L’offshore a encore de beaux jours devant lui au Maroc. Sitel, compagnie américaine de télémarketing implantée depuis 2003 dans le Royaume, a en effet annoncé vendredi dernier qu’elle s’apprêtait à lancer une opération de recrutement de grande envergure au sein de ses centres d’appels marocains. L’entreprise souhaite ainsi recruter 300 nouvelles personnes pour ses sites de Rabat et de Casablanca, rapporte les Echos Quotidien du 24 août. «Dans le cadre de sa stratégie de développement, le groupe prévoit aujourd’hui d’intégrer près de 300 nouveaux postes afin de répondre à la demande de nos clients en termes de conseil, de service après-vente, de vente en ligne, ou encore de support technique», souligne le management de Sitel Maroc.
Avec près de 1200 personnes répartis au sein de ses deux sites rbatis et de son site casablancais, Sitel Maroc a pour principales activités la vente de produits, le service au client et la GRC (Gestion de la Relation Client) multimédia ; des prestations qu’elle met à la disposition de clients opérant aussi bien dans le secteur des nouvelles technologies que ceux de la téléphonie ou de l’assurance. Parmi les opérateurs téléphoniques que la compagnie compte en clients, Orange, Bouygues et SFR – les trois acteurs majeurs des télécoms dans l’Hexagone – externalisent leur service chez Sitel Maroc.
La croisade du gouvernement français contre les délocalisations
La décision du spécialiste mondial de l’outsourcing intervient dans un contexte marqué par la croisade qu’est actuellement entrain de livrer le gouvernement français pour la relocalisation des emplois des call-center en France. Il y a moins de deux semaine, le ministre du Redressement Productif, Arnaud Montebourg, a en effet réussi à obtenir de B2S, l’adjudicataire de l’appel d’offres du Stif pour la gestion de son call-center, que la majorité des emplois de ce contrat soient relocalisés en France et non au Maroc, où l’entreprise possède sa principale plateforme d’appels. Selon les estimations avancées par le président de l’Association Marocaine de Relations Clients (AMRC), Youssef Chraïbi, ce sont près de 5000 emplois qui se sont directement retrouvés menacés au Maroc à l’annonce de cette nouvelle. Un chiffre que contestent aujourd’hui de nombreux spécialistes marocains.
La décision de Montebourg, «c’est un peu la montagne qui accouche d’une souris»
«Les entreprises françaises de la relation client qui sont installées au Maroc ont investi lourdement, durablement, et ont donc vocation à rentabiliser leurs investissements, surtout qu’il s’agit de plateaux de standing, avec des équipements lourds» affirme le président du SICCAM (Salon International des Centres d’Appels et de Contacts au Maroc), M. Mohammed El Ouahdoudi. Pour lui, peu de risques que la décision de Montebourg impacte négativement le marché de l’emploi des call-center au Maroc car le pays «a acquis un savoir-faire dans la relation client qui lui donne une longueur d’avance» sur le reste de la concurrence, et ce, qu’elle soit française ou internationale. La conjoncture économique actuelle ne joue pas non plus en défaveur de l’activité de ce secteur dont «le paradoxe (…) est qu’il se développe justement du fait de la crise».
Les nombreux avantages de «l’outsourcing»
«Par temps de vaches maigres», l’externalisation des services au Maroc offre en effet de très nombreux avantages aux entreprises françaises : maîtrise des coûts, limitation des dépenses liées au personnel, gain en termes de flexibilité et de souplesse, possibilité de mieux se concentrer sur l’activité centrale en faisant appel à des professionnels… Les avantages de l’outsourcing sont multiples. C’est pourquoi, «les donneurs d’ordre en provenance d’Europe» – et de France en particulier, «sont [si] nombreux» à s’installer au Maroc, révèle l’une de nos sources travaillant pour un institut d’études marketing français qui a choisi d’externaliser ses services dans le Royaume. «Les temps sont de plus en plus difficile pour les entreprises françaises qui, confrontées à la crise économique qu’elles traversent, cherchent par tous les moyens possibles à comprimer leurs coûts, ce qui passe entre autres par l’externalisation de leurs services au Maroc» souligne-t-elle en ce sens.
A la question de savoir si l’on mesure déjà un effet Montebourg se traduisant par une baisse des implantations des entreprises françaises au Maroc ou de leurs commandes auprès de leurs sous-traitants marocains, celle-ci nous répond que «non, pas pour le moment ; d’autant que cette décision ne concerne que les emplois liés à la réception d’appels au Maroc et non ceux liés à l’émission d’appels, [comme dans le cadre de la Gestion de la Relation Client par exemple]» qui comptent aujourd’hui pour une grande partie de l’emploi des hotlines du Royaume.
Les sorties médiatiques et le discours offensif d'Arnaud Montebourg ne semblent donc pas impacter l'activité de l'offshoring au Maroc. Dans le domaine des affaires, c'est avant tout la logique économique qui prédomine. En ces temps de disette, s'appuyer sur l'outsourcing au Maroc est devenu vital pour bon nombre d'entreprises françaises. Les emplois qu'elles créent au Maroc peuvent aussi servir à protéger des emplois en France.