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Grand Angle

Belgique : La Sûreté de l’Etat évoque des contacts entre l’imam Toujgani et Mohamed Fizazi

Le secrétaire d’Etat belge à l’Asile et à la migration a invoqué le principe de confidentialité pour ne pas détailler les éléments retenus par la Sûreté de l’Etat à l’encontre de l’imam marocain, Mohamed Toujgani. Mais rendus publics, ils indiquent que l’imam aurait été en contact avec des prédicateurs, dont Mohamed Fizazi. Pour les organisations du culte musulman, il s’agit d’un nouveau bras de fer médiatique.

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Mohamed Toujgani, président de la Ligue des imams marocains de Belgique / DR.
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Une semaine après les révélations sur le retrait du permis de séjour belge de l’imam marocain Mohamed Toujgani, qualifié de «risque sérieux pour la sécurité nationale», les documents de la Sûreté de l’Etat à son sujet ont été obtenus par le média belge flamand Bruzz. Leur contenu indique que les services du pays soupçonnent le concerné, président de la Ligue des imams marocains de Belgique, d’avoir été en contact avec le prédicateur marocain Mohamed Fizazi, qui avait été condamné à 30 ans de prison ferme dans le cadre des attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca, avant de bénéficier de la grâce royale.

L’information des médias n’a été ni confirmée ni infirmée officiellement par Toujgani lui-même, par la Sûreté de l’Etat ou par le secrétaire d’Etat belge à l’Asile et à la migration, Sammy Mahdi, qui a abordé la semaine dernière le retrait du permis de séjour de l’imam. Les éléments indiquent en revanche que le concerné, qui a officié à la mosquée Al Khalil à Molenbeek par le passé, aurait été en contact aussi avec le prédicateur Abu Qatada. Basé à Londres, l’homme a été extradé en 2013 vers la Jordanie en vue de son jugement pour terrorisme, à cause de ses liens avec Al Qaïda. Toujgani aurait aussi eu des liens avec l’érudit égyptien Abu Ishaq Al Huwayni, dont les ouvrages ont fait partie d’une campagne de retrait de toutes les mosquées en Egypte en 2015, sur décision du ministère des Dotations religieuses.

Dans une récente sortie médiatique pour s’expliquer sur les soupçons pesant sur lui, Mohamed Toujgani a répondu aux reproches de la Sûreté de l’Etat point par point, au sujet de sa polygamie, de ses liens suspects avec les services secrets marocains, avec des individus radicaux, ou encore au sujet de l’antisémitisme et du refus de sa demande de nationalité belge, validée dans un premier temps par un tribunal belge qu’il a saisi après un premier rejet. L’avis favorable a souligné notamment que le discours de l’imam était modéré et que les motifs du rejet de sa requête n’avaient pas de fondements pertinents, y compris les versions présentées par la Sûreté.

Un imbroglio médiatique pour scinder l’EMB ?

L’imam a rejeté en bloc les faits lui étant reprochés, arguant, vidéos d’archives à l’appui, qu’il a prôné un islam «tolérant et modéré, dénoncé les actes terroristes» après les attentats de Bruxelles (2016) et «organisé une série d’activités avec les représentants des différents cultes en Belgique», juifs et chrétiens, y compris des voyages entre le Maroc et la Belgique. Il a également déclaré n’avoir aucun contact dans le milieu jihadiste. Cependant, Toujgani n’est pas revenu nominativement sur ses liens présumés avec les trois personnalités religieuses nommées dans les rapports des services belges. Concernant sa polygamie, il a argué être «dans le respect des dispositions de la loi belge», étant donné qu’il n’a qu’une seule épouse sur le territoire belge, mais une deuxième résidente au Maroc et dont le mariage est régi par la loi marocaine.

Experte en islam à l’Université libre de Bruxelles (ULB), Corinne Torrekens a questionné en revanche le timing des révélations au sujet de Toujgani. Selon elle, il ne s’agit pas d’une coïncidence, dans un contexte d’escalade des tensions entre le gouvernement belge et l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB). L’accusation d’espionnage a d’ailleurs déjà été utilisée, notamment à l’encontre du vice-président de l’instance, Salah Echallaoui, qui a démissionné depuis en rejetant les allégations. La fuite des documents de la Sûreté de l’Etat intervient également après de premières révélations sur le soutien financier de l’ambassade d’Arabie saoudite à Bruxelles aux plaignants ayant récemment perdu leur procès contre l’EMB.

Si la manœuvre sert le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, dans son conflit avec la représentation cultuelle, selon des sources proches contactées par Yabiladi, le gouvernement belge garde encore le silence sur les soupçons qui entourent l’action récemment déboutée de trois plaignants et qui viserait l’organisation du culte musulman. D’après les mêmes sources, diviser les différentes instances, quitte à invoquer l’ingérence étrangère, permettrait de renforcer la volonté gouvernementale de régionaliser la gestion du culte et de scinder l’EMB en deux entités, l’une flamande et l’autre walonne.

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