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Grand Angle

Maroc : Dar Gnawa, un rempart historique menacé à Tanger

Six mois après l’annonce de travaux de rénovation de Dar Gnawa, chef-lieu historique de la culture gnaoua à Tanger, rien n’est encore fait. Pire, la famille en charge de la préservation de ce centre a été évacuée. Elle craint que la pérennité de cet espace soit menacée.

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Abdellah El Gourd a vécu à Dar Gnawa depuis l'âge de 5 ans / Ph. Yassine Alaoui Ismaili - New York Times
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Depuis février 2021, le centre culturel historique Dar Gnawa pour la préservation de cette musique à Tanger a été évacué pour les besoins de travaux de construction et de rénovation, dans le cadre de la protection du patrimoine de la ville. Mais six mois plus tard, l’ouvrage n’a pas encore commencé. Habitant au troisième étage du lieu avec sa famille depuis 1953 et s’occupant du local depuis plus de 30 ans, Abdellah El Gourd, 75 ans actuellement, n’a pas été aidé pour le loyer de l’appartement qui l’a abrité temporairement, contrairement à ce qui a été prévu au départ.

Bâtiment unique de trois étages de style mauresque construit dans les années 1850, Dar Gnawa est en effet un centre culturel historique de référence, le premier officiellement reconnu en 1980 comme étant consacré à la célébration et à la préservation de la musique des gnaouas. Le maître des lieux, Abdellah El Gourd, est un musicien de renommée mondiale, issu de la tradition de cette confrérie, né dans la Kasbah de Tanger en 1947. Il a transformé tôt ce local en musée musical, qui veille notamment à la transmission des bases de la musique gnaoua. En 1967, Abdellah El Gourd a rencontré le musicien Randy Weston pour organiser des tournées à travers le monde, en interprétant des fusions de gnawa et de jazz.

Mais aujourd’hui, la perennité de cet espace historique est menacée. Des natifs de la ville ont alerté que «les vitraux et les lustres ont été retirés de la maison», alors que le propriétaire d’un immeuble adjacent aurait «profité de cette opportunité pour abattre un balcon et un escalier du deuxième étage de Dar Gnawa, dans le but d’annexer une partie de la maison d’El Gourd». Face à cette situation, le lieu a bénéficié du soutien d’une campagne pour la sauver et la rénover.

Etat actuel de Dar Gnawa à l'intérieur / Ph. Yassine Alaoui Ismaili - The New York TimesEtat actuel de Dar Gnawa à l'intérieur / Ph. Yassine Alaoui Ismaili - The New York Times

Une collecte de fond pour une rénovation effective

Auteur de la campagne et professeur de relations internationales à l’Université de Columbia qui a grandi dans la vieille ville de Tanger, Hisham Aidi considére que le processus en cours fait planer une menace de destruction. Il a rappelé que «ce bâtiment est un monument de la culture nord-africaine et de l’histoire mondiale du jazz», tout en appelant à «soutenir les efforts pour sauver et rénover Dar Gnawa» à travers une collecte de fonds. 

Le chercheur a expliqué que la pandémie du nouveau coronavirus «a frappé très durement la médina de Tanger», surtout avec les restrictions de voyage et le confinement qui ont mis le tourisme à l’arrêt, de même que les activités des centres culturels. «En décembre 2020, des promoteurs immobiliers et des responsables locaux ont décidé que le confinement serait un moment opportun pour restaurer et rénover les bâtiments à risque de la médina», d’où Dar Gnawa a été concernée par les travaux.

Mais ces dernières années, le projet de réhabilitation de la Médina de Tanger fait débat, puisqu’il est perçu par certains acteurs de la préservation du patrimoine comme une atteinte aux derniers symboles de l’héritage culturel de la ville, dans un contexte de construction massive au cours des deux dernières décennies.

Article modifié le 27/08/2021 à 16h19

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