Cela fait une dizaine d’années que Lahoucine Boufoullous, franco-marocain, est logisticien dans l’humanitaire. Franco-marocain, né à Casablanca en 1969, il voyage régulièrement dans le monde pour des missions humanitaires et notamment en Afrique. Pour des raisons pratiques, comme pour éviter d’attendre plusieurs jours pour avoir un visa et mieux faire face à des déplacements de dernière minute, il a pris l’habitude de voyager avec son passeport marocain vers les pays n’exigeant pas de visa pour les ressortissants marocains. Cependant, il prend toujours avec lui son passeport français.
Lieu de naissance différent sur son passeport marocain et français
Tout s’est toujours bien passé jusqu’à il y a deux mois, date où il a du renouveler sa carte d’identité et passeport marocains à Casablanca. Une fois ses nouveaux documents entre ces mains, il remarque une grande modification. Le nom de la ville de naissance n’est plus mentionné. Elle est remplacée par le nom de préfecture de naissance. Ainsi, Lahoucine voit disparaitre de son passeport «Casablanca» pour «Mers Sultan Derb Sultan». Sur le champ, il signale cette modification au fonctionnaire qui lui a remis son passeport, croyant que c’est une erreur. Cependant, le fonctionnaire lui assure que ce n’est pas une erreur. Il lui affirme que la loi a changé et que tous les passeports marocains comportent désormais le nom de la préfecture de naissance et non de la ville.
Pour Lahoucine, cette modification change tout car elle entre en opposition avec ce qui est inscrit dans son passeport français qui signale que sa ville de naissance est Casablanca. Même si ça ne lui est jamais arrivé, il craint, à l’avenir de tomber sur des douaniers sévères de certains pays qui pourraient exiger de voir ses deux passeports et qui, dans le cas extrême, pourraient se rendre compte que les lieux de naissance inscrits dans les deux passeports diffèrent. «Avec ma tête d’arabe, on peut très vite me faire passer pour un trafiquant de drogue ou un terroriste avec ces deux différences dans mes passeports. Allez leur expliquer qu’il s’agit du même lieu de naissance !», lance-t-il évoquant notamment le durcissement des contrôles de sécurité dans les aéroports américains et ceux de Londres qui peuvent exiger une fouiller intégrale du passager lors d’un passage en douane. «C’est tout de même incroyable de faire passer cette loi sans prendre en compte la situation des binationaux. Dans ma famille je ne suis pas le seul à avoir ce problème, on est bien 7 ou 8 à être nés à Casablanca, à avoir les deux passeports et à craindre de rencontrer des problèmes à l’avenir», déplore-t-il.
«Je n’ai plus envie d’être un citoyen marocain !»
Alors, pour tenter de rectifier les choses, Lahoucine a envoyé différents courriers au chef du gouvernement, aux ministères de l’Intérieur ou des Affaires Etrangères pour les sensibiliser sur son cas «exceptionnel» mais sans résultat. Il a également contacté la presse arabophone pour leur expliquer les failles de cette loi. Là aussi aucun retour. Déçu de n’avoir aucune réponse, Lahoucine envisage actuellement de ne plus voyager avec son passeport marocain.
«Cela a toujours été une fierté pour moi de voyager avec mon passeport marocain mais dorénavant je préfère attendre un ou deux jours pour avoir un visa avec mon passeport français plutôt que de me balader avec une mine qui pourrait m’éclater un jour au visage. Je suis même prêt à mettre mon passeport dans une enveloppe et de le renvoyer au ministère de l’Intérieur pour lui dire que je n’ai plus envie d’être un citoyen marocain», poursuit-il.
Lahoucine Boufoullous doit se rendre à la fin du mois de septembre à Londres pour une nouvelle mission humanitaire. Un déplacement qu’il envisage de faire avec son passeport français.