Un y a un an, en mars 2021, l’association Jood a choisi de taper fort avec une campagne de sensibilisation à la mendicité infantile. Le message véhiculé devait choquer : «Pour son bien...ne lui donne rien». En effet, Jood entreprenait de mener au niveau national une campagne de communication et de sensibilisation pour dénoncer l’exploitation des enfants à des fins de mendicité. L’objectif principal de la campagne était d’inciter le citoyen à prendre conscience de la mendicité infantile due à la contribution et à l’alimenter des réseaux qui exploitent des enfants.
«Certains citoyens jugeaient la campagne choquante à ses débuts. Nos partenaires n’ont pas hésité à dénoncer l’exploitation des enfants à des fins de mendicité. Grâce à cela, notre campagne a réussi à attirer une interaction positive et à avoir le soutien de plus 84% du public Marocain touché pendant cette campagne», déclare Myriam Benzakour, directrice des opérations de l’association humanitaire Jood.
Une réalité inquiétante
De plus, en 2020, le ministère de la Solidarité a mené une large campagne visant à sanctionner les adultes participants à l’exploitation d’enfants, dans la zone de Rabat-Salé-Témara. Selon le ministère, 66% de ces enfants étaient âgés de moins de quatre ans et 27% de moins d’un an. On parle ici d’exploitation d’enfants pour générer des revenus, de locations d’enfants à la journée, dont la tarification est fixe : 150 dirhams par jour.
En effet, pour l’Organisation internationale du travail (OIT), la mendicité est considérée comme étant une nouvelle forme d’esclavage des enfants. Mais la réalité n’est pas si simple pour certaines femmes voulant travailler. «Je vois ma colocataire laisser sa fille de deux ans à une dame qui la garde toute la journée. Elle me dit ne pas avoir les moyens de la confier à une crèche pour aller travailler», confie Akissi*, ivoirienne résidente à Casablanca et colocataire d’une loueuse d’enfants qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. «Je la vois laisser sa fille à une femme le matin et la lui ramener le soir pour 150 dirhams», ajoute-t-elle. Des situations choquantes pour Akissi : «Ce n’est pas normal, je vois la pauvre fille revenir le soir et je suis très gênée.»
Des plans d’actions à mettre en place
Le Code pénal marocain prévoit une peine de 6 mois à 2 ans de prison pour les personnes utilisant des mineurs de moins de 13 ans à des fins de mendicité. Cependant, ces risques de condamnation ne freinent pas l’activité de location d’enfants. Pour Myriam Benzakour, «il faut être conscient qu’il n’existe pas une potion magique pour arrêter ce phénomène, mais il faut actionner certains leviers, notamment les leviers sociaux et législatifs pour réduire considérablement ce phénomène».
En effet, selon l’association Jood, il faut agir sur le plan social par des projets d’accompagnement sociaux d’éducation, de sensibilisation et d’alphabétisation qui doivent être renforcés pour toucher les femmes et les mamans dans les milieux précaires. «En attendant que ces plans fassent preuve d’efficacité, il va falloir faire recours en urgence au plan législatif», déclare Myriam Benzakour.
De plus, sur le plan législatif, l’association humanitaire considère que les peines appliquées aux «mendiants professionnels» étant en capacité de travailler sont très légères, d’un à 6 mois d’emprisonnement. En effet, selon les statistiques de 2018, un Marocain sur 150 est mendiant, signifiant que leur nombre s’élèverait à quelque 200 000 dont plus de 62,4% sont des professionnels.
«Le jour où ces peines deviennent plus conséquentes et contraignantes, nous allons pouvoir espérer de ne plus voir des enfants mendier dans les feux rouges, parce que leur place est sur les bancs de la classe.»
Pour rappel le phénomène de la mendicité infantile bafoue le droit humain fondamental du droit à l’éducation. L’éducation étant un facteur fondamental du changement essentiel à la réalisation de chacun des 17 Objectifs de Développement Durable signé par le Maroc.
* Le prénom à été modifié