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Grand Angle

«La CIA a organisé les renseignements au Maroc», témoigne Ahmed Boukhari

Dans de nouveaux témoignages, Ahmed Boukhari apporte des éléments sur les services de secrets au Maroc, de la «police politique», durant les premières années de l’indépendance, jusqu’à la création du CAB 1 en 1960 grâce à une contribution de la CIA.

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Après une longue absence, Ahmed Boukhari, l’ancien agent du CAB 1 (service de renseignements), effectue son retour sur le net. Il vient de diffuser sur YouTube deux vidéos, d’environ 120 minutes, enregistrées les 27 et 28 mai 2019. Une sorte de mémoires dans lesquelles le personnel côtoie le professionnel, narrées dans un style agréable et précis, et qui renseignent sur les premières années de l’après indépendance, marquées essentiellement par la création des services de renseignement en 1960 sous le regard bienveillant d’experts de la CIA.

Boukhari explique que le Maroc de l’indépendance avait une «police politique»,  installée à Casablanca, coupables, selon ses dires, d’ «assassinats, d’enlèvements, de tortures, et de disparitions d’anciens résistants rebelles» entre 1955 et 1960.

Il a été«témoin d’au moins une vingtaine d’assassinats», depuis le balcon du 7e arrondissement de la police à Casablanca où il travaillait. «Des crimes impunis», a-t-il affirmé. Comme lors de sa première sortie en 2001 sur l’affaire Mehdi Ben Barka, il a distribué les accusations à l’endroit de ses anciens collègues de la «police politique», n’hésitant pas à les citer nommément.

Les dérapages et les violations commises par ce corps de la police ont fait l’objet de rapports rédigés, fin 1959, et remis au roi Mohammed V et au prince héritier Moulay Hassan, par des agents français du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDEC de 1945 à 1982), présents au Maroc dans le cadre de l’assistance technique entre les deux pays, et d'éléments de la CIA.

Le CAB 1 est confié à Oufkir             

Les deux services, raconte Boukahri, ont pointé du doigt le «sinistre bilan de la police politique» et alerté de ses conséquences sur la stabilité du royaume alors que le pays vient de connaitre la création de l’Union nationale des forces populaires (UNFP), née d’une scission de l’Istiqlal, le 6 septembre 1959. La popularité de cette nouvelle force politique a chamboulé l’ordre policier au Maroc. Français et Américains ont recommandé de «réorganiser» la police.

Prenant très au sérieux ces recommandations, le roi Mohammed V a mis fin aux fonctions de Mohamed Laghzaoui, un homme d’affaire du parti de l’Istiqlal, à la tête de la Sûreté nationale nommant à sa place, en juin 1960, le colonel Mohamed Oufkir, un homme qui bénéficiait alors de la confiance de la France et des Etats-Unis.

La mission de la constitution des services de renseignements marocains confiée à des experts de la CIA, a donné naissance au CAB I. «Les Américains nous ont enseigné les techniques d'enlèvement et de torture, comment faire disparaitre les cadavres, les filatures, ouvrir des coffres sans laisser de traces», indique Boukhari.

Les instructeurs de la CIA «ont divisé le CAB 1 en six départements installés au siège central à Rabat et six brigades de sécurité situées dans  les régions de Casablanca, Marrakech, Béni Mellal, Fès, Oujda et Tétouan. Les 300 agents du CAB 1 opéraient au Maroc et à l’étranger «en Algérie, Tunisie, Libye, Egypte et en Europe aussi, notamment en France, Espagne et Suisse», précise-t-il.

Cette proximité entre les renseignements marocains et leurs homologues américains s’est poursuivie même après la fin de l’expérience du CAB 1 en 1973.

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