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Grand Angle  

Quand l’Algérie a lié la question du Sahara à la crise de l’îlot de Leïla pour soutenir l’Espagne

Au début du troisième millénaire, l’Algérie a choisi de rompre le consensus arabo-islamique et de se ranger du côté de l’Espagne aux dépens du Maroc, lors de la crise de l’île de Leïla. Le voisin de l’Est a trouvé l’occasion de lier cette crise de moins de dix jours avec le conflit du Sahara occidental.

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Photo d'illustration / DR.
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En juillet 2002, les relations entre le Maroc et l’Espagne se sont détériorées, au point où les deux pays ont été à deux doigt d’une confrontation militaire. Le 11 juillet, un petit groupe des membres de la Gendarmerie royale marocaines s’est rendu sur l’île de Laila (Perejil), située à environ deux cents mètres de la côte marocaine et à environ 14 kilomètres des eaux espagnoles continentales. A la suite de la mise en place d’un avant-poste marocaine, l’Espagne est intervenue et a demandé au Maroc de retirer ses forces, arguant que l’îlot relevait de la souveraineté de Madrid.

Après quoi, l’Espagne a mené une opération militaire à laquelle ont participé des unités spéciales, des avions de combat, des hélicoptères et des navires de guerre, mobilisés sur l’île. Les gendarmes marocains ont été arrêtés, avant d’être remis au Maroc par le point de passage de Ceuta.

Dans le temps, la présidence de l’Union européenne a rapidement publié une déclaration de soutien à la position espagnole. L’OTAN a exprimé sa satisfaction quant aux résultats de l’opération militaire.

Face au soutien européen à l’Espagne, le Maroc a fait appel à la Ligue des Etats arabes et à l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Cette dernière a exprimé son profond regret quant aux «développements survenus sur l’île marocaine de Leïla et l’occupation de l’île par l’Espagne, par la force des armes». L’instance a également exigé «que les forces espagnoles se retirent immédiatement de l’île marocaine».

La Ligue arabe a également décidé de se tenir aux côtés du Maroc. Alors secrétaire général de l’organisation panarabe, Amr Moussa s’est rendu dans la région marocaine de Belyounech, près de l’île. Par la même occasion, il a affirmé le positionnement de la Ligue en «soutien de la position du Maroc et son soutien au dialogue en même temps, pour parvenir à des solutions finales d’une manière qui préserve les droits arabes».

Amr Moussa a déclaré que sa visite se tenait «pour voir l’île elle-même, pour la voir de ses propres yeux et pour se tenir sur la solide terre arabe marocaine».

L’Algérie a tenu une position différente

Dans le temps, l’Algérie a choisi de briser le consensus arabo-islamique en adoptant une position que certains ont trouvé «étrange», ses responsables ayant publié des déclarations de soutien à l’Espagne. Le pays voisin a estimé que la crise maroco-espagnole était une occasion favorable pour se rapprocher du Premier ministre de droite, José Maria Aznar, pour «se venger» du Maroc.

La première réaction algérienne officielle est venue du ministre en charge de l’Afrique et du Maghreb, Abdelkader Messahel. Ce dernier a estimé que le déploiement par le Maroc de membres de ses forces de l’ordre sur l’île était «une façon d’imposer le fait accompli», une «violation de la légitimité internationale» et une «violation des frontières héritées de la colonisation».

Le ministre algérien n’a pas non plus hésité à lier la crise de l’île située en mer Méditerranée au conflit du Sahara occidental. Ainsi, il a déclaré que l’Algérie rejetait «toute politique visant à imposer un fait accompli ou toute violation de la légitimité internationale» et que son pays défendait ce principe, «qu’il s’agisse de la question du Sahara ou des conflits générés par le non-respect des frontières héritées de la colonisation».

Face à l’étonnement général exprimé dans le monde arabe et islamique à la suite de la réaction d’Alger, les responsables algériens ont tenté de justifier leur position. Un responsable algérien a alors déclaré au journal panarabe publié à Londres, Asharq Al-Awsat, que son pays «a toujours tenu à respect de la légitimité internationale et, de ce point de vue, il a annoncé son rejet du fait accompli».

Le responsable a ajouté que son pays «n’a pas soutenu l’Espagne contre le Maroc ; ceux qui ont compris la chose de cette manière soit n’ont pas vu la position officielle de l’Algérie, soit ils veulent que ce soit ainsi».

Face à la gravité de la situation, la diplomatie américaine est intervenue. Aux Etats-Unis, Colin Powell (1937 – 2021), ancien secrétaire d’Etat en charge des Affaires étrangères entre 2001 et 2005, a mené les premières démarches de médiation, qui ont fini par porter leurs fruits. Depuis, les deux parties – marocaine et espagnole – se sont accordées le 20 juillet 2002 pour vider l’île de toute présence militaire, de façon à revenir à la situation d’avant le 11 juillet de la même année.

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