Mercredi dernier sur Al Jazeera, le chef du gouvernement reconnaissait qu’il est difficile de lutter contre la corruption. Il s’est même dit favorable à l’option de tourner la page et de recommencer à zéro sur la base de «Dieu est clément et miséricordieux». Un revirement dans la position initiale de Abdelilah Benkirane. Lui qui a fait de la reddition des comptes et des jugements des prévaricateurs et des dilapideurs des deniers publics son principal cheval de bataille lors de la campagne pour les législatives du 25 novembre 2011 et un thème central dans la déclaration de son gouvernement présentée, le 19 janvier, devant les deux chambres du parlement.
Ces propos n’ont pas laissé de marbre Transparency Maroc. Dans un communiqué, l’ONG dit accueillir «avec grand étonnement les déclarations du chef du gouvernement au sujet de la lutte contre la corruption» lesquelles «entretiennent la confusion dans l’analyse du fléau, justifient sa banalisation et augurent de l’attitude gouvernementale à l’égard des auteurs des crimes y afférents».
L’association a tenu à rappeler à l’équipe Benkirane que la lutte contre la corruption n’est pas seulement «une prérogative du gouvernement mais une obligation constitutionnelle, politique et morale qui constitue la clef de voute de l’articulation de la responsabilité à la reddition des comptes». Par ailleurs, Transparency Maroc demande au gouvernement de «clarifier sa position et sa politique en matière de lutte contre la corruption et qu’il accélère la mise en place d’une stratégie claire et concertée de lutte contre ce fléau».
Une stratégie qui, selon l’ONG, «devra englober la dissuasion judiciaire non discriminatoire, la réforme de la législation, la dotation des instances de contrôle et d’inspection des prérogatives et des ressources nécessaires ainsi que la mise en œuvre de tous les engagements internationaux et constitutionnels dans ce domaine.»
Le précédent du 3 juillet à la Chambre des conseillers
La nouvelle position de Benkirane n’est pas une nouveauté. En revanche c’est sa diffusion sur un canal mondialement connu, comme l’est la chaine qatarie, qui a fortement contribué à sa surmédiatisation. Le 3 juillet, devant les conseillers, le même Benkirane reconnaissait pour la première fois que «la mentalité et la résistance des lobbys entravent la lutte contre la prévarication», opérant ainsi un repli dans son «combat» annoncé contre ce fléau.
Sept mois après son arrivée à la primature, le chef du gouvernement a été contraint de confesser cet aveu d’incapacité, demandant aux élus de lui accorder «plus de temps» dans sa lutte contre la corruption, arguant que le combat contre la prévarication est difficile parce qu’elle a réussi à tisser sa toile sur le pays et ce depuis le début des années 60, profitant du conflit entre Hassan II et les leaders du mouvement national.
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