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Grand Angle  

Diaspo #206 : Monir Ait Hamou, un comédien et scénariste outsider à Bruxelles

Monir Ait Hamou est tombé tardivement dans la marmite du septième art. Comédien et scénariste, il partage son amour pour le cinéma avec les jeunes qui aimeraient faire carrière dans le domaine. Récit de vie d'un outsider.

Publié
Monir Ait Hamou, comédien et scénariste / DR.
Temps de lecture: 4'

Né en Belgique en 1978 dans la ville flamande de Vilvorde, Monir Ait Hamou a grandi au sein d’un quartier cosmopolite, où habitent des familles ouvrières issues de l’immigration de différents pays. Au milieu de cette diversité, il ne se souvient pas avoir vécu de discriminations durant l’enfance. «Dans les bassins industriels, les communautés marocaine, italienne, espagnole et autres vivaient ensemble et bien que l’administration soit néerlandophone, on est majoritairement francophone dans notre vie quotidienne. On ne se rend pas compte des disparités, car chacun de nous vient d’un horizon différent ; on n’est pas dans une vision de minorités ou de majorité. C’est plus tard en commençant à travailler que je m’y suis confronté», se souvient-il.

Aîné de quatre enfants, fils d’un travailleur en métallurgie originaire des environs de Tata et d’une mère issue de Settat, Monir a découvert le racisme et ses différentes expressions lorsqu’il est «sorti de cette bulle». Loin d’aimer l’école, il redouble, change d’établissements plusieurs fois, quitte à continuer son cursus à Bruxelles, tout en se cherchant une vocation. «Je n’aimais pas l’école, donc j’ai galéré pour avoir mon BAC. J’essayais de trouver une place où je me sentais bien mais rien n’y faisait, au point où en terminale, je cochais les mois pour sentir que je voyais le bout du tunnel et que je m’approchais de la fin de l’année», se souvient-il.

Jusque-là, Monir est loin d’envisager une carrière dans le cinéma. Il rejoint l’Université libre de Bruxelles pour des études en journalisme, puis il décide de changer de cap en optant pour les relations publiques, ou encore pour l’informatique. Ayant du mal à se concentrer dans un domaine précis, l’artiste s’essaye même au commerce et à la plonge. S’il estime que l’école a eu le mérite de lui apprendre à lire et à écrire, il cite surtout le soutien de ses parents.

«Ils n’ont pas vu leur fils briller dans ses études, mais mon père savait faire plusieurs métiers à la fois (électronique, maçonnerie…) et à partir de ce vécu, il était le premier à me dire: ‘fais ce que tu veux, mais fais-le bien’. Quelle que soit la voie que ses enfants auront choisie, l’important pour lui était que nous puissions gagner nos vies dignement, tout en faisant quelque chose dans les règles de l’art.»

Monir Ait Hamou

Un comédien et scénariste autodidacte

Ce sont les mots de ses parents qui ont motivé Monir pour ne pas baisser les bras, au cours des périodes les plus difficiles, considérant qu’«on ne perd jamais, soit on gagne, soit on apprend». Il confie avoir «toujours été optimiste mais dans la résilience», afin de pouvoir continuer à avancer. «J’aimais finalement cette place d’outsider car elle m’a forcée à m’essayer à plusieurs domaines pour trouver ma place. Je tombais à chaque fois, mais je savais que je me relèverais et que je devais y arriver. Je gardais ainsi la tête froide et je devais toujours rester en alerte sur l’impératif de continuer à aller de l’avant», déclare-t-il encore.

A Bruxelles, Monir compte le réalisateur et scénariste Nabil Ben Yadir parmi ses amis les plus proches. Avec lui, il s'essaye à «tous les métiers du cinéma». «Nous faisions tout ce qui est lié au septième art de près ou de loin. On collait des affiches de film, on organisait des avant-premières dans les ambassades, on veillait au bon déroulement de tournage, je conduisais donc il comptait sur moi à chaque fois pour transporter les équipes, on corrigeait des scénarios, je faisais figurant dans plusieurs films…», se rappelle-t-il. Des années plus tard, son ami lui propose de participer à un casting, en préparation du tournage pour «Les Barons».

A sa grande surprise, Monir fait partie des acteurs à l’affiche de cet opus sorti en 2009. De 2006 à 2014, il compte déjà une dizaine de films à son actif, où il a participé en tant que comédien. Mais pour lui, «il y a clairement eu un avant et un après Les Barons», qui lui a permis de mieux se faire connaître et de travailler sur la coréalisation et la coécriture d’autres projets, notamment la série «Champion», diffusée sur la RTBF en 2018. Se voyant récompensé pour ses efforts, Monir ne regrette pas être tombé taridvement dans la marmite du cinéma, à l’âge de 30 ans. «Il faut s’armer de beaucoup de patience et se dire que chaque étape de la vie peut prendre dix bonnes années pour être construite», nous confie-t-il, reconnaissant être moins à l’aise avec «la partie la moins amusante qui est celle de se retrouver sous le feu des projecteurs».

«Parfois, il peut arriver qu’on se demande qu’est-ce qu’on fait sur le devant de la scène et est-ce qu’on a travaillé assez pour y être. Puis on repense aux débuts et le chemin parcouru», indique-t-il.

«Il ne faut pas abandonner, si on se sent fort dans quelque chose, il faut continuer d’être à la recherche d’une maturité pour aiguiser une expérience. Aujourd’hui encore, le cinéma n’est pas une fin en soi. C’est la leçon que j’ai apprise dans la vie et qui me permet de continuer à découvrir, à aider notamment les jeunes à travers des workshops et des ateliers pour leur permettre de se découvrir plus tôt et de gagner du temps.»

Monir Ait Hamou

Depuis, Monir se concentre sur l’écriture de scénarios pour «raconter des histoires», plus que sur des rôles de comédien. «J’ai trouvé ma voie dans l’écriture de scénario, bien que tout le monde me voit comme acteur. Je préfère évoluer dans le cinéma, mais tout en restant dans l’ombre et en guidant les autres afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes devant la caméra», indique l’artiste. Parmi les quatre enfants de la famille, son petit frère Ish Ait Hamou a trouvé lui aussi sa voie dans l’art, à travers l’écriture et la chorégraphie.

Leurs trajectoires se sont croisées et les deux frères se sont donnés des conseils sur leurs projets. Actuellement, ils sont engagés ensemble sur l’écriture et la réalisation d’un film qui devra être tourné dans le sud du Maroc, dans la région d’origine de leur père. Tel un hommage au chef de famille, ils font son chemin inverse en revenant à la terre qu’il a quittée pour aller travailler en Belgique. Monir confie apprécier cette «belle synergie» avec son petit frère sur un projet qui leur tient à coeur.

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