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Grand Angle

Covid-19 au Maroc : Des commandants de bord refusent de rembarquer les passagers positifs

Depuis la prise de nouvelles mesures de contrôle dans les aéroports par les autorités sanitaires au Maroc, les compagnies aériennes sont tenues de rembarquer les patients testés positifs à leur arrivée. Mais des commandants de bord refusent d’appliquer cette décision, considérant qu’elle met en danger les autres passagers.

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Photo d'illustration / DR.
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La compagnie aérienne Easyjet à récemment annoncé la suspension de ses vols entre le Maroc et la France, depuis ce mardi 25 novembre à février 2022. En cause, les pilotes de lignes invoquent le Code de l’aviation qui leur interdit de prendre le risque de mettre en danger la sécurité des passagers en cas d'embarquement d’un patient atteint du Covid-19, au risque de tomber sous le coup de la loi française. En dehors du transporteur à qui le cas s’est présenté à Marrakech, la question a fait réagir d’autres commandants de bord au sein de différentes compagnies.

«Si la situation se présente à nous, nous sommes d’accord pour refuser de rapatrier des patients covid+ au bord d’un avion où les autres passagers sont testés négatifs», a confirmé un pilote auprès de Yabiladi, sous couvert d’anonymat. Selon lui, «aucun commandant d’aucune compagnie aérienne [européenne, ndlr] n’acceptera de rapatrier un passager atteint de Covid-19 et mettre la santé des autres passagers en danger».

Un dilemme juridique pour les compagnies aériennes

Cette directive entre dans le cadre du renforcement du contrôle pour l’accès au territoire national. Elle fait partie des nouvelles mesures entrées en vigueur depuis la fin de la semaine dernière, en coordination avec les autorités sanitaires marocaines. Conformément à cette mesure, les compagnies aériennes sont tenues d’embarquer leurs passagers, si ces derniers sont déclarés positifs au test antigénique aléatoire à l’aéroport.

Au niveau logistique et sécuritaire, l’aviateur civil contacté par Yabiladi estime qu’«il est impossible de rembarquer un passager qui vient de sortir de l’avion, qui a passé des filtres et qui n’est plus dans la zone protégée». En cas de rembarquement, «il faut repasser par tous ces filtres de sécurité et le demi-tour est de près de 45 minutes. En pratique, il est impossible de faire sortir un passager et de le faire revenir en un temps si court», a-t-il souligné, insistant une nouvelle fois qu’«aucun commandant n’acceptera cette mesure» au sujet de laquelle les autres compagnies aériennes pourraient émettre une directive dans les prochains jours.

En cas de reconduction depuis l’aéroport d’arrivée et en dehors de l’état d’urgence sanitaire, la police aux frontières se charge du renvoi d’un voyageur dans l’avion de retour, conformément aux procédures en la matière, en passant par la zone de transit jusqu’au nouveau vol de départ. «Avec cette mesure sanitaire cette fois-ci, on renvoie un passager positif avec d’autres voyageurs négatifs, dans des conditions susceptibles de menacer la santé des autres passagers, ce que les pilotes d’avions ne peuvent pas accepter», a insisté le commandant de bord.

Désarroi au sein des professionnels du tourisme

Parallèlement au dilemme juridique qui se présente aux transporteurs européens, les professionnels nationaux du tourisme se confrontent à un dilemme économique, dans un contexte de préparation des fêtes de fin d’année. Président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), Hamid Bentahar a affirmé auprès du magazine Challenge que les opérateurs du secteur sont conscients que «la question sanitaire est prioritaire», mais que cette mesure «est un frein supplémentaire dans la perspective de la reprise».

«En tant qu’opérateurs touristiques, nous nous plaignons tout autant de cette mesure-là car elle va nous nous pénaliser», s’inquiète un entrepreneur dans le secteur à Marrakech. Auprès de Yabiladi, il s’est dit inquiet du risque de voir d’autres compagnies emboîter le pas à EasyJet, notamment Ryanair ou Transavia. «Nous commençons déjà à recevoir des vagues d’annulations des réservations hôtelières, sachant que 63% des touristes étrangers à Marrakech viennent de France, à partir duquel aucun vol EasyJet ne sera donc assuré les trois prochains mois», déplore-t-il.

L’opérateur touristique affirme que la saison qui s’annonce s’est avérée «exceptionnelle», avec un nombre important de réservations hôtelières. De quoi permettre aux investisseurs du secteur de voir le bout du tunnel, après 21 mois d’activités presque à l’arrêt. «Avec ce nouveau cafouillage, on se retrouve encore une fois devant un scénario catastrophe», regrette notre interlocuteur.

Selon lui, «on ne peut pas mettre en œuvre une méthode de reconduction, qui s’applique en cas de titres de séjour non-valides ou de documents de voyage expirés, à un patient atteint de Covid-19 escorté par un personnel médical, dans un avion de retour où les autres passagers ne sont pas infectés». Après 19 mois de crise sanitaire, l’opérateur touristique estime qu’«on n’avait pas besoin de ce conflit avec les compagnies».

Article modifié le 24/11/2021 à 16h18

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