Depuis l’annonce fin juin par le tribunal de Cologne d’interdire la circoncision pour motifs religieux, la polémique n’a cessé d’enfler en Allemagne, au point d’atteindre des proportions inquiétantes. D’où la montée au créneau hier, vendredi 13 juillet, du gouvernement allemand qui s’est exprimé pour une première fois sur le sujet afin de calmer le jeu.
«Au nom de ce gouvernement, de tous les membres de ce gouvernement, disons les choses clairement : nous tenons à ce qu'une vie religieuse juive, à ce qu'une vie religieuse musulmane soient possibles en Allemagne», a déclaré le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, lors d'un point de presse gouvernemental régulier, rapporte Le Monde. Ajoutant que «la liberté des activités religieuses est à nos yeux un droit auquel nous sommes très attachés», M. Seibert a estimé qu’il est «urgent de rétablir un climat juridique pacifié» sur cette thématique.
Pour rappel, la controverse avait été déclenchée le 27 juin dernier suite à une décision judiciaire prise par le tribunal de haute instance de Cologne, dans l’ouest de l’Allemagne, condamnant la circoncision religieuse. «Le corps d'un enfant est modifié durablement et de manière irréparable par la circoncision», avait alors jugé le tribunal, assimilant ainsi le rituel à une blessure corporelle passible d'une condamnation. Un amalgame qui avait suscité d’emblée un tollé au sein des communautés juive, puis musulmane, du pays – mais pas seulement.
«L’attaque la plus grave contre la vie juive depuis l’Holocauste»
En effet, si les 4 millions de musulmans et les quelques 200 000 juifs que compte l’Allemagne n’ont pas tardé à donné de la voix suite à la décision de Cologne, qu’ils dénoncent à l’unisson comme un jugement grave portant atteinte à leur liberté religieuse, leurs vitupérations ont rapidement trouvé échos à l’échelle internationale. A commencer par la Russie. Le rabbin Pinchas Goldschmidt de Moscou, qui accompagnait mardi à Berlin une délégation improvisée de quarante rabbins orthodoxes venus de toute l'Europe, a déclaré qu’il s’agissait «peut-être de l'attaque la plus grave contre la vie juive en Europe depuis l'Holocauste».
Israël, qui a noué d’étroites relations avec l’Allemagne, suit aussi le cours des évènements de très près. Tel-Aviv s’est d’ailleurs exprimé sur le sujet par la voix de son ministre de la Diplomatie publique et de la Diaspora israélienne, M. Yuli-Yoel Edelstein. L’interdiction de la circoncision est «d'un point de vue juif la plus importante de toutes les interdictions imaginables» a-t-il déclaré. Et de rajouter par ailleurs que «si on laisse passer ça [en Allemagne], il n'y aura pas de possibilité de l'empêcher dans d'autres pays européens».
Juifs et musulmans se mobilisent côte-à-côte
Mercredi, fait rare qui mérite mention, les leaders de plusieurs organisations juives et musulmanes, comme le Centre rabbinique d'Europe, l'Association juive d'Europe, le Conseil Européen des Oulémas ou le Centre islamique de Bruxelles ont appelés à l’unisson le Parlement allemand à légiférer rapidement sur le sujet avant que les choses ne s’enveniment. Bien que peu représentatives, ces organisations ont également fait pression auprès des députés européens d’Allemagne, de Finlande, de Belgique et de Pologne pour les exhorter à faire jurisprudence de la décision prise.
Leurs appels ne sont pas restés longtemps sans réponse. Vendredi, le ministère de la Justice allemand a indiqué vouloir procéder à «un examen juridique approfondi» de la décision de Cologne, «faisant état de ‘’trois options’’ pour une éventuelle loi» révèle le Monde. Toujours est-il que le problème demeure en l’état à l’heure qu’il est. Aussi, lorsqu’interrogé sur le temps qu’il faudra pour le résoudre, le porte-parole de la chancelière précise : «Cela ne doit pas traîner». D’ailleurs, selon le chef des députés conservateurs, M. Horst Seehofer, la question pourrait même être tranchée dès jeudi avec une résolution du Bundestag, en marge de la session extraordinaire consacrée à l'aide financière à l'Espagne.