de l’ouvrage.

Grâce à sa qualité d’écriture, cet opus édité de Zineb Mekouar a d’emblée conquis le Goncourt du premier roman 2022, dont il est finaliste. Il est aussi sélectionné «coup de cœur de l’été» de l’Académie Goncourt, ce qui motive son auteure à continuer sur sa lancée. «J’ai déjà commencé le projet de mon deuxième roman destiné à la publication. Autant je savoure encore la sortie de mon tout premier, autant je souhaiterais continuer à avancer dans mon écriture», nous confie-t-elle.

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