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Interview

Ukraine : Même aux frontières, des Marocains bloqués entre la guerre, l'attente et le froid

Mohamed Ilyas Benfdil, responsable d’un bureau d’orientation des étudiants marocains en Ukraine et résidant dans le pays depuis 11 ans revient avec Yabiladi sur la situation des étudiants marocains, surtout au niveau des frontières, où une partie de Marocains, sans papiers et donc ne pouvant traverser, se retrouve bloquée entre la guerre et le froid glacial.

Publié
Des réfugiés de différents pays arrivés à pieds en Pologne, après avoir fui les combats en Ukraine, le 27 février 2022 à Medyka. / Ph. AFP
Temps de lecture: 3'

Quelle est la situation des étudiants marocains en Ukraine aujourd’hui ?

Les Russes attaquent actuellement les grandes villes, comme Kiev ou encore Kharkov. Avant, ils ne s’attaquaient qu’aux militaires alors qu’actuellement ils visent aussi des civils, étant donné que les Ukrainiens sont patriotes et défendent leur pays.

Les choses se sont déroulées tellement vite que cela n’a pas laissé aux étudiants le temps de partir. Heureusement, la majorité des étudiants marocains ont pu quitter les villes ukrainiennes et se rendre aux frontières. Aujourd’hui, même les diplomates et personnel consulaire marocain ont quitté Kiev vers Lviv (environ 70 km de la frontière polonaise, ndlr) pour s’approcher des frontières.

J’ai tenté d’évacuer le maximum d’étudiants vers les zones frontalières. Mais il reste certains étudiants qui n’ont pas leurs passeports sur eux. Il y a aussi ceux qui étaient hésitants entre partir ou rester en Ukraine. Il faut savoir que plusieurs sont également bloqués ici car avaient des engagements avec leurs universités.

Pour notre cas, nous avons donc fait des listes pour ceux qui étaient partants et qui devaient passer pour confirmer. La majorité sont partis.

Pour ceux qui restent toujours en Ukraine, est-ce que vous leur conseillez de rester dans leurs abris ou de quitter dès que possible vers les frontières ?

Pour les personnes qui se trouvent dans des zones où il y a des bombardements et des affrontements, ils doivent à mon avis impérativement quitter ces villes. Ils doivent s’abriter dans des souterrains ou des stations métros puisque ces affrontements se déroulent généralement entre 2h ou 3h et 5h du matin.

Il faut s’informer et surveiller les périodes où il n’y a pas de bombardements afin d'avancer vers les frontières. Il y a des autocars et des taxis qui sont extrêmement chers, car les chauffeurs risquent aussi leurs vies. Mais il y a le train comme moyen de transport qui reste gratuit pour évacuer le plus de personnes.

Je constate aussi des élans de solidarité entre étudiants et même entre personnes de différentes origines, que ce soit pour le transport ou pour s’entraider et faire le chemin.

Plusieurs parmi ceux qui se trouvent sans documents de voyage doivent encore disposer d’un laissez-passer…

Pour notre bureau, il y a 7 ou 8 étudiants qui n’ont pas de passeports ou dont les documents se trouvent en possession des autorités ukrainiennes pour différentes procédures. Il y a aussi plusieurs autres marocains, avec ou sans bureaux d’orientation, qui se trouvent dans la même situation.

J’avoue que cette question de laissez-passer est préoccupante. Je comprends que le personnel consulaire soit submergé par les appels des parents ou/et des étudiants. Ils reçoivent une pression alors qu’ils sont soumis au même stress que nous, vivre en guerre n’est pas facile. Mais il y a des gens qui ont toujours besoin d’eux et notamment de ce précieux papier pour traverser les frontières.

Quelle est justement la situation aux frontières de l’Ukraine, selon vous ?

Il y a des étudiants marocains qui sont arrivés aux frontières et qui ont pu traverser. Mais d'autres n'ont pas pu le faire. Il fait vraiment froid au niveau des frontières. Le froid glacial dans ces vastes zones est tellement insupportable. J’ai vécu cette situation et certains, las d'attendre, me disent qu’ils préfèrent «retourner en Ukraine et mourir d’une balle» au lieu de «mourir de froid au niveau de ces frontières».

Je pense que les autorités marocaines doivent trouver une solution pour accorder des laissez-passer à nos étudiants marocains sans passeports et sans documents de voyage. Ces jeunes n’ont nulle part où aller, ils sont sans abris et dans le froid. Ils ne demandent rien, juste un laissez-passer pour quitter vers les pays voisins. C’est un simple document prouvant qu’ils sont Marocains et qu’ils doivent être rapatriés au pays.

Il faut permettre aux autres ambassades dans les pays voisins de livrer ce document pour accélérer les choses. Nos étudiants fuient la guerre mais font face au froid.

Il y a aussi de longues files d’attentes qui contraignent des fois de se déplacer vers plusieurs postes-frontières avant de pouvoir quitter. Il faut donc s'armer de patience. 

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