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Grand Angle

Maroc : Les droits humains contaminés par la crise sanitaire

En pleine crise sanitaire, plusieurs secteurs ont été impactés sur le plan social et économique par la pandémie de la Covid-19. En 2020, les effets ont été observés aussi dans le traitement des questions liées aux droits humains, selon le rapport annuel de l’AMDH.

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Présentation du rapport annuel de l'AMDH, le 5 août 2021 / Ph. AMDH
Temps de lecture: 3'

Dans son rapport annuel pour 2020, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a estimé que les mesures restrictives censées endiguer la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus ont revêtu une dimension sécuritaire. Présenté ce jeudi à Rabat, le document a noté que ce traitement s’illustrait notamment dans le fait de «pratiquer plus de violations et en finir avec les droits et libertés, ce qui a placé le Maroc parmi les pays visés par la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet». L’année dernière, la responsable onusienne a alerté que plusieurs Etats avaient une utilisation abusive des mesures sanitaires pour justifier les nombreuses arrestations enregistrées.

Dans ce sens, l’AMDH a indiqué que «de nombreux citoyens ont été soumis à diverses formes de violences», que ce soit «sur la voie publique, dans les prisons et les centres d’incarcération ou dans les centres de détention des services de renseignements civils et militaires, de la police, de la gendarmerie ou des forces auxiliaires, ainsi que dans les locaux administratifs rattachés au ministère de l’Intérieur, des foyers pour immigrés, des hôpitaux et des cliniques psychiatriques ou des centres de rééducation pour mineurs».

Les questions de la migration et de l’asile n’ont pas été en reste, durant une année «caractérisée par la détérioration grave des conditions générales des immigrés et des demandeurs d’asile», selon l’ONG. «Le droit de circulation, à la règlementation des situations administratives et à la disponibilité des conditions minimales pour une vie décente» a été impacté.

Les migrants installés au Maroc sont doublement touchés en 2020

L’AMDH a souligné qu’à l’exception des étrangers présents sur le territoire marocain et détenteurs de documents administratifs dont la durée n’a pas expiré, beaucoup «n’ont pas pu obtenir de permis de mobilité exceptionnelle et n’ont pas pu sortir de leurs lieux (camps ou périphéries des villes et villages)».

Nombreux aussi ont été «arrêtés alors qu’ils se tenaient au bord des routes pour demander de l’aide, et ont souffert de privation du droit de se déplacer pour faire des achats dans les villes en raison de l’installation de la plupart d’entre eux sur la périphérie», comme cela a été le cas dans la région de Nador.

La situation s’est aggravée, selon l’AMDH, par le fait que «les administrations ont cessé de renouveler les titres de séjour pendant un certain temps, exposant [les étrangers] à l’arrestation ou au refoulement, ne les incluant pas dans les programmes de fonds d’aide aux pauvres, n’accordant pas à ceux qui ont des documents de résidence une carte RAMED, et les privant de recherche d’emploi du fait que la plupart exercent des professions non structurées ou commercent dans la rue».

Pour les migrants, ces difficultés se sont ajoutées aux «continuelles poursuite de ceux qui n’ont pas de papiers depuis leurs lieux de résidence (Nador, Tanger, Larache…), puis transférés de force aux frontières algériennes ou dans le sud». Cela a été le cas, notamment le 19 mai 2020, lorsque «plus de 36 personnes ont été déportées dans la région de Tiouli, à la frontière algérienne, en exposant nombre d’entre eux aux attaques des services de sécurité», selon l’ONG. Par ailleurs, l’association a indiqué avoir «suivi la campagne d’arrestations arbitraires qui visait [les migrants] dans les villes de Tarfaya, Laâyoune et El-Marsa».

Des restrictions sur les libertés de rassemblement

Sur d’autres plans, le rapport a retenu que l’année 2020 a été marquée par une restriction sur les libertés en termes d’association, de réunion et de manifestation pacifique, dans un contexte toujours marqué par le maintien de l’état d’urgence sanitaire. Dans le même registre, l’ONG a déploré un «recours, dans de nombreux cas et en dehors de tout cadre légal, à un usage excessif de la force pour disperser des sit-in et des marches de protestation pacifiques, ce qui a exposé de nombreux manifestants à des blessures graves et même des passants n’ont pas été épargnés».

Le rapport note aussi «le maintien en détention de nombreux défenseurs des droits humains, des militants de mouvements sociaux, des journalistes indépendants et des blogueurs». L’association indique avoir recensé, «sur la base des listes dont elle dispose, un total de 226 détenus comprenant des prisonniers politiques et des prisonniers d’opinion, en plus de personnes poursuivies en état de liberté provisoire, dont 137 ont été libérés avant la fin 2020».

Cette situation a remis en avant les questions les conditions et les garanties de la tenue de procès équitables, notamment dans le cas du procès de sept militants du mouvement Beni Tadjit. «Ce procès s’est déroulé sans informer les concernés des motifs de leur arrestation, ni de la destination vers laquelle ils ont été conduits, sans informer non plus leurs familles dès leur placement en garde à vue, et sans les informer immédiatement, et dans une langue qu’ils comprennent, de leur droit à une assistance judiciaire», a noté le rapport.

Les cas des journalistes Omar Radi et Soulaimane Raïssouni ont également été évoqués, en plus de celui de l’historien et universitaire Maâti Monjib. Enfin, l'ONG a pointé des «campagnes de diffamation» par voie médiatique et des soupçons d’utilisation du logiciel Pegasus pour suivre des militants et des journalistes.

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