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Grand Angle

Maroc : Les pistes pour faire des industries culturelles un levier de développement [Etude]

Les industries culturelles et créatives (ICC) ont fait l’objet d’une étude au niveau national, afin d’en ressortir les pratiques les plus courantes dans quatre grandes filières. Plaidant pour une approche transversale, le document s’adresse principalement aux politiques pour faire de ce secteur un véritable levier de développement social et économique.

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Présentation de l'étude «Quelles transformations pour les ICC au Maroc. Focus sur 4 filières, l’édition, les arts de la scène, l’audiovisuel et la musique actuelle» / Ph. CGEM
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Intitulée «Quelles transformations pour les ICC au Maroc. Focus sur 4 filières, l’édition, les arts de la scène, l’audiovisuel et la musique actuelle», une étude indépendante a été menée par trois chercheurs, à travers une approche interactive pour mieux connaître le fonctionnement du secteur. Réalisée par les trois chercheurs Driss Ksikes, Mehdi Azdem et Sabrina Kamili, elle a été présentée ce lundi au siège de la Confédération générale des entrepreneurs du Maroc (CGEM).

L’étude est le fruit d’un accord de partenariat pour la contribution à la structuration du secteur, signé entre la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC) au sein de la CGEM et Wallonie Bruxelles international à Rabat. «Par les enseignements et par les recommandations, cette étude donne une sorte périmètre, qui a besoin maintenant d’être traduit en mesures, en politiques, en lois, en processus ; il faut s’assurer que tout cela se fait, en mettant en place une forme de vigilance et de veille», a déclaré à Yabiladi Driss Ksikes, coordinateur scientifique de l’étude, directeur du centre de recherches Economia.

Cette approche est en effet inédite, d’autant que les constats de cette étude montrent que peu de données sur les filières artistiques ont été analysées au niveau national à travers une démarche et une méthodologie scientifiques. Ainsi, il s’agit de «recueillir et structurer au mieux les vécus, représentations et perceptions des différentes parties prenantes, les acteurs sur le terrain en particulier, pour en déduire les axes de transformation majeurs à considérer, en vue de faire des ICC un levier de développement humain et économique déterminant».

Des facteurs de gouvernance déterminants

En termes de gouvernance globale, l’étude a montré que «le modèle économique dominant et les cadres légaux existants sont peu flexibles, essentiellement tournés vers l’appui à l’offre» dans les secteurs étudiés. Par conséquent, cette situation génère «un émiettement des acteurs, en concurrence sur un marché faiblement stimulé par la demande». Considérées comme «prioritaires» les pistes préconisées tendent vers un élargissement des publics et des communautés, en renforçant notamment le rôle des managers culturels. «L’autonomisation et stimulation qualitative des créateurs» devra par ailleurs soutenir «une réforme aboutie du régime de droits d’auteurs» avec des retombées sociales et économiques concrètes.

Au niveau de la gouvernance locale, l’étude indique «l’existence de potentiels locaux peu valorisés», qui montrent trois articulations nécessaires. Il s’agit de «l’appui à la création de collectifs faisant le lien entre culture, éducation et lieux de jeunesse», de la création d’«un référent local, pour cartographier, identifier et valoriser les potentiels pour des acteurs nationaux et internationaux» et de «l’articulation du potentiel culturel avec l’attractivité régionale». A partir des nouvelles orientations des Centres régionaux d’investissement (CRI), cette dimension gagnera à être inscrite comme «un des facteurs-clés en lien avec l’investissement et le tourisme culturel», ont noté les auteurs.

Pour relever ces défis, six axes structurants devront bénéficier d’une grande attention. Il s’agit de «la transversalité de la culture et la nécessaire convergence», «la réforme du modèle de subvention publique», «la libéralisation de l’audiovisuel», «l’identification des entreprises des ICC et la reconnaissance des associations culturelles», «la réforme du Bureau marocain des droits d’auteurs (BMDA) et la gestion des droits d’auteur», ainsi que «les défaillances structurelles à combler par la formation».

Présidente de la FICC au sein de la CGEM, Neila Tazi a déclaré à Yabiladi que sur l’aspect politique et les débats que l’étude doit générer, la Fédération continuera à «interpeller les politiques, à leur soumettre des propositions, à médiatiser celles-ci et à les faire connaître autant auprès du large public que des acteurs concernés».

«Nous allons adresser cette étude notamment aux parlementaires et aux deux commissions de l’Enseignement et de la culture au sein des deux Chambres. Nous allons l’adresser aux groupes parlementaires et aux partis politiques. Nous allons plaider pour défendre nos visions et les intégrer aux différentes réformes.»

Neila Tazi

Un appui nécessaire pour la professionnalisation et la mobilité

A travers le travail de terrain dans le cadre cette étude, il ressort aussi qu’une réponse aux nombreux besoins de professionnalisation dans les quatre filières étudiées est primordiale. Ce besoin se ressent considérablement au niveau des conservatoires, de «la conception, l’écriture et le développement de contenus créatifs et innovants en lien avec le potentiel local et imaginaire» ainsi que du «management culturel et de la valorisation des produits et des projets, y compris dans la levée de fonds et la soumission aux projets internationaux».

La problématique du développement des ICC et de leur intégration aux leviers de l’économie se traduit par ailleurs par le manque de capacité à «structurer la mobilité, l’accompagner et en faire un levier de développement du secteur, hors frontière, avec moins de frilosité sur la liberté des créateurs». Dans ce sens, le contexte conjoncturel de la Covid-19 a mis à mal les interactions transnationales des ICC, notamment au vu des restrictions sur les déplacements internationaux.

Cette conjoncture interpelle par ailleurs sur une problématique plus globale quant à la difficile mobilité des professionnels du secteur et des créateurs des pays du sud vers le nord. Délégué général de Wallonie-Bruxelles au Maroc, Motonobu Kasajima a déclaré à Yabiladi que la Covid-19 a constitué «un frein à la mobilité des artistes», d’autant que «l’Europe ne facilite pas toujours cette mobilité, surtout celle des profils artistiques». Pour y remédier, le préalable serait une sortie de la situation d'urgence sanitaire.

«Certains plaident pour faciliter l’obtention de visas pour les artistes marocains. Cela fait partie des questions actuelles et il est vrai que la crise sanitaire n’a pas facilité les déplacements des personnes. Un artiste ne produit pas seulement pour être vu et écouté en ligne. Il faut se déplacer pour le voir sur scène, avec un public, car la culture est aussi ce sens du partage.»

Motonobu Kasajima

Afin de capitaliser sur les recommandations de l’étude dans le cadre des projets de coopération à venir, Motonobu Kasajima estime que «c’est en identifiant les professionnels qu’on pourra en faire des leviers, en les soutenant dans le renforcement de la chaîne de création et en les sortant de l’ombre, et en leur permettant de faire connaître leur travail en créant des synergies».

L’édition, les arts de la scène, l’audiovisuel et la musique actuelle sont les secteurs auxquels l’étude est consacrée, car ils connaissent le plus d’interactions et où «le collectif prime sur l’individuel, impliquant plus de maillons dans la chaîne de création», selon les auteurs. De ce fait, «l’étude n’est pas une fin en elle-même», mais elle permet d’avoir «un premier diagnostic pour mieux connaître les pistes de collaboration possible», dans les aspects culturels et politiques de la question, a souligné Motonobu Kasajima.

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