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Grand Angle

Maroc : Avec 93 MMDH, les transferts de MRE deviennent la première ressource financière extérieure

La Journée internationale des transferts de fonds familiaux, célébrée par l’Organisation des Nations unies (ONU), a été l’occasion pour organiser un débat, à Casablanca, sur les transferts des MRE en tant que «levier économique et social», afin de l’analyser dans le contexte de la crise sanitaire.

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En 2021, les Marocains du monde ont transféré un total de 93 milliards de dirhams (MMDH) vers le Maroc. Ce record historique bat celui de l’année d’avant, d’une valeur de 70 MMDH. Cette hausse spectaculaire a contredit les prévisions lors de la survenue de la crise sanitaire. «Quand on sait que le déficit commercial du Maroc est d’environ 200 MMDH, la diaspora marocaine permet d’en compenser la moitié», a rappelé auprès de Yabiladi Aziz Senni, entrepreneur et investisseur à impact social. Basé en France, il était l’un des panélistes sur «Les transferts de fonds, un levier économique et social, l’impact de la pandémie Covid-19», rencontre initiée par Cap unlimited et Connecting intelligence à l’occasion de la Journée internationale des transferts de fonds familiaux.

Par régions dans le monde, ces transferts se sont effectués principalement depuis l’Europe (73% des envois), «avec à peu près 85% de la population marocaine installée à l’étranger». «Le Moyen-Orient, deuxième au classement, représente 17% avec près de 7% de la population MRE, l’Amérique du Nord suit avec 7% des envois et le reste du monde constitue 3%», a indiqué à Yabiladi Mouawia Essekelli, président directeur général de Wafacash, sur la base des derniers chiffres. Ces données seront actualisées une nouvelle fois, d’ici la fin du mois courant. «Nous sommes un acteur important dans le transfert d’argent auprès de la diaspora marocaine vers les familles au Maroc. Nous nous occupons de bien distribuer ces fonds qui arrivent instantanément, dans des réseaux capillaires, avec une proximité vis-à-vis des familles», nous a déclaré le responsable.

«Nous devons rendre hommage aux membres de la diaspora en cette journée, pour leurs efforts. On estime à peu près à 10 millions le nombre de Marocains qui reçoivent de l’aide de leurs proches vivant à l’étranger. Les transferts d’argent l’année dernière ont été de près de 93 milliards de dirhams, frôlant les 100 milliards. C’est un record historique, alors qu’on s’attendait à un tarissement de cette manne.»

Mouawia Essekelli, Wafacash

De nouvelles solutions digitalisées pour moins de coûts

«Finalement, il y a eu une progression sur deux années de suite, 2020 et 2021, malgré la crise sanitaire. Cela prouve une résilience de ces envois et les liens de plus en plus forts entre la diaspora et le pays d’origine», a ajouté encore le PDG de Wafacash. La rencontre a permis aussi de «débattre des problématiques qui entravent ces transferts, à savoir le coût du transfert et de la distribution. C’est un total qui représente jusqu’à 12% de la valeur du transfert. Le but des opérateurs internationaux est de réduire ce coût, d’où le recours au digital».

Le responsable a insisté sur le rôle du numérique dans la fluidification du circuit du transfert d’argent vers le Maroc, spécifiquement pendant la crise sanitaire. «Il faut savoir que dans les pays développés, en Europe, en Amérique et au Moyen-Orient, il existe désormais une multitude de fintech, des start-ups dans la finance, qui proposent des solutions de transferts d’argent à bas coût. Cela fait qu’en plus des entreprises traditionnelles de transfert d’argent, ces nouveaux opérateurs augmentent le potentiel de transferts vers le Maroc», a déclaré encore Mouawia Essekelli à Yabiladi.

«Ces fintechs viennent avec des solutions entièrement digitalisées : on peut transférer de l’argent depuis chez soi, sans se déplacer et cela coûte beaucoup moins cher que le circuit classique de cash to cash. Nous avons fait nous-mêmes cette expérience, en lançant l’année dernière Wafacash Europe, tout en nous adressant à la fois à tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale, où notre groupe est installé», a-t-il ajouté. Ainsi, à partir de toute la zone Euro, les MRE peuvent «transférer de l’argent en instantané depuis chez eux. Au Maroc, les familles ont le choix de recevoir leur transfert soit sur un compte bancaire, soit sur un wallet (compte de paiement) soit en cash en agence. Le bénéficiaire lui-même peut recevoir le transfert chez lui à très faible commission, s’il opte pour une solution entièrement digitalisée», a encore indiqué Mouawia Essekelli à Yabiladi.

Pour Aziz Senni, cette dynamique bancaire «est la démonstration que nous sommes dans une société où la solidarité constitue encore un lien fort». «Des concitoyens ont quitté leur pays pour des raisons diverses avec une finalité économique, sans pour autant oublier le lien avec le pays d’origine, la famille», estime l’entrepreneur. Selon lui, «ces transferts sont l’expression de cette mémoire et nos Marocains du monde méritent que leur contribution soit reconnue à sa juste valeur».

Un modèle bancaire et solidaire unique

Vice-président de la 13e région des Marocains entrepreneurs et hauts potentiels du monde au sein de la Confédération générale des entreprises du Maroc (MeM by CGEM), Laidi El Wardi est aussi l’ancien directeur général en charge de la banque de détail à la Banque centrale populaire (BCP). Lors de cette rencontre, il a déclaré à Yabiladi qu’«aujourd’hui, les transferts des MRE sont destinés essentiellement au soutien des familles restées au Maroc, à plus de 90%».

«Cette journée est importante, parce que ce soutien familial est aussi un moyen de soutien à la consommation, qui a un impact économique sur la production ainsi que les PME-PMI ; l’épargne sert dans les banques à financer des investissements indirects et c’est tout le rôle d’intermédiation des banques, où nos MRE interviennent indirectement et de manière importante», a-t-il ajouté.

Laidi El Wardi a souligné en effet que «60% des MRE sont bancarisés au Maroc». «Depuis la fin des années 1960, le Maroc, à travers son système bancaire, a mis en place un dispositif pour rapatrier l’épargne au niveau de comptes bancaires dans le pays. Aujourd’hui, les dépôts bancaires des MRE représentent 20 à 25% du total», a-t-il ajouté. Selon le responsable, «il s’agit d’un modèle que plusieurs pays nous envient», puisque «l’idée de rapatrier cette épargne à travers le système bancaire national a créé un modèle, qui a canalisé les transferts pour en faire un instrument de financement de l’économie nationale». «C’est un modèle probablement unique au monde», s’est-il félicité.

A chaque fois qu’une crise se profile dans les pays de résidence ou dans le pays d’origine, une remontée conséquente de transferts vers ce dernier s’observe. Pour des entrepreneurs à impact social comme Aziz Senni, ces transferts incarnent, de la sorte, un gage de paix sociale. «En temps de crise, on se mobilise tous, pour soigner, pour des enterrements, pour des stockages en nature et en argent ; c’est un coussin social qu’assurent les MRE pour plus de 10 millions de personnes dans le pays», estime-t-il.

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