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Grand Angle

Maroc : Après la mort de Rayan, remise en question des creusements de puits

Le triste dénouement de l’histoire tragique du petit Rayan, décédé plusieurs jours après être tombé dans un puits de 32 mètres profondeur, a remis au centre la sécurité liée à ces sources d’eau. Dans plusieurs régions du pays, les initiatives de particuliers se multiplient pour couvrir ces creusements.

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Opérations du sauvetage du petit Rayan / Ph. AP - DPA
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Après le décès du petit Rayan et le recueillement de sa famille, qui a organisé ce lundi les funérailles de l’enfant de 5 ans, le drame de sa mort après sa chute dans un puits asséché de 32 mètres de profondeur à Tamorot (province de Chefchaouen) a éveillé les consciences. Dans plusieurs régions du pays, les initiatives se sont multipliées pour sécuriser les accès des puits utilisés ou non.

Relayées via les réseaux sociaux, ces initiatives restent surtout l’œuvre de riverains et de particuliers, qui procèdent à la sécurisation des points d’eau encore fonctionnels afin d’éviter des drames similaires, ou à condamner ceux asséchés exposant les enfants à un risque de chute mortelle. Dans l’espoir que l’initiative donne l’exemple, des internautes partagent ces images et appellent tout propriétaire de puits à fermer l’accès de ce dernier à clé.

Des appels au respect de la réglementation du forage

Cette vague de prise de conscience a trouvé écho à l’étranger et jusqu’en Arabie saoudite. Dès dimanche, le ministère de l’Environnement, de l’eau et de l’agriculture dans le pays a annoncé la condamnation et la sécurisation de 2 450 puits abandonnés, à la lumière de la campagne lancée à ce sujet via les réseaux sociaux. Cette vaste opération «s’inscrit dans le cadre de la première phase d’un projet qui visera à combler les puits inutilisés dans tout le royaume, afin de prévenir les risques de chute chez les riverains et les passants, tout en réduisant l’impact de la pollution sur les nappes phréatiques», a annoncé le ministère.

Au Maroc également, la mobilisation des citoyens dans ce sens a trouvé son écho dans des appels à une application plus stricte des lois sur le creusement des puits, particulièrement dans les régions du nord, du Rif et du pré-Rif, où ces points d’eau ont été creusés en masse sans toujours respecter la réglementation. C’est ce que l’Observatoire du nord pour les droits de l’Homme (ONDH) a souligné dès le 3 février, peu après le signalement de la chute de Rayan et l’intervention des secours pour tenter de le sauver.

«Alors qu’il apprécie les efforts déployés jusqu’à présent auprès de Rayan et de sa famille, l’ONDH doit constater la responsabilité des autorités au niveau d’un ensemble de préfectures et de provinces du nord du Maroc, pour avoir fermé les yeux pendant des années sur les opérations de creusement de centaines de puits, y compris par certains trafiquants et cultivateurs de cannabis en violation de la loi, contre la volonté de la population locale et avec la complicité ouverte des autorités locales», avait indiqué l’ONG dans un communiqué. L’association a souligné, dans ce sens, qu’«il y a des dizaines de plaintes déposées par des habitants auprès des autorités compétentes» à ce sujet.

Pour l’ONDH, la situation actuelle «a contribué à la persistance d’agissements risqués de la part de personnes influentes, menaçant même la nappe phréatique de plusieurs zones, sans compter que ces puits sont devenus une menace pour la vie des citoyens vivant dans ces zones-là, en particulier les enfants».

De plus en plus de puits mais de moins en moins d’eau

Ce lundi, d’autres acteurs de la société civile ont joint leur voix. Issu de Chefchaouen, l’associatif Nabil El Baz a déclaré à Yabiladi qu’étant de la région où le drame de Rayan est survenu, il peut confirmer que le type de puits où le petit a chuté «se trouve pratiquement à perte de vue dans cette zone, à des distances très proches les unes des autres et dans tous les villages qui ne sont pas reliés au réseau de distribution conventionnelle».

«Avec les années de sécheresse, les creusements se sont multipliés mais beaucoup de ces puits ne permettent plus l'alimentation en eau des habitants. Ils sont donc abandonnés mais sans que les accès ne soient condamnés, ni par les habitants qui les creusent ni par les autorités qui doivent y veiller auprès des propriétaires, ce qui donne lieu à des accidents tragiques comme celui de Rayan.»

Nabil El Baz

«Au niveau de la province et vu l’insuffisance des barrages, ces points d’eau ont souvent été le seul moyen pour les habitants du monde rural d’accéder à une ressource hydrique, en plus de l’utilisation à outrance pour la culture de cannabis depuis des années déjà», a-t-il indiqué.

Nabil El Baz considère aussi que «les autorités locales ont longtemps laissé faire, tantôt en fermant les yeux sur les travaux de forage menés, tantôt en omettant de faire respecter la loi en la matière, sans oublier le poids de la corruption au niveau local, parmi les agents d’autorité». Par ailleurs, l’associatif considère que «ce laisser-aller à plusieurs niveaux a été aussi un outil pour éviter que des contestations sociales ne se créent à partir des questions d’accès et de gestion de l’eau et que le mouvement n’évolue vers des revendications pour une alternative économique, dans une province où les possibilités restent limitées».

Se joignant aux appels pour réviser l’usage des puits et particulièrement dans le nord du pays et la région du Rif, le Mouvement Maroc environnement 2050 a pour sa part préconisé de se pencher sur ces creusements, qui selon lui menacent la nappe phréatique mais pullulent grâce à des circuits de rente.

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