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Grand Angle

Le Maroc, un des plus importants carrefours des civilisations

Avec l’identification des plus anciens outils de couture en os vieux de 120 000 ans, dans une grotte près de Rabat, mais aussi avec la découverte de l’Acheuléen le plus ancien d'Afrique du Nord, et celle d'une parure de bijoux vieille de 150 000 ans près d'Essaouira en à peine quelques mois, le pays offre ses trésors de civilisations. Ainsi, le Maroc compte chaque saison des découvertes majeures qui font du pays, une mine d’or pour les scientifiques nationaux et internationaux notamment dans la période Préhistorique.

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En 2017, à Jebel Irhoud, des archéologues avaient découvert les restes d'Homo Sapiens vieux de 300.000 Crédits : Bruno Rougier
Temps de lecture: 3'

La Préhistoire de l'Afrique est la Préhistoire de l'Humanité. Selon Naïma Oulmakki, archéologue préhistorienne et professeure-chercheure à l’Institut national des sciences archéologiques et du patrimoine (INSAP) de Rabat, «l’Afrique est le berceau de l’humanité, notamment l’Afrique de l’Est. Nous le savons grâce aux Hominidés, qui remontent à quatre millions d’années». Les recherches archéologiques effectuées sur le continent africain sont le fruit de toutes les traditions académiques, offrant ainsi une multiplicité de perspectives sur le développement des civilisations et l’évolution de l’humanité.

En sus, l’Afrique présente la plus longue séquence archéologique du monde, des débuts incertains de l'humanité jusqu'à la période contemporaine. Mais l’on dit souvent du Maghreb et plus particulièrement du Maroc qu’il est un «carrefour de civilisations». «Le Maroc est un lieu de passage, en effet, nous avons trouvé le plus vieil homo sapiens, âgé de 315 000 ans. De ce fait, le pays a totalement bouleversé la donne de l’ancienneté des premiers Hommes», déclare Naïma Oulmakki.

Au Maroc, les prémices des recherches archéologiques remontent à la seconde moitié du XIXe siècle et ont été, à l’origine, réalisées sous forme de missions exploratoires notamment celles entreprises par des éclaireurs du colonialisme. Ces premiers travaux étaient particulièrement descriptifs et ethnographiques. Ce n’est que plus tard, au XXe siècle, que les investigations et études archéologiques scientifiques ont été entreprises et menées dans quelques régions du Maroc.

Un eldorado pour les chercheurs préhistoriens

Peu de pays jouissent d’une situation géographique et géologique aussi exceptionnelle que celle du Maroc, aux confins de deux mers, et deux continents. D’après l’archéologue, «tous les sites préhistoriques sont concentrés sur la côte atlantique et la côte Nord du Maroc». Elle cite par exemple le site Sidi Abderrahmane à Casablanca, les sites de l’Oriental, notamment la grotte de Taforalt, le site de Achakar et la grotte El Aliya à Tanger. Si certains voient l’Afrique comme le berceau de l’humanité, le Maghreb regorge d’éléments préhistoriques, telle que la culture Atérienne, une culture préhistorique couvrant l'Afrique du Nord et le Sahara, et appartenant au Paléolithique moyen d'Afrique.

Le site Atérien le plus ancien est daté de 145 000 ans, à Ifri n'Ammar, au Maroc. Cet engouement autour du Maghreb, notamment du Maroc est dû au fait que le timbre de cette culture archéologique Atérienne est typiquement local. De tels apports n’ont fait qu’enrichir davantage notre véritable identité culturelle ancrée dans une aire géographique qui constitue un refuge culturel mais aussi un véritable foyer du rayonnement de différentes civilisations autour de la Méditerranée. Mais le Maroc se distingue de ses voisins maghrébins à l’échelle internationale, il devient au fil du temps, une mine d’or pour les scientifiques nationaux et internationaux notamment dans la période Préhistorique.

«Beaucoup d’éléments de sites sont in situ, et n’ont pas bougé au fil du temps. Ce qui démarque le Maroc, c’est donc la situation géologique du pays. Grâce la chaîne atlasique, séparant le nord et le sud du Maroc, toute la partie nord-ouest du pays est protégée et conservée», révèle la chercheure à l’INSAP. Selon elle, «les chercheurs nationaux et internationaux se passionnent pour ces couches stratigraphiques non-mouvementées et résistantes aux changements climatiques».

Les archéologues étant des techniciens de l’Histoire, établissent de nouvelles recherches et tentent de réécrire la «Préhistoire», un domaine dans lequel les Marocains se sont rendus maîtres. L’idée est de comprendre la naissance et le cheminement de l’archéologie en tant que discipline et sa place au sein du paysage scientifique, médiatique et citoyen d’aujourd’hui.

L’importance d’une imprégnation citoyenne

Toutes ces découvertes, qui viennent enrichir nos connaissances sur la Préhistoire marocaine, vont dans le sens d’une affirmation à la fois de l’ancienneté et de l’originalité des cultures matérielles des peuplements préhistoriques. Mais il est nécessaire toutefois, de renforcer les capacités nationales dans ce domaine et d’y apporter tout le soutien nécessaire pour le développement et la valorisation de l’Archéologie nationale. «Le pays doit être conscient de l’importance de l’archéologie. Il me semble que nous manquons de ressources humaines et financières afin de créer des laboratoires et améliorer les conditions de recherches», affirme l’archéologue.

De plus, l’imprégnation citoyenne est nécessaire et la sensibilisation sur l’importance de l’archéologie est capitale. Pour la professeure Naïma Oulmakki, «il est important l’intégrer l’archéologie dans les manuels scolaires et dans les universités marocaines». Elle ajoute : «Nous avons besoin de sensibiliser et de rendre l’archéologique un domaine important. Dans les universités, on peut retrouver des départements d’Histoire ancienne qui abordent l’archéologique, mais pas de manière spécialisée». En effet, l’archéologie est un outil d’enseignement de l’Histoire qui permet de s’ouvrir au monde dès le plus jeune âge, afin que le citoyen s’imprègne de son histoire.

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