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Grand Angle

Le secteur privé du Maroc et de la région MENA face aux nombreux défis [rapport]

Si les pays à revenu faibles à moyens ont connu, depuis la crise financière de 2009, une croissance du PIB par habitant de 1,7% par an, des pays de la région MENA, comme le Maroc, souffrent d'une baisse significative de l'investissement, selon la BEI, la BM et la BERD.

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Image d'illustration. / DR
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Dans un rapport publié ce jeudi, la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque mondiale (BM) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) se penchent sur le secteur privé de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) et les entraves à sa croissance. Intitulé «Unlocking Sustainable Private Sector Growth in the MENA», le rapport compile les résultats de l’enquête MENA Enterprise Survey menée entre fin 2018 et 2020.

Après avoir sondé près de 5 800 entreprises formelles à travers l'Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Tunisie, la Cisjordanie et Gaza, les auteurs ont tenté de comprendre pourquoi la croissance de la région a été faible depuis la crise financière mondiale de 2007-2009 et le printemps arabe du début des années 2010. En effet, depuis ces évènements, le produit intérieur brut (PIB) par habitant n'a augmenté que de 0,3% par an dans la région MENA, contre 1,7% en moyenne dans les pays à revenu intermédiaire et de 2,4% dans les économies en développement d'Europe et d'Asie centrale.

Variation du PIB par habitant par an depuis la crise financièreVariation du PIB par habitant par an depuis la crise financière

Pour le Maroc, cette croissance a cependant été largement supérieure à la moyenne régionale, avec une augmentation du PIB par habitant de 1,7% par an, derrière l’Égypte (2,1%) mais devant la Cisjordanie et Gaza (1,2%). Le Liban connait la plus mauvaise évolution, avec une baisse de 2,3% du PIB par habitant par an depuis 2009.

Le Maroc et la région MENA face à de nombreux défis

Pour la région, «il est particulièrement important de parvenir à une croissance plus élevée et durable, compte tenu des autres défis économiques» auxquels elle est confrontée, soulignent les auteurs. En ce sens, le rapport insiste sur l’augmentation considérable de la dette publique. Pour le Maroc, elle dépasse 75% du PIB en 2020, contre environ 45% en 2008.

Dette marocaine en pourcentage du PIB. / DRDette marocaine en pourcentage du PIB

Aussi, cette hausse a été accompagnée dans la région par une baisse des investissements, qui chutent à 28,45% du PIB en 2020 au Maroc, contre près de 39% en 2008. Cette baisse des investissements a été aggravée par la pandémie de Covid-19, comme en Tunisie et en Cisjordanie, note le rapport.

«L'augmentation significative de la dette publique, associée au déclin de l'investissement, est cohérente avec l'éviction des investisseurs privés par le gouvernement», souligne le rapport, qui ajoute que cela implique que les sociétés de la région «ont mis de côté peu de ressources pour augmenter le stock de capital de leurs économies».

D’autres défis viennent encore aggraver la situation, notamment avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. «Les perspectives de resserrement financier mondial, la persistance des prix élevés de l'énergie et des denrées alimentaires et les inquiétudes concernant la sécurité alimentaire viennent s'ajouter aux préoccupations liées à la faiblesse de la croissance économique et à la hausse des niveaux d’endettement», a déclaré Debora Revoltella, économiste en chef de la BEI. «Pour faire face à ce nouveau choc, les pays de la région MENA doivent s'attaquer aux principaux goulots d'étranglement structurels qui affectent la région. Les réformes qui abaissent les obstacles réglementaires, s'attaquent aux pratiques commerciales informelles, encouragent la concurrence et facilitent l'innovation et la numérisation sont cruciales pour parvenir à une croissance économique durable et améliorer la résilience aux chocs futurs», a-t-elle ajouté.

Le Maroc et ses spécificités

Au Maroc, 661 entreprises ont été sondées pour ce rapport, notamment sur les principaux obstacles à l’investissement. Pour 15% d'entre elles, la corruption représente le plus grand obstacle, tandis que 15% estiment qu’il s’agit du taux d’imposition. Vient ensuite l’administration fiscale pour 14% des entreprises. À noter que contrairement aux autres pays de la région, l’instabilité politique ne fait pas partie des trois plus grandes préoccupations des entreprises marocaines.

Celles-ci déclarent cependant, pour 33% d’entre elles, que le secteur informel est un obstacle majeur ou très grave à leur propre activité, à la troisième place de la région derrière le Liban (44%) et la Tunisie (41%). Ces entreprises connaissent une plus faible croissance de l’emploi que celles qui ne souffrent pas de la concurrence du secteur informel, tout comme elles souffrent d’un turn-over plus important. Aussi, cette compétition du secteur informel entraîne un moins bon accès au financement, souligne l’étude, ce qui provoque une croissance plus faible.

Les entreprises marocaines se distinguent également dans leur profil vis-à-vis de l’international, alors que la majorité d’entre elles n’importent ni n’exportent pas, ce que l’on retrouve seulement en Égypte. Malgré cela, le Maroc fait partie des pays de la région qui participe le plus à la chaîne de la valeur mondiale, aux côtés de la Jordanie et de la Tunisie. Pour ces entreprises marocaines plus que pour celles des autres pays, les réglementations douanières et commerciales constituent aussi des obstacles majeurs aux opérations commerciales.

Les auteurs soulignent enfin d’autres freins à la croissance du secteur privé dans la région et au Maroc, dont les pratiques de gestion qui se dégradent, notamment lorsqu’il est question d’entreprises étatiques. Par ailleurs, les procédures complexes découragent les entreprises marocaines de demander un prêt, tout comme les taux d'intérêts qui sont jugés défavorables. Les entreprises au Maroc demandent ainsi de moins en moins de prêts. En 2013, 64% d’entre elles le faisaient, contre 41% en 2019, ce qui reste malgré tout au-dessus de la moyenne régionale.

Si les auteurs soulignent que les pays de la région devraient miser sur les énergies renouvelables pour assurer leur croissance et leur compétitivité, le Maroc se distingue avec des politiques ambitieuses, le royaume souhaitant dépasser 52% de son mix énergétique en 2030. Pour l'hydrogène vert, le Maroc est d'ailleurs un futur acteur mondial de l’hydrogène, selon le Financial Times. Le pays se trouve ainsi en tête des Etats arabes en termes d'attractivité dans le domaine des énergies renouvelables.

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