Nouveaux cahiers de charges de l'audiovisuel au Maroc : Petites concessions au PJD et larges victoires de 2M

La nouvelle version des cahiers des charges de l’audiovisuel (212-2014) marocain, adoptée le jeudi le 16 août en conseil de gouvernement, est en cours d'examen à la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA). Cette fois, les membres de cette instance ont la ferme intention de prendre tout le temps nécessaire à l’examen des documents. Amina Lamrini et son équipe ne veulent pas faire la même erreur qu'Ahmed Ghazali, ancien président de la HACA. Il avait donné son feu vert aux projets élaborés par le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi, 24 heures après les avoir reçus. Un rapidité qui a lui coûté son poste.

Diffusion des appels à la prière

Le parti de la majorité, le PJD, a-t-il perdu la face ? Les «frères» du chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, ont réussi à imposer à 2M la diffusion, à partir du 1^er octobre, des cinq appels quotidiens à la prière et la retransmission du prêche de vendredi ainsi que les prières de l’Aid El Fitr et de l’Aid El Kébir, présidées par le roi Mohammed VI.

Par ailleurs, les islamistes, à défaut de réduire l’influence de la langue de Molière dans les programmes de 2M (entre 20 et 25%), sont parvenus à faire réference au pourcentage dédié aux «langues étrangères». Le comble puisque, jusqu’à preuve du contraire, 2M ne diffuse pas de programmes en anglais ni en espagnol mais en seulement en français.

2M plus libre

Sur le fond, la direction de 2M a su préserver son «indépendance» du ministère de la Communication. Sa tutelle sur la chaîne, qu'ambitionnent les PJDistes, n’est pas pour demain. L’équipe dirigeante de 2M peut se montrer satisfaite de la nouvelle version des cahiers. Contrairement à l’ancienne version, elle ne leur impose pas d’inviter des personnes précises, notamment les religieux, lors des programmes de débats.

Une victoire à laquelle s’ajoute le fait que la chaîne n'aura pas à respecter les règles de la bonne gouvernance dans les marchés qu’elle octroie, sans appels d’offre, à certaines sociétés. Pourtant, le ministre de la Communication a longtemps martelé son intention de faire passer 2M par les fourches caudines de la loi sur les marchés publics. Les déclarations du ministre visant à ressusciter les comités de lectures dans l’audiovisuel public afin de préférer les bons scénarios aux mauvais n'ont pas non plus été intégrés à cette dernière version des cahiers des charges.

Keno et Loto restent à l'écran

 Trois victoires qui expliquent, notamment, le silence qu’observe religieusement la direction de 2M depuis que le gouvernement Benkirane a adopté ces nouveaux cahiers des charges. Cette attitude tranche avec les sorties médiatiques de Salim Cheikh, directeur général de 2M, et de Samira Sitail, directrice de l'information, lors de la première publication de cahiers par Mustapha El Khalfi. Avec Nabil Benadbellah, actuel ministre de l'Habitat, ancien ministre de la Communication et secrétaire général du PPS, à la tête de la commission de la révision de ces mêmes cahiers, les responsables de 2M ont eu gain de cause et se sont tus.

La précédente version des cahiers de charge de 2M élaborés par le ministre de la Communication avait également consacré tout un long article (49) à la publicité. Une sorte de guide de bonne conduite à la direction de 2M, invitée à ne pas succomber à la tentation du "péché" et principalement à éviter toute diffusion de spots publicitaire des jeux de hasard. Un interdit qui avait aussitôt soulevé un tollé de l'opposition et des démocrates, à l'origine de l’intervention royale, le 24 avril dernier. Le rappel à l’ordre a fonctionné : les nouveaux cahiers des charges (art. 15 et 33) ne mentionnent que très rapidement la publicité et les restrictions concernant le loto et le keno ont disparues.