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Grand Angle

Espionnage Pegasus : Le Maroc qualifié de «Corée du Nord à 2 000 km de Paris»

Avocats et journalistes français, qui auraient été ciblés par un opérateur marocain utilisant le logiciel Pegasus de l’Israélien NSO, ont réagi, ce lundi, aux révélations de Forbidden Stories et Amnesty International, tout comme l’ambassade du Maroc à Paris.

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Photo d'illustration. / DR
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L’avocat français Joseph Breham, victime présumée d’espionnage de la part d’un opérateur marocain, a réagi ce lundi aux informations révélées par l’enquête menée par le consortium de journalistes dans le cadre du projet Pegasus de Forbidden Stories et Amnesty International. «Oui, évidemment cela m’étonne. Même si, quand on travaille dans les droits de l'Homme et quand on essaie de faire avancer un certain nombre de causes, on sait que ces choses-là sont possibles», a-t-il confié dans une interview à France Culture. «Je ne suis pas Jason Bourne. Là, j'ai l'impression d'avoir basculé dans un autre monde.»

Rappelant avoir travaillé sur des affaires sur les droits humains au Maroc et du Sahara, l’avocat français a qualifié de «hallucinant» le fait qu’un «État soit prêt à mettre des moyens aussi forts, aussi violents - "violents" dans le sens de "violation" - de la vie privée, qui nécessitent autant de ressources, autant d'énergie». Il a précisé, auprès du média, que son cabinet «a géré à partir de 2011-2012 un dossier qui a conduit le Maroc à bloquer la coopération judiciaire entre la France et Rabat». Entre septembre et décembre 2019, période durant laquelle il aurait été ciblé par un opérateur marocain utilisant Pegasus, le logiciel d’espionnage du groupe israélien NSO, Joseph Breham explique qu’il était «en pleines négociations avec les autorités françaises, concernant le Maroc», pour que Claude Mangin, femme de Naâma Asfari, détenu dans le cadre du procès de Gdeim Izik, puisse «aller voir son mari en détention».

«Dès que la question sahraouie est posée, on n'est plus face à des interlocuteurs rationnels, on est face à des personnes qui se "Kim Jong un-ise" si on peut dire. Ce n'est plus le Maroc tel qu'on le connaît, pays accueillant, assez ouvert, mais c'est la Corée du Nord à 2000 kilomètres de Paris.»

Joseph Breham

Des plaintes seront déposées en France

L’avocat a annoncé qu’il compte déposer plainte pour «violation du secret professionnel, pour recel de violation du secret professionnel, pour interception des correspondances et probablement pour atteinte à un système de traitement automatisé de données». L’occasion pour lui de pointer «la complicité» des autorités française. «Le gouvernement (français, ndlr) a plutôt eu tendance à couvrir les agissements marocains et à leur dérouler le tapis rouge», a-t-il critiqué.

Au micro de France TV Info, Edwy Plenel, journaliste, président et cofondateur de Mediapart a estimé, de son côté, qu’on «ne peut pas accepter qu'un pays considéré comme ami espionne des journalistes, des directeurs de journaux, et utilise cet espionnage pour réprimer ses propres journalistes et dans des conditions effroyables». «Les autorités de notre pays ne peuvent pas rester indifférentes», a ajouté le directeur de Mediapart, qui entend donner des suites judiciaires à cette affaire.

Rosa Moussaoui, grand reporter à L’Humanité, a fustigé, pour sa part, une «forme d’intrusion dans le travail d’un journaliste d’une violence inouïe». «C’est comme si j’avais été cambriolée, c’est une violation de l’intime», a-t-elle dénoncé.

«À chacun de mes reportages au Maroc, je subis une surveillance étroite, physique, visible mais ce n’est pas la même chose quand on les voit. Là, cette invisibilité m’effraie.»

Rosa Moussaoui

Egalement identifié comme cible de l’espionnage, le journaliste marocain Omar Brouksy, l’ancien correspondant de l’AFP explique qu’il n’est «même pas choqué». «Dans un régime autoritaire, de telles pratiques ne sont pas étonnantes. En revanche, ça m’attriste pour le journalisme. Dans un pays comme le Maroc, la liberté, l’indépendance se payent au prix fort. Quand on veut bien faire ce métier, on est conscient qu’on doit payer ce prix de manière quasi quotidienne», a-t-il ajouté.

Le Maroc a «déjà démenti il y a un an les accusations d’espionnage»

Livrées à 17 rédactions à travers le monde, des données de Forbidden Stories et d’Amnesty International ont confirmé, dimanche, que le Maroc aurait bien utilisé le logiciel israélien Pegasus développé par NSO pour viser des journalistes. Après Omar Radi au Maroc, de nouvelles cibles seraient concernées en France, en Belgique ou en Espagne.

L’ambassade du Maroc en France a été la première à réagir à cette affaire. Interpellée samedi par France TV Info, la représentation diplomatique du royaume a indiqué que «les autorités marocaines ne comprennent pas le contexte de la saisine par le consortium international de journalistes (Forbidden Stories) sollicitant les réponses et précisions du gouvernement marocain sur les outils de surveillance numérique de NSO group».

Elle a rappelé que les autorités marocaines «avaient déjà démenti il y a un an les accusations d’espionnage du journaliste Omar Radi» et qu'Amnesty International «a été incapable de prouver une quelconque relation entre le Maroc et la compagnie israélienne» NSO.  

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