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Interview

Maroc : Le gouvernement est-il impuissant face à la flambée des prix du carburant ? [Interview]

De février à avril 2022, la hausse des prix du carburant à la pompe a atteint 46% au Maroc. Par conséquent, les recettes des TIC et de la TVA augmententent, ce qui laisse penser à la nécessité d’un retour aux dispositions de la loi 104.12 pour atténuer les effets de cette flambée sur les consommateurs. L’économiste, Kamal Mesbahi, explique à Yabiladi l’importance pour le gouvernement de prendre une décision politique dans ce sens.

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Photo d'illustration / Ph. Philippe Huguen - AFP
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Vous préconisez l’application de l’article 4 de la loi 104.12. Que prévoit-il et en quoi est-ce essentiel de le mettre en vigueur aujourd’hui ?

La loi 104.12 a été promulguée le 30 juin 2014. Elle est relative à la liberté des prix et de la concurrence. Elle est à la base de tout ce qui peut concerner l’analyse des marchés, les risques d’entente, la fixation des prix, la concurrence. Parmi les produits et les marchandises, il y a le pétrole et les carburants. C’est donc une loi générale par rapport au fonctionnement du marché.

L’idée est simple. Toute loi a son champ d’application. Puisque celle-ci porte sur la concurrence, elle peut s’intéresser aussi bien à la liberté des prix que le contrôle des marchés, d’où nous avons un Conseil de la concurrence, dont le rôle est de protéger le bien-être social – le niveau de vie des citoyens –, en essayant de prévenir des ententes coopératives. L’article 4 de cette loi dit qu’il pourrait y avoir, sur un marché particulier – cela peut être le pétrole – un dysfonctionnement des prix. Dans ce cas-là, le législateur donne prérogative au chef du gouvernement pour prendre des mesures temporaires. Ces décisions de sauvegarde sont prises contre les hausses, ou les baisses significatives qui peuvent tuer un marché.

Kamal El Mesbahi, économiste / Ph. MAPKamal El Mesbahi, économiste / Ph. MAP

La hausse des prix des carburants s’avère une tendance mondiale. Comment le gouvernement marocain peut intervenir sur le plan national ?

Avant de balancer sur le plan économique, il y a une exigence du droit, sur le plan juridique. Il faut que le gouvernement puisse consulter le Conseil de la concurrence dans ce sens. Il est obligé par la loi de demander avis à ces institutions, par rapport à ces dispositions-là, mais peut ne pas tenir compte des observations rendues. L’exécutif peut aller jusqu’à faire fi de l’avis du conseil, si celui-ci tarde à répondre. La loi dit également que si le gouvernement arrive à fermer la baisse ou la hausse des prix, il ne peut le faire que pour une durée qui n’excède pas six mois et qui ne peut être prorogée qu’une seule fois par l’administration. C’est une décision politique.

Dans la mesure où le prix payé à la pompe est composite, avec cinq éléments : le prix d’achat international, le transport et les assurances afférentes, les taxes intérieures à la consommation, la taxe sur la valeur ajoutée et la marge de bénéfice. Nous sommes dans une économie concurrentielle. En cas d’élévation excessive du prix du pétrole, le gouvernement ne peut réguler le prix à la pompe que sur la base des taxes.

Par quel procédé économique peut se faire cette régulation des prix des carburants ?

S’il y a un effort à mener, il faut à mon avis que ce soit fait sur le contrôle d’une éventuelle entente et le fonctionnement du marché, ainsi que par une baisse significative des taxes qui font partie de la définition du prix. Ce processus peut être mené, dans la mesure où la Loi des finances pour l’année est établie sur la base d’un certain nombre de recettes prévisibles. Une fois que cette loi est votée, elle l’est sur la base de la valeur de recettes, dont celle du carburant.

Aujourd’hui, il est avéré que les taxes réalisées du pétrole seront significativement plus élevées que celles attendues. L’Etat peut faire un effort en annonçant qu’il ne se tiendra qu’à la somme de taxes prévues et tout ce qui dépasse cette valeur peut entrer dans le cadre d’un soutien en faveur d’une baisse du prix à la pompe.

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