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Grand Angle

Délais de paiement : Pour Inforisk, la situation est «préoccupante» avant même le Covid-19

Pour Inforisk, la TPE est la catégorie d’entreprises qui «souffre le plus» de l'allongement des délais de paiement, aggravé par la crise sanitaire. Pour le spécialiste du renseignement commercial, les délais sont passés à 226 jours pour les TPE et 119 jours pour les PME.

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Photo d'illustration. / CentralITAlliance
Temps de lecture: 4'

Le spécialiste du renseignement commercial sur les sociétés marocaines et maghrébines, Inforisk a publié cette semaine une étude sur les délais de paiement entre 2012 et 2019, démontrant une dégradation continue des délais de paiement. Ainsi, ces délais ont été de 226 jours en 2019 pour les très petites entreprises (TPE), 119 jours pour les petites et moyennes entreprises (PME) et 91 pour les grandes entreprises.

Selon l’étude et chiffres à l’appui, «la TPE est la catégorie d’entreprises qui souffre le plus». De plus, pour expliquer «la très faible répercussion de la hausse des délais clients sur les délais fournisseurs», Inforisk évoque le «faible pouvoir de négociation des TPE». «Entre 2018 et 2019, la hausse du délai fournisseurs n’a été que de 2 jours. Pire, en moyenne, la TPE paie ses fournisseurs 109 jours (3,6 mois) avant elle-même d’être payée», constate-t-on.

Quant aux PME, l’étude évoque «une situation qui se détériore légèrement», en signalant une «légère augmentation des délais clients PME», puisqu’entre 2018 et 2019, ils ont augmenté de 3 jours pour atteindre 119 jours, contre une «stabilité des délais fournisseurs entre 2018 et 2019 à 105 jours».

Même chez les grandes entreprises, Inforisk signale un «début de renversement de tendance». «Elles payaient plus tardivement qu’elles n’étaient payées par leurs clients, ce qui avaient un impact positif sur leur trésorerie», rappelle l’étude qui fait état d’un «retournement de situation en 2019, où les conditions de règlement (entre délais fournisseurs et clients) se rééquilibrent à nouveau». «Les délais clients repassent devant les délais fournisseurs. Le raccourcissement de ces derniers dénote une meilleure considération par les GE des besoins de paiement de leurs fournisseurs», explique-t-on. 

Imposer un rythme aux entreprises pour qu’elles respectent les délais de paiement

«Le constat est très clair. Les délais clients se sont encore dégradés pour les TPE, ces entreprises de moins de 10 millions de dirhams de chiffres d’affaires», commente Amine Diouri, directeur études & communication et responsable du programme Inforisk Dun Trade. «L’étude porte sur une bonne période pour voir l’évolution des délais de paiement de 2012 à 2019. On voit très clairement qu’il y a une dégradation constante et continue avec une accélération ces dernières années», constate-t-il.

«Avant même l’arrivée du Covid-19, on était dans une situation préoccupante pour les TPE. La pandémie est venue rajouter une couche supplémentaire. Déjà, les délais de paiement ont un impact direct sur les trésoreries des TPE et PME. Avec le Covid-19, non seulement ces entreprises sont payées en retard, mais elles n’ont pas de chiffre d’affaires puisque l’activité s’arrête complètement ou est fortement impactée.»

Amine Diouri

Pour le responsable à Inforisk, «dans cette situation, les entreprises sont davantage fragilisées et dans une tendance presque naturelle, elles gardent le plus longtemps possible l’argent qu’elles ont, avant de payer leurs fournisseurs».

L’étude établit aussi un benchmark entre le Maroc et des pays du monde en se basant sur deux critères. «Le premier est celui du pourcentage de paiement à l’heure, c’est-à-dire des paiements qui respectent les délais, soit les entreprises qui payent à moins de 90 jours», nous confirme Amine Diouri. Quant au deuxième, il s’agit du pourcentage des entreprises qui payent avec plus de 90 jours de retard de paiement (c’est-à-dire le délai légal de 90 jours + 90 jours de retard).

Pour le premier critère, le Maroc est parmi les derniers ; Israël et les Philippines font pire que lui. «Par contre, lorsqu’on parle des pourcentages d’entreprises avec plus de 90 jours de retard, on est champion toute catégorie et de très loin», regrette le responsable. «A un moment donné, la pratique culturelle ne suffit plus à expliquer la particularité marocaine et il faut se poser la vraie question. C’est aussi une question de volonté politique d’imposer un rythme aux entreprises pour qu’elles respectent les délais de paiement», estime-t-il.

De la Data et une réforme pour améliorer la situation

Pour les solutions, Amine Diouri rappelle qu’un projet de loi est en cours d’adoption, pour instaurer des amendes pécuniaires pour les entreprises qui dépasseraient 120 jours. «Il est intéressant, c’est un grand changement de mindset comparé à ce qui se faisait avant», constate-t-il. Il rappelle que «de 2011 à 2016, c’était des pénalités de retard appliquées par le petit fournisseur au grand client», mais in fine elles n’étaient jamais appliquées car «le petit fournisseur ne voulait pas perdre son grand client». «Avec le projet de loi actuel, c’est l’Etat à travers le ministère des Finances qui intervient en tant que tierce partie et qui pourrait pénaliser les mauvais payeurs», commente-t-il en notant que le projet s’inspire notamment de ce qui se fait en France. «La vraie question concerne la mise en œuvre de ce projet de loi. Comment vas-t-on contrôler les entreprises ? Est-ce qu’on ira au pif ou va-t-on utiliser la data ?», s’interroge-t-il.

Dans ce sens, Amine Diouri estime qu’il «faut tout de même aider les entreprises à traverser cette zone de turbulences qu’est le Covid-19 et donc leur apporter de l’information à jour sur les retards de paiement de leurs partenaires».

«Il faut leur dire, concrètement, que dans leurs portefeuilles, il y a des entreprises qui allongent leurs délais de paiement et d’autres qui sont de mauvais payeurs. C’est leur donner un certain nombre de signaux pour leur permettre d’ajuster la relation commerciale avec leurs partenaires.»

Amine Diouri

«Il nous faut de la data, d’où la mission d’ailleurs du programme Dun Trade d’Inforisk qui collecte de la data sur les bons et les mauvais payeurs et qui vient en complément naturel de ce projet de loi», conclut-il.

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