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Grand Angle

Maroc : Benabdellah, Mounib et Heikel s’expliquent sur le collectif contre l’obligation du pass vaccinal

Tout en affirmant ne pas être contre la vaccination, des membres du «collectif citoyen», à l’origine d’une pétition contre l’imposition du pass pour accéder aux lieux publics, plaident pour un «délai» permettant aux «non-vaccinés» de s’adapter à la nouvelle décision du gouvernement.

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Photo d'illustration. / DR
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Au Maroc, la confusion règne dans plusieurs secteurs au lendemain de la décision du gouvernement d’Aziz Akhannouch d’imposer, dès jeudi, le pass vaccinal pour accéder à plusieurs espaces publics. Mercredi, un «collectif citoyen» composé de plusieurs personnalités publiques a lancé une pétition pour dire «Non au "pass vaccinal" au Maroc sans débat national».

Si elle évoque le «droit des marocains non vaccinés contre le Covid-19 à être informés à temps de décisions les concernant», son texte pointe une «totale incompréhension par rapport à la décision d’imposer un pass vaccinal sans aucun préavis ou délai raisonnable, ni débat national sur la question». Ses rédacteurs dénoncent aussi une «démarche qui exposera des millions de Marocains à l’inquiétude, au risque de ne pas accéder à leurs emplois, de se retrouver incapables d’accéder à une administration en cas d’urgence, aux transports en commun ou encore de jouir d’autres droits plus élémentaires». «De même, le risque de bousculades qui risque d’être inévitable devant les centres de vaccination dès jeudi pourrait donner lieu à l’effet contraire, voir à des risques sanitaires», mettent-ils en garde.

«La vaccination n’ayant jamais été obligatoire, il est incompréhensible que des citoyens soient restreints dans leur libre circulation et dans leurs droits, sans en avoir été informés dans un délai raisonnable. Ils seront privés d’un droit de circulation ou d’accéder aux lieux publics pour avoir fait un choix libre, ou tout simplement pour ne pas avoir pu pour cause médicales (allergie,contre-indication,…) ou autres raisons de se faire vacciner.»

«Instaurer un préavis de deux mois»

Les signataires invitent le gouvernement à «revoir cette décision», à «instaurer un délai de préavis ou un moratoire de deux mois concernant l’imposition du pass vaccinal» et à lancer «un débat national serein et dépassionné sur la gestion de la crise sanitaire».

Pour la parlementaire Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) et membre du collectif, «l’obligation du pass vaccinal est une imposition de la vaccination obligatoire alors que l'Etat marocain a précédemment annoncé que la vaccination était libre». «Au sein du Parti socialiste unifié, nous exprimons notre rejet de l’obligation du pass vaccinal. Ce pass ne peut pas limiter la propagation de cette épidémie, car les personnes vaccinées peuvent contracter le virus et elles peuvent aussi le transmettre à d'autres», confie-t-elle à Yabiladi, en dénonçant une «une discrimination inacceptable».

«Nous attendions que le gouvernement revoie le décret de l’Etat d'urgence sanitaire et les erreurs qui s'y sont introduites, pour que les mesures prises n'affectent pas les libertés et ne provoquent pas de dépression économique. Ce pass a été imposé sans délai et sans débat démocratique, en violation de la Constitution et de ce qu'elle énonce, et en transgression des institutions qui doivent y avoir leur mot à dire, notamment le Parlement», estime-t-elle.

«Nous appelons l'Etat à revenir sur cette décision et à recommander d'autres mesures de précaution telles que la distanciation sociale et les masques, et l’interdiction des rassemblements. Cette décision pourrait se transformer en crise politique au lieu d'une solution à la crise épidémiologique, et elle ne nous épargnera pas le risque d'une nouvelle vague épidémique potentielle avec l'avènement de l'hiver.»

Nabila Mounib

Pour sa part, Mohamed Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et membre du collectif, explique avoir signé la pétition à «titre personnel». «Je ne suis pas contre le pass vaccinal, mais contre son imposition sans laisser le temps aux gens pour s'adapter», tient-il à nuancer auprès de Yabiladi.

Pour la vaccination mais «contre l'imposition du fait accompli»

L’ancien ministre estime que «nous ne pouvons prendre de décision lundi pour l’appliquer le jeudi». «Il aurait fallu attendre trois ou quatre semaines avant de pouvoir la mettre en œuvre. Des mesures suffisantes auraient dû être prises pour que cette décision ne pose pas de problèmes», poursuit-il. Mohamed Nabil Benabdallah donne l’exemple de «ceux qui sont contre la vaccination et qui se retrouvent devant le fait accompli». «S’ils décident de se faire vacciner, ils n'obtiendront leur pass vaccinal qu’après trois semaines. C’est pour cela que je dis que la question nécessitait un délai précis avant son application», conclut-il.

Le professeur Jaâfar Heikel fait également partie du collectif. Il précise aussi ne pas être «contre la vaccination ou le pass vaccinal».

«La vaccination est indispensable pour surmonter la crise et le pass empêche la majorité d'être exposée au risque d'infection. Mais il faut laisser suffisamment de temps pour que les gens puissent se faire vacciner.»

Pr. Jaâfar Heikel

Pour l’infectiologue, «il fallait informer les gens de l’obligation du pass vaccinal il y a un mois et leur indiquer qu'ils ne peuvent plus accéder aux espaces publics ni voyager s'ils ne disposent pas de ce document». «Chacun serait ainsi obligé d'assumer l'entière responsabilité». Rappelant que «la situation épidémiologique n'est pas une urgence au Maroc», Jaâfar Heikel affirme être «contre l'imposition du fait accompli» et pour «la démarche de sensibilisation et de persuasion». «Que feront des milliers de personnes allergiques et non vaccinables ? Il faut trouver des alternatives, car en France, par exemple, si vous n'avez pas de pass vaccinal, il suffit d'obtenir un test PCR», conclut-il.

L’obligation du pass vaccinal, décidée lundi par le gouvernement, entre en vigueur dès ce jeudi. Elle concerne les établissements hôteliers et touristiques, restaurants, cafés, espaces fermés, commerces, salles de sport et hammams. De plus, les employés et les usagers des administrations sont également tenus de le fournir pour accéder aux administrations publiques, semi-publiques et privées. Le pass vaccinal remplace également l’autorisation de déplacement délivrée par les autorités locales compétentes pour quitter le Maroc ou pour se déplacer entre les préfectures et les provinces.

Article modifié le 20/10/2021 à 15h45

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