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Grand Angle

Maroc : Les exonérations fiscales dans plusieurs secteurs dénoncées par Oxfam

Depuis la fin des années 1960, les principaux secteurs de l'économie marocaine ont bénéficié d'exonérations fiscales dans le cadre de plans d'investissement. Oxfam au Maroc s'est penché sur ces exonérations pour en mesurer leurs impacts.

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Image d'illustration. / DR
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Oxfam au Maroc se penche dans son dernier rapport sur les exonérations fiscales sur les secteurs de l’immobilier, de l’agriculture et de l’enseignement privé, avec pour but de mettre en lumière les exonérations dont ils profitent et leurs pertinences. Le rapport rappelle d'ailleurs que les exonérations fiscales sont critiquées par la Cour des comptes, ainsi que le rapport sur le Nouveau modèle de développement qui appelle à leur réorientation vers les secteurs en réelle difficulté, alors que ces niches fiscales ont augmenté de 6% en 2021 par rapport à 2020.

Selon les estimations, les exonérations fiscales représentaient en 2018 environ 3% du PIB, soit 29 milliards de dirhams (MMDH), «pratiquement le double du budget alloué à l’éducation et à la santé». Alors que les exonérations pèsent lourdement sur les finances publiques, les secteurs concernés n’ont pas démontré de différence significative en terme d’investissement entre des secteurs très exonérés et d’autres pratiquement pas exonérés.

Des exonérations couteuses et sans réelles justifications

Si ces exonérations sont justifiées par «un handicap économique en raison d’une défaillance étatique, une politique de discrimination positive et la volonté d’augmenter la compétitivité face à la concurrence fiscale étrangère», Oxfam souligne que «les secteurs exonérés n’affichent en réalité aucune situation justifiant les dépenses fiscales qui leur sont accordées». Malgré les objectifs affichés, les exonérations dans ces trois secteurs ne couvrent pas les besoins du Maroc, regrette-t-elle.

Loin d’être «un secteur devant bénéficier d’une politique de discrimination positive», le secteur immobilier représente 47% de la formation brute du capital fixe de l’économie marocaine, l’agriculture marocaine affiche «les meilleures avantages comparatifs révélés (ACR) dans la zone MENA et dépassant des pays comme l’Espagne et la Turquie» et l’enseignement privé «reste limité aux grandes villes, [avec seulement 18% des communes du Royaume couvertes], et concerne moins de 16% des enfants marocains».

Alors que l’obstacle fiscal à l’entrepreneuriat est en mesure d’être surmonté avec une amélioration de la relation administration fiscale/entreprises plutôt qu’avec des mécanismes d’exonérations fiscales, ces exonérations «n’ont pas d’impact significatif dans les décisions des entreprises d’investir ou de recruter» selon Oxfam.

De plus, l’élément fiscal n’apparait pas comme étant la plus grande barrière à l’investissement pour les acteurs, loin derrière l’accès au financement. En ce sens, dans l’immobilier, 55% des acteurs estiment le financement comme la plus grande contrainte à l’investissement contre seulement 11% la fiscalité. En effet, les exonérations fiscales ont baissé de 40% entre 2013 et 2019, mais le taux de croissance de l’immobilier a augmenté de 5,5% dans la même période.

Les exonérations dans ces secteurs ont même provoqué, selon le rapport, plusieurs effets distorsifs, à savoir un déplacement d’investissement entre l’industrie et l’immobilier, «privant l’économie marocaine annuellement de près de 1,7% de la valeur ajoutée industrielle soit près de 2,1 MMDH». Aussi, dans le même secteur, les opérateurs privilégient les segments les plus rentables au détriment du besoin réel des citoyens, provoquant également un «gaspillage de l’argent public et une contribution à l’accentuation des inégalités» et une concentration du secteur sur les grandes villes.

Les recommandations d'Oxfam

Face à cette situation, Oxfam recommande de «tendre vers une logique de soutien budgétaire dans le cadre d’une approche globale donnant plus d’importance aux aides directes contractuelles qu’aux exonérations fiscales sans contrepartie», comme une action directe de soutien budgétaire dans le cadre de la contribution de l’État au titre des opérations d’habitat social plutôt qu’une exonération.

Aussi, il est nécessaire d’évaluer l’impact des exonérations fiscales dans l’atteinte des objectifs de performance des stratégies sectorielles, de garantir la transparence du processus d’adoption des exonérations fiscales tout en les inscrivant dans un calendrier bien déterminé pour éviter leur reconduction automatique et d’examiner d’autres alternatives aux exonérations fiscales en tenant compte notamment des bonnes pratiques internationales.

En outre, Oxfam reconnaît l’intérêt de «conserver les exonérations efficaces d’un point de vue économique et celles qui tiennent compte des besoins réels des citoyens et citoyennes» mais recommande de «mettre en place les jalons d’un système incitatif public encourageant l’innovation, la recherche et les nouveaux secteurs émergents et hautement valorisants».

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