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Grand Angle

Maroc : 38% des mères allaitantes sont la cible du marketing des marques de lait infantile

L’OMS et l’UNICEF ont alerté sur les campagnes de marketing menées par les fabricants de substituts du lait maternel dans un récent rapport. Ils révèlent que la proportion de femmes marocaines ayant reçu des recommandations de professionnels de la santé pour utiliser un substitut du lait maternel s’élève à seulement 38%, au grand dam des campagnes pour promouvoir l'allaitement maternel.

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Photo d'illustration. / DR
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Des parents et des femmes enceintes continuent d’être la cible du marketing des fabricants de substituts du lait maternel, a dénoncé cette semaine l’Organisation mondiale de la Santé et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF). Dans un nouveau rapport, les experts confirment que plus de la moitié des parents et des femmes enceintes (51%) interrogés dans le cadre du rapport, déclarent avoir été ciblés. Les fabricants de lait infantile enfreignent «très souvent les normes internationales en matière d’alimentation des nourrissons».

Le rapport résume les conclusions d'une étude multipays examinant l'impact de la commercialisation du lait en poudre sur les décisions et les pratiques d'alimentation des nourrissons. La recherche a été menée dans huit pays, dont le Maroc. Ainsi, il révèle que «3% des femmes ont déclaré avoir été exposées au marketing du lait infantile au cours de l'année précédente au Maroc», contre 97% en Chine, 84% pour le Royaume-Uni et 21% pour l'Afrique du Sud.

Des recommandations des professionnels de santé et du marketing sur les réseaux sociaux

Le rapport ajoute que le marketing traditionnel, par exemple à la télévision ou par publicité, est moins courant au Maroc, et dans d’autres pays comme le Bangladesh, le Nigéria et l’Afrique du Sud. Cependant, «les effets du marketing sont constatés dans les recommandations des professionnels de la santé et sur plateformes numériques». Dans ce sens, le rapport cite les réseaux sociaux (78%), la télévision (22%) et les supermarchés (4%) comme les trois principaux canaux où la commercialisation du lait en poudre est vue ou entendue par les mères au Maroc. La télévision reste toutefois dominante pour les autres pays (72% pour la Chine, 83% pour le Nigéria et 68% pour le Royaume Uni à titre de comparaison).

De plus, quant au pourcentage de mères recevant un échantillon gratuit de substitut du lait maternel au Maroc, le rapport indique que 19% en reçoivent gratuitement à l'hôpital, 20% à l'extérieur de l'hôpital alors que 26% l'obtiennent soit à l'intérieur ou hors hôpital.

Les professionnels de la santé dans tous les pays étudiés confirment aussi être «approchés par les représentants des fabricants de lait infantile», bien que cela diffère en fréquence et en intensité. «Des professionnels de la santé au Maroc, au Nigéria et au Vietnam ont signalé que les contacts avec les fabricants de lait maternisé étaient extrêmement fréquents dans les établissements de soins de santé publics et privés», poursuit le rapport.

Ainsi, au Maroc, la proportion de femmes ayant reçu des recommandations de professionnels de la santé pour utiliser un produit maternisé s’élève à 38%, contre 57% pour le Bengladesh et 17% pour la Chine. «Ils ont des conversations avec des pédiatres et des sages-femmes et demandent de leur donner [des échantillons gratuits] et les encouragent à les utiliser. [Ils m'ont donné] un échantillon de lait infantile», confie une sage-femme de Marrakech, citée par le rapport.

Celui-ci note que dans tous les pays, les femmes ont exprimé un fort désir d'allaiter exclusivement. Ce pourcentage varie de 49% des femmes au Maroc à 98% au Bangladesh. Les intentions d'alimentation du nourrisson des femmes enceintes montrent que 47% comptent utiliser un substitut du lait maternel, alors que 5 % prévoient un mélange d'allaitement et de lait maternisé.

Des messages qui «renforcent les mythes sur l'allaitement et le lait maternel»

L’ONU et l’UNICEF alertent aussi sur le fait que les mamans interrogées au Maroc et qui ont été exposées à plus de marketing étaient «beaucoup plus susceptibles d'être d'accord avec l'affirmation selon laquelle le substitut du lait maternel serait très semblable au lait maternel».

«Les messages marketing renforcent les mythes sur l'allaitement et le lait maternel, qui sont fréquemment répétés par les femmes. Ces mythes incluent la nécessité du substitut du lait maternel dans les premiers jours après la naissance, l'insuffisance du lait maternel pour l'alimentation du nourrisson, la perception que les préparations rassasient les nourrissons plus longtemps et que la qualité du lait maternel diminue avec le temps», dénonce le rapport. D’ailleurs, il cite la déclaration d’une maman à Marrakech qui assure qu’«une fois que le bébé aura bu le lait du biberon, il s'endormira rapidement, soit 3 heures au moins par rapport à l'allaitement naturel».

Pour l’ONU et l’UNICEF, les messages que les parents et les agents de santé reçoivent sont souvent trompeurs, sans fondement scientifique et contraire au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, accord de santé publique historique adopté par l’Assemblée mondiale de la Santé en 1981 pour protéger les mères contre les pratiques commerciales offensives des fabricants d’aliments pour bébés. 

Le rapport indique des opportunités d'action immédiates et tangibles que les gouvernements, les professionnels de la santé et leurs associations, la société civile et les individus peuvent et doivent prendre pour mettre un terme à la commercialisation contraire à l'éthique du lait infantile et d'investir dans le soutien que les mères et les familles souhaitent et ont besoin pour prendre des décisions concernant l'alimentation de leurs nourrissons.

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