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Grand Angle  

Le Maroc aux Jeux Olympiques : Il était une fois Abdeslam Radi

Premier Marocain à remporter une médaille aux Jeux olympiques de 1960, ce natif de Taounate rêvera pendant longtemps de porter le maillot de son pays et le représenter dans cette grand-messe mondiale. Une gloire de courte durée, puisqu’il tombera dans les oubliettes et vivra dans la précarité jusqu’à sa mort en 2000.

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L'athlète marocain Abdeslam Radi a remporté en 1960 la première médaille olympique dans l'histoire du Maroc. / DR
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Alors que les athlètes marocains participant aux Jeux Olympiques de Tokyo s’inclinent l’un après l’autre, plusieurs concitoyens se remémorent des moments historiques où des athlètes portant les couleurs du royaume avaient remporté l’or, l’argent ou le bronze du saint graal olympique. Si les noms de Said Aouita, Hicham El Guerrouj, Nawal El Moutawakel ou encore Nezha Bidouan reviennent le plus souvent, peu de Marocains se souviennent du premier Marocain a avoir remporté une médaille olympique : Abdeslam Radi.

Spécialiste des courses de fond de son époque, il voit le jour le 28 février 1929 à Taounate. Originaire de Mernissa, il grandit en aidant son père dans l’agriculture avant de rejoindre les rangs de l’armée française, le Maroc étant à l’époque sous protectorat. Il passe ainsi une bonne partie de sa vie à Dijon, d'abord au 5ème régiment de tirailleurs marocains puis au 25ème régiment d'Infanterie.

Des championnats militaires aux Jeux Olympiques de Rome

Les Français découvrent qu’il pouvait courir de longues distances et l’invite à prendre part à plusieurs compétitions. «Il est alors surnommé ‘Star de 5 kilos’ en allusion à l’important nombre de médailles et prix qu’il récolte. Il était bien adoré en France, traqué par les fans pour des autographes», raconte-t-on dans un podcast de Sky News Arabia.

Abdeslam Radi prend ainsi part à plusieurs rencontres internationales pour la France, sans avoir le droit de représenter son pays, le Maroc, toujours sous protectorat français. D’ailleurs, il ne prendra pas part aux Jeux Olympiques de Melbourne, en Australie, de 1956, l'année de l'indépendance du Maroc.

«Il a montré de grandes qualités sportives, notamment en athlétisme. C’est ainsi qu’il a remporté plusieurs championnats militaires de course de fond (5 000 et 10 000 m) ponctués par des médailles d’or aux cross des nations à Saint-Sébastien (Espagne) en 1958 et à Glasgow (Ecosse) en 1959», raconte-t-on sur une page facebook dédiée à l’athlète.

En 1960, l’athlète remporte aussi un autre titre mondial du cross des nations à Hamilton Park en Écosse avant de voir son rêve se réaliser durant cette même année. Lors des Jeux Olympiques de Rome, sans entrainement, équipement ou préparateurs, Abdeslam Radi se rend ainsi en Italie, déterminé à offrir un titre olympique à son pays.

Après 16 jours de compétitions, aucun sportif marocain n’était parvenu à décrocher le sacre mondial. Le marathon était le dernier espoir de tout un pays. Sur le terrain, le Marocain a fait face à un autre africain de renom, l’Ethiopien Abebe Bikila. Ce dernier est alors «mis en garde par son entraineur concernant un athlète portant le numéro 26». Le marathon débute et les athlètes commencent alors à pénétrer les anciennes ruelles de la capitale italienne.

Abebe Bikila est pieds nus. Il est talonné par un autre athlète portant le numéro 185. A plusieurs reprises, l’Ethiopien tourne la tête à la recherche de son rivale, sans savoir que celui qui l’accompagne depuis plusieurs kilomètres était tellement malin qu’il a dû changer de numéro.

Une consécration précédant celles d’Aouita et d’El Moutawakel

A 500 mètres de la fin de la course, Bikila passe à la vitesse supérieure et arrive en première place de ce marathon historique. Abdeslam Radi arrive 2ème, offrant au Maroc fraichement indépendant une médaille olympique d’argent, la première de son histoire. Les deux coureurs africains deviennent ainsi des stars, avec des performances exceptionnelles pour l’époque (2h15’16 pour Bikila et 2h15’17 pour Radi).

Grâce à cette réalisation, l’athlète marocain est invité aux États-Unis en tant qu'invité d'honneur des Jeux olympiques de Los Angeles de 1984. Une gloire qui s’estompera vite. L’athlète reviendra au Maroc où il est «marginalisé» et ses efforts non récompensés par les responsables sportifs nationaux. «Il vivra dans la hogra et le rejet», raconte-t-on.

Ainsi, lorsqu’il était malade, Abdeslam Radi aurait été «tellement pauvre que sa femme commence à vendre leurs biens pour se procurer des médicaments». «Elle ira même jusqu’à vendre sa médaille olympique», raconte Sky News Arabia, qui note qu’une association sportive aurait dû intervenir pour récupérer cette médaille olympique de l’acheteur. L’athlète rend l’âme le 4 octobre 2000 à Fès.

Quant au Maroc, ses athlètes n’ont renoué avec le sacre qu’en 1984, année durant laquelle Said Aouita et Nawal El Moutawakel créent la sensation aux Jeux olympiques de Los Angeles en remportant respectivement des médailles d'or du 5 000 m et du premier 400m haies féminin de l'histoire des Jeux olympiques. Depuis, un total de vingt-trois médailles, dix-neuf en athlétisme et quatre en boxe a été remporté par des Marocains.

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