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Grand Angle  

A Roubaix, le cri du cœur des Chibaniates face à la menace de l’isolement

A Roubaix, le foyer de l’Alma-Fontenoy regroupe plusieurs maghrébines âgées, dont la plupart ont rejoint leurs époux dans les années 1960 et 1970, dans le cadre du regroupement familial. D’ici l’été 2022, l’espace devrait être détruit, laissant ces chibaniates sans visibilité. Leur situation illustre une problématique globale du vieillissement de la population féminine migrante.

Publié
Photo d'illustration / Ph. Coopérative Chibanis
Temps de lecture: 4'

On parle souvent des chibanis, ces émigrés âgés qui vivent des situations difficiles, après avoir enduré des années de labeur. Il ne faut pas oublier les chibaniates, ces femmes marocaines, algériennes et tunisiennes arrivées massivement en France dans les années 1960 et 1970. Aujourd’hui, elles sont septuagénaires, voire octogénaires. Elles vivent également des situations délicates, à l’image de ce groupe de mamies maghrébines à Roubaix, qui ont passé de longues années en communauté dans le foyer de l’Alma-Fontenoy. Ce cocon rassurant, devenu leur petit village, doit être vidé et l’immeuble détruit.

La municipalité de Roubaix prévoit en effet une restauration de cette partie de la ville, car considérée comme vétuste. L’idée est de «dédensifier» un quartier où se concentreraient les «difficultés sociales». Depuis mai dernier, le journal Le Monde a rapporté que «plus de 55% de la population y vit sous le seuil de pauvreté, avec un taux de chômage qui dépasse les 40%, selon Max-André Pick, premier adjoint au maire de Roubaix (LR)». Avant le projet de démolition du foyer de l’Alma-Fontenoy, la ville a annoncé aux femmes résidentes la construction d’un établissement pour seniors dans le quartier. Mais depuis, l’idée a été abandonnée.

Pour les chibaniates qui comptaient finir leur vie au sein de cette nouvelle famille de femmes courage, c’est évidemment un drame. Difficile de se défaire de ses habitudes, comme prendre le thé ensemble chez la voisine, se réconforter quand l'une reçoit une mauvaise nouvelle, ou prendre soin l’une de l’autre face à la maladie.

Une construction de liens d'indépendance et d'interdépendance

Gérontologue, expert directeur de l’Observatoire gérontologique des migrations en France (OGMF) et enseignant en gérontologie à l’Université de la Sorbonne et Lille I, Omar Samaoli connaît ce foyer depuis plus d’une vingtaine d’années. Revenant sur le conteste global de la situation délicate des résidentes, dans le cadre de l’émission «Faites entrer l’invité» sur Radio 2M, spéciale Marocains du monde, en partenariat avec Yabiladi, il a rappelé que depuis très longtemps, la question des rejoignantes a constitué une inquiétude sur leur devenir, une fois séniores. «Elles arrivent à l’âge de la retraite, mais sans cotisations. Le problème est aussi celui de l’insertion sociale et urbaine. Nous avons d’emblée une population fragile, vulnérable et qui a besoin d’une attention particulière», a-t-il rappelé.

Pour revenir sur le cas précis de cette résidence à Roubaix, Dr. Samaoli estime que les femmes «s’accrochent à continuer à vivre regroupées parce que cet espace de vie est devenu un pont supplémentaire et plus qu’une famille». Selon lui, «ces femmes-là sont à la fois dans une indépendance et une interdépendance. Elles se sentent libres en ne vivant pas chez leurs enfants et en même temps, elles sont devenues une sorte de béquille affective les unes pour les autres». De ce fait, «les dissocier les fragilise, ce qui grandit leur inquiétude de se retrouver isolées dans ce cas-là».

«Il y a ce mode de vie, ces interrelations affectives et sociales qui se sont tissées entre ces femmes-là, faisant que leur vie est donc construite collectivement sur plusieurs années. Je pense que ce serait à l’honneur même de la Ville et ceux qui s’intéressent au réaménagement, ainsi qu’à la transformation urbaine du quartier, de réfléchir sur une possibilité pour maintenir ce petit groupe ensemble.»

Dr. Omar Samaoli

Des exemples d’initiatives où ces relations ne sont pas déstabilisées, étant vitales, permettent notamment d’éviter le syndrome de glissement où des personnes âgées se laissent mourir, lorsqu’elles perdent leur mode de vie collective où elles se sentent sécurisées. Dans la résidence de Roubaix, ces femmes sont autonomes et ensemble à la fois. «Elles ont toutes leurs espaces privés, mais elles restent à proximité les unes des autres. Ce mode de vie qu’elles se sont forgés a permis de surmonter des deuils, la nostalgie de l’ailleurs et sur le plan du réaménagement urbain, cela pousse à réfléchir à un modèle innovant pour maintenir ces liens», a encore rappelé le gérontologue.

Eviter une séparation qui menace de drame psychologique

Responsable de communication à l’association Coopérative Chibanis à Roubaix, Leila Dehem a rappelé pour sa part que «les femmes âgées issues de l’immigration sont moins visibles que les hommes, alors qu’elles rencontrent les mêmes difficultés». «On connaît l’histoire des Chibanis mais moins celles des Chibaniates qui ont joué un rôle prépondérant et dont certaines ont travaillé au cours des Trente glorieuses», estime-t-elle, soulignant que la situation des résidentes du foyer est particulièrement «touchante». «Nous espérons qu’elle trouvera une issue favorable», a-t-elle déclaré. L'ONG connaît bien ces mamies à qui elle propose des moments de répit, des sorties, des goûters et des activités collectives. Face à ce chambardement dans leurs vies, Leila Dehem estime que «la solution ne peut être trouvée que par les pouvoirs publics».

La question de ce foyer amène d'ailleurs à une réflexion plus globale sur la question de l’isolement des personnes âgées en France. Dans ce sens, Leila Dehem a rappelé que «près d’un demi millions de personnes âgées vivent dans isolement extrême et 1,3 millions ne voient jamais leurs enfants ou leurs petits-enfants, en raison de différents phénomènes sociologiques».

Omar Samaoli abonde dans ce sens : «C’est une situation qu’on retrouve aussi dans d’autres régions en France». Il voit dans le modèle construit par les chibaniates de Roubaix, une expérience à préserver.

«Cette solidarité instaurée est la réplique et la réponse, car les femmes âgées se rendent service ainsi. Il y a lieu de réfléchir sérieusement pour réaménager un cadre de vie où elles peuvent continuer à vivre ensemble pour éviter la solitude démoralisante qui peut précipiter leur mort.»

Dr. Omar Samaoli

Le gérontologue reconnaît que dans le cas de Roubaix, le quartier où se situe le foyer des résidentes «a bien besoin d’être réhabilité», mais que ce projet «gagnera à tenir compte des besoins et des souhaits de ce groupe pour créer un habitat intégré, dans le cadre d’un projet commun». Il a cité ainsi des exemples intéressants de relogement de communautés maghrébines âgées comme à Bruxelles.

oussakout
Date : le 26 novembre 2021 à 12h27
on revient encore au manque d'union entre nous, pas comme nos cousins.
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kolargool à écrit:
Non effectivement !! mais c'est eux qui vont se charger d'elle pendant que les khoya iront se faire doré la pilule ou feront les outragés sans bouger le petit doigt.... C'est pas les associations magrébines qui manquent et qui pourraient se charger de ce genre de problème en récoltant des fonds en poussant les politiques et en demandant aux "pecheurs" de mettre la main à la poche... Les gaourris disent aussi que charité bien ordonnée commence par soit meme c'est ce que tu dis !! Et donc n'etant pas des GAOURI si chaque magrébins de France donnent 1€ on contruit une dizaine ou achète une dizaine de pavillon par an minimum.. n'est ce pas ?
kolargool
Date : le 26 novembre 2021 à 11h16
Non effectivement !! mais c'est eux qui vont se charger d'elle pendant que les khoya iront se faire doré la pilule ou feront les outragés sans bouger le petit doigt.... C'est pas les associations magrébines qui manquent et qui pourraient se charger de ce genre de problème en récoltant des fonds en poussant les politiques et en demandant aux "pecheurs" de mettre la main à la poche... Les gaourris disent aussi que charité bien ordonnée commence par soit meme c'est ce que tu dis !! Et donc n'etant pas des GAOURI si chaque magrébins de France donnent 1€ on contruit une dizaine ou achète une dizaine de pavillon par an minimum.. n'est ce pas ?
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oussakout à écrit:
no no On n'est pas des gaouris pour nous débarrasser de nos parents!
Roronoa-mrc
Date : le 25 novembre 2021 à 23h05
Biensur, Il y’a du bien et du mauvais dans chaque chose, là je parlais du côté négatif concernant l’abondant des parents, qui prends de plus en plus d’ampleur non seulement dans la société mais surtout dans la communauté maghrébine. Mais il y’a beaucoup de chose positif aussi
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No_One* à écrit:
Aleykoum salam wa rahmatuLah, Je trouve qu'il y a encore beaucoup de bien dans notre communauté, c'est pour ça que je ne comprends pas comment les choses ont elles pu en arriver là.
No_One*
Date : le 25 novembre 2021 à 20h59
Aleykoum salam wa rahmatuLah, Je trouve qu'il y a encore beaucoup de bien dans notre communauté, c'est pour ça que je ne comprends pas comment les choses ont elles pu en arriver là.
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Spartiates à écrit:
Salam waleycoum, Franchement quand ont vois ça, ça fait de la peine. Comment en sommes nous arriver à se genre de situation, je comprends que certaines n’es pas d’enfants qui puissent les prendre à charge, mais dans nos familles maghrébines, la majorité comptent plusieurs enfants al Hamdulileh. La réalité c’est que beaucoup maintenant cherchent à se débarrasser de leurs parents, en se les refilant comme si c’était la peste achakoum. Ont le vois chaque jour, aujourd’hui emmener ça mère ou son père à un simple rdv médicale ou autres, c’est le bout du monde pour certains(es). Mais se lever à pas d’heure pour allez récupérer une vieille épave la y’a aucun soucis. Malheureusement nous avons pris le mauvais côté de la société occidentale, à défaut de prendre les bonnes chose comme l’organisation et la discipline. Les maisons de retraites remplis de nos anciens… ceci n’étaient que science fiction, aujourd’hui c’est bien réels… malheureusement. Force à ces femmes ?
No_One*
Date : le 25 novembre 2021 à 20h54
Salam aleykoum, Oui c'est nous et on peut tous faire quelque chose à notre niveau mais les locaux auront une marge de manœuvre plus grande et pourront être plus efficaces. Wa salam
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amlegh à écrit:
La communauté musulmane c'est nous ! qui voulez vous que ce soit chère madame ? Je compatis également avec ses chibanyates qui ont œuvré toute leur vie pour tenir leur foyer, éduquer leurs enfants et s'occuper de leurs maris. jusqu'à la mort du conjoint ou la plupart du temps, les organismes de retraite leur font signer n'importe quoi. Résultat des course ; désistement sur la pension de réversion. Une partie de la retraite qui aurait du leur être versé est spoliée avec la bénédiction de l'état et des fonds de pension. Notre communauté est riche de juristes, d'avocats, de spécialistes en tout genre (mashaaallah) Toute cette région est pleine de compatriotes qui pourraient accompagner ces mamans mais malheureusement, l'individualisme ambiant est passé par là. Bref , nous sommes condamnés à vivre ensemble ou à mourir seuls !
amlegh
Date : le 25 novembre 2021 à 16h32
Merci bcp Ibn battuta. Rien que de lire vos propos et votre intention lumineuse est déjà bénéfique pour elles. Merci d'éclairer ces destins fragilisés par de l'amour, de la sympathie et de la bienveillance. thumbs up Au passage je voulais aussi remercier les gens de l'association local qui œuvre en direction de ces mamans / nos mamans que la vie à laissé sur le carreau. Rendez vous sur le site cooperative Chibanis il y a une boutique, des portraits, un lien pour faire un don via cotizup... c'est déjà bcp ! amicalement
Rio de oro
Date : le 25 novembre 2021 à 16h15
( que pouvons nous faire pour elles ) Pour l'heure l'affection ,leur procurer une bouffée d'air affectueuse ,leur dire "maman" je suis là pour toi !! surtout envers les chibaniyates qui ont perdu leurs enfants ou qui n'ont pas !! Aller les visiter sur place (les Roubaisiens/enes) leur offrir une fleur ,les embrasser ,les parrainer,les appeler par leur prénom,leur dire mamam tu n'es pas seule ,je suis là pour toi etc...elles manquent d'affection certes en plus de la peur d'étre déloger et separer les unes des autres ;,puisqu'elles se sont habituées de vivre ensemble ,siroter leur verre de thé/café ensemble.Je ne suis pas riche ,j'aurais fait beaucoup de choses pour elles (voyages,excursion ) etc...leur rendre un peu de joie de vivre à la fin de leur parcours OOH combien épineux certes des années 60/70 l'ghorba ,défaut de langue et de communication ,entourage hostile etc..
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amlegh à écrit:
mais on est tous les enfants de ces mamans. Allah i8dik ! on ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Ces femmes ont fini leurs vies seules. ca se voit ! il y a pas besoin d'y passer des heures. la question c'est : que pouvons nous faire pour elles ?
Roronoa-mrc
Date : le 25 novembre 2021 à 15h59
Salam waleycoum, Franchement quand ont vois ça, ça fait de la peine. Comment en sommes nous arriver à se genre de situation, je comprends que certaines n’es pas d’enfants qui puissent les prendre à charge, mais dans nos familles maghrébines, la majorité comptent plusieurs enfants al Hamdulileh. La réalité c’est que beaucoup maintenant cherchent à se débarrasser de leurs parents, en se les refilant comme si c’était la peste achakoum. Ont le vois chaque jour, aujourd’hui emmener ça mère ou son père à un simple rdv médicale ou autres, c’est le bout du monde pour certains(es). Mais se lever à pas d’heure pour allez récupérer une vieille épave la y’a aucun soucis. Malheureusement nous avons pris le mauvais côté de la société occidentale, à défaut de prendre les bonnes chose comme l’organisation et la discipline. Les maisons de retraites remplis de nos anciens… ceci n’étaient que science fiction, aujourd’hui c’est bien réels… malheureusement. Force à ces femmes ?
Taiyō
Date : le 25 novembre 2021 à 15h39
A cause du chômage leur enfant ont certainement du déménager en région parisienne comme tous ceux cherchant du travail. C'est triste de les voirs comme ça moi je laisserait jamais ma mère seule (inchallah) mais peut être que c'est plus compliqué que ça
Samarkind
Date : le 25 novembre 2021 à 15h19
Que faut-il faire ? Tu as donné des pistes. Il faut aussi en parler et diffuser sur la toile, dans les medias, pour mobiliser les volontaires. Malgré tout, à la base, ces femmes n’auraient jamais dû se retrouver dans cette situation.
Citation
amlegh à écrit:
mais on est tous les enfants de ces mamans. Allah i8dik ! on ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Ces femmes ont fini leurs vies seules. ca se voit ! il y a pas besoin d'y passer des heures. la question c'est : que pouvons nous faire pour elles ?
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