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Grand Angle  

Histoire : Mauro Prosperi, du Marathon des Sables aux geôles algériennes à Tindouf

En 1994, l’officier de police et pentathlète italien Mauro Prosperi prenait part au Marathon des Sables. Mais l'aventure tourne en cauchemar suite à une tempête de sable qui le fait dévier du parcours. Arrivé par erreur en Algérie, il est alors interrogé, car soupçonné d’être un espion à la solde du Maroc.

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Mauro Prosperi et son Giovanni Manzo, à l'édition 1994 du Marathon des Sables. / Ph. Mundo Deportivo
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Mauro Prosperi ne pensait pas que sa carrière de policier et de pentathlète ne sera pas suffisante pour affronter le désert du Sahara. Alors qu’il commençait à s'aventurer sur les courses à pied exigeante, son ami Giovanni Manzo lui propose de courir le marathon des Sables, organisé annuellement dans le Sahara marocain.

Il embarque alors dans une aventure unique de la course de 250 km menée alors en cinq étapes, qui débute à Foum Zguid, le 10 avril 1994. «A l’époque, je voulais me rapprocher de cet univers sportif basé sur des courses d’endurance sur de très longues distances», explique en 2019 le pentathlète italien dans un épisode du documentaire Netflix intitulée «Loosers». Même s’il n’a pas réussi à décrocher une place sur le podium, Mauro Prosperi a énormement fait parler de lui. Après avoir été porté disparu pendant 9 jours et considéré par sa famille comme mort, l’Italien refait surface... en Algérie.

Du désert, du sable et un marabout

Père de trois enfants à l’époque, tout se passait bien pour l’Italien qui parcourt les 29 km de la première étape, les 30 km de la deuxième et les 29 km de la troisième avec succès. C’est avec le début de la quatrième étape, 85 km à parcourir, que Prosperi, «déterminé à gagner la course», souhaite se démarquer.

«J’ai pensé couper avec une série de petites dunes. Sauf qu’à mi-chemin, l’enfer s’est déchaîné», décrit-il, en évoquant du vent «mortel qui soulevait les petites dunes». La tempête de sable dure plusieurs heures, l’athlète italien érinté s’effondre. Il décide alors de passer la nuit et attendre le lendemain avant de continuer. À son réveil, Prosperi gravit la plus haute dune près de lui, espérant voir d’autres coureurs ou même des balises. Il est alors surpris et terrifié lorsqu’il constate que le paysage avait complètement changé après la tempête. Conscient qu’il avait déjà perdu la course, il décide alors de faire demi-tour pour rejoindre le dernier point de contrôle. Il est ainsi officiellement perdu.

L’eau et la nourriture qu’il avait sur lui consommées, le pentathlète décide alors de «boire [sa] propre urine» et manger ce qu’il trouve dans le désert, pour tenter de survivre. Sur son chemin, Prosperi se rappelle être tombé sur un marabout vide, construit au milieu du désert. Il s’y loge pendant quelque temps, mangeant des œufs trouvés dans un nid et chassant des chauves-souris afin de «boire leur sang». «Dehors, il accroche le drapeau italien qu'il portait au cas où un hélicoptère de sauvetage passerait», raconte le journal espagnol Mundo Deportivo.

Au sein de cet édifice, l’Italien tentera tout pour attirer l’attention d'éventuels sauveteurs. Il brule ainsi son sac de couchage et écrit le mot «Help» sur le sable. Sans succès, le désespoir le gagne et il tentera même de se suicider. Dans un élan de survie, il quittera le marabout pour errer dans le désert.

Retrouvé en Algérie mais soupçonné d’être un espion

Le parcours de Mauro Prosperi, qui a dévié de son chemin vers Zagora, pensant qu’il se dirigeait vers le nord-est, l'a conduit à l’Est, pour franchir la frontière entre le Maroc et l'Algérie. Après des jours passés dans le désert, le pentathlète découvre enfin des crottes de chèvre, lui annonçant qu’il s'approche d'un endroit peuplé. Du haut d'une colline, il aperçoit une jeune fille d'environ 8 ans qui s'occupe d'un troupeau. Il se met alors à courir et finit par suivre cette fille jusqu’à un camp de Touareg.

Mundo Deportivo explique que «ces derniers lui offrent alors "du thé à la menthe et du lait de chèvre"». Mais l'hospitalité ne dure pas, ils «le chargent sur un chameau pour l'emmener vers un commissariat». Le pentathlète raconte dans le documentaire Netflix que «des soldats sont arrivés» juste après sa rencontre avec la fille, qui vont lui «bandé les yeux». «J'ai eu peur. J’étais convaincu qu’ils allaient m’abattre et me laisser là-bas», témoigne l'Italien.

Pendant sa détention, l’athlète comprend avec difficultés lors de l'interrogatoire en français qu’il est accusé «d'être un espion au service du Maroc», raconte Mundo Deportivo. Il est alors emmené dans une base militaire. Mais à un moment de ce nouvel interrogatoire, Mauro leur explique qu'il est policier et Italien. Un officier lui demande enfin s'il est bien Mauro Prosperi ? Il lui adresse alors un «bienvenue en Algérie, monsieur». L’homme lui annonce aussi avoir reçu un rapport le concernant des autorités marocaines». Il sera emmené à l'hôpital avant de pouvoir retourner chez lui sain et sauf.

Cette expérience traumatisante ne l’empêchera toutefois pas de retenter sa chance, en participant à nouveau au Marathon des Sables. «Ma fièvre du désert était plus forte que l’envie de concourir ou de gagner», conclut Mauro Prosperi. Amoureux des courses folles, il aura vécu une véritable expérience de l'extrême.

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