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Grand Angle

Femmes «habillées par le démon» : L’imam dénonce un abus d’autorité et porte plainte

Limogé à la demande du ministre français de l’Intérieur, l’imam de Gennevilliers, Mehdi Bouzid a démenti les propos qui lui sont attribués. Ses deux avocats évoquent un délit d’opinion et un abus d’autorité.

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L'imam de Gennevilliers, Mehdi Bouzid. / Ph. Channel4
Temps de lecture: 3'

Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’imam limogé en France après qu’il aurait reproché à une partie des femmes d’être «habillées par le démon». Samedi, les avocats Sefen Guez Guez et Ouadie Elhamamouchi ont annoncé qu’ils déposent plainte contre le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le préfet du 92, Laurent Hottieux, pour «abus d’autorité». «Trop c’est trop. L’honneur de l’imam Mehdi sera rétabli», a ajouté Me Guez Guez sur son compte Twitter. L’imam Mehdi Bouzid a fait l’objet d’une note signée par le ministre de l’Intérieur et adressée à la préfecture des Hauts-de-Seine, dans laquelle Gérald Darmanin a dénoncé un «discours vindicatif». Sur Twitter, le ministre a même demandé à ce que l'imam soit «limogé».

Une «immixtion dans le culte musulman»

«Ce qu’on souhaite, c’est mette le holà et dire que le pouvoir politique n’a pas à s’immiscer dans la sphère religieuse», nous explique ce dimanche Me Ouadie Elhamamouchi, à propos de la plainte. «Lorsqu’on utilise son pouvoir pour agir et restreindre les libertés individuelles et les libertés de l’imam comme cela a été fait, cela s’appelle un abus d’autorité, qui est répréhensible et punis par la loi», ajoute-t-il.

Pour l’avocat Franco-marocain, «cela touche à plusieurs libertés fondamentales en réalité : la liberté d’expression de cet imam, à sa liberté de culte et à la laïcité». «Car concrètement, le ministre ainsi que le préfet sont en train d’essayer carrément de transformer le culte musulman. Là, on a dépassé le cadre du trouble à l’ordre public pour de l’immixtion dans le culte musulman», dénonce-t-il.

«Les propos qui ont été tenus par l’imam sur la pudeur sont prononcés régulièrement par d’autres religieux. Ce n’est pas une question de trouble à l’ordre public ou qui a trait à l’égalité homme-femme. D’ailleurs, il a même eu un discours aussi sur la pudeur vis-à-vis des hommes.»

Me Ouadie Elhamamouchi

Pour notre interlocuteur, «on considère que les musulmans ont marre d’être stigmatisés par ce gouvernement et notamment par ce ministre-là». «N’oublions pas que c’est Darmanin qui a dit qu’il trouvait Marine Le Pen trop molle sur la question de l’islam. On a l’impression qu’il y a un deux poids deux mesures quand on voit que Darmanin est dur avec les faibles et doux avec les forts», dénonce-t-il encore. «Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur et non pas d’une association, les actes antimusulmans ont flambé en 2020. Il y a des droits et des devoirs et il ne faut pas confondre trouble à l’ordre public et la sphère religieuse qui relèvent de l’intime», conclut-il.

Un «deux poids deux mesures qui pèse sur la communauté musulmane»

Dans une vidéo du Collectif contre l'islamophobie en Europe (CCIE), l’imam Mehdi Bouzid a réagi, samedi, à son limogeage. «Les autorités ont toujours fait de l’ingérence dans le culte musulman. C’est juste que là, c’est de plus en plus apparent», critique-t-il en assurant au passage qu’il n’avait «absolument pas tenu ce type de propos». «Pour ma part, il n’y a eu aucune maladresse. J’ai respecté parfaitement le savoir-vivre ensemble, la femme en général. Je m’adressais à une communauté de foi, une communauté de croyants avec des musulmanes. Je m’adressais aux hommes comme aux femmes», explique-t-il.

«Ce que j’entreprends aujourd’hui, c’est déjà de rétablir un semblant de justice et de vérité. Je vais essayer de porter cette affaire devant les tribunaux et le conseil d’Etat, pour essayer d’exprimer que tout ce qui a été dit était faux à mon encontre et rétablir mon honneur, car on n’a pas le droit de me diffamer et de mentir.»

L’imam de Gennevilliers

Pour sa part, l’avocat Sefen Guez Guez a dénoncé «une illustration d’un délit d’opinion et d’un deux poids deux mesures qui pèse sur la communauté musulmane». «Cet imam a donc été écarté sans aucune forme de procès, sans aucune décision écrite et il a appris seulement par voie de la presse qu’il n’avait plus le droit de tenir prêche dans cette mosquée», explique-t-il. «Le ministère de l’Intérieur et la préfecture s’immiscent dans la gestion des lieux de culte et décident de qui doit être imam ou qui ne peut pas l’être», fustige-t-il dans la même vidéo. «Alors qu’on nous parle tout le temps de laïcité et de principe de neutralité de l’Etat à l’égard des religions, on a là la manifestation claire et évidente qu’aujourd’hui, lorsqu’il s’agit des musulmans, l’Etat peut s’immiscer dans la gestion de leur culte», dénonce-t-il encore.

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