L’hécatombe se poursuit à la médina de Casablanca. Les habitations menaçant ruine tombent comme des châteaux de cartes. Samedi 9 juin, une maison s’est effondrée causant la mort de trois personnes et en blessant cinq autres. Ce nouveau drame s’est produit trois semaines après qu’une autre bâtisse, toujours dans l’ancienne médina, ait subi le même sort. Cinq personnes y perdaient la vie dont trois issues de la même famille. Sans vouloir jouer les cassandre, l’option que surviennent d’autres incidents de ce genre n’est pas à écarter tant que le problème de la réhabilitation de ce haut lieu de l’histoire de Casablanca demeure sans solution et, de surcroît, victime des multiples renvois aux calendes grecques.
Un programme de réhabilitation de 300 millions de dirhams
Immédiatement après ce nouvel effondrement, le gouvernement, sur ordre du roi Mohammed VI, a mis en place une commission pour le recensement des habitations menaçant ruine à Casablanca et dans d’autres villes. Combien sont-elles ? A en croire les chiffres fournis par le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, Nabil Benabdellah, elles seraient au nombre de 114.000. Un chiffre qu’il a donné lors de son passage au parlement trois jours après l’affaissement, le 17 mai, d’une maison à l’ancienne médina de Casablanca.
Les drames du 17 mai et 9 juin ont, à coup sûr, remis en selle l’urgence de la réhabilitation de la médina. Et pourtant dès août 2010, une convention a été signée, en présence du roi Mohammed VI, entre le Fonds Hassan II, la direction générale des collectivités locales, l’agence urbaine de Casablanca et des associations locales pour justement la concrétisation de ce grand objectif qu’est la réhabilitation de ce lieu. Un programme auquel il a été alloué une enveloppe budgétaire de 300 millions dh, avec de grandes ambitions, bien entendu, à la mesure de son budget : mise à niveau du réseau d’assainissement, constructions de centres culturels, sportif et de santé ainsi que le renforcement des infrastructures.
Comme il est de coutume chez-nous, la gestion de ce programme a été confiée à un comité de pilotage présidé par le wali de Casablanca, le représentant du ministère de l’Intérieur et aux élus de la ville.
Deux ans après le lancement officiel de ce programme d’urgence dédié à la réhabilitation de l’ancienne médina de Casablanca, ses grandes ambitions n’ont pas encore vu le jour. Le problème des maisons menaçant ruine demeure toujours sans solution, preuves en est les drames du 17 mai et 9 juin.
L’avis de l’expert
Pour M’Barek Amer, juriste-urbaniste, auteur du livre «investissement, urbanisme et foncier», le problème des effondrements des habitations «est fondamentalement social que technique. Les gens ne souhaitent pas quitter leurs maisons. De leur côté, les responsables s’accommodent de cette situation et se plaisent dans le laisser-aller». Le fait qu’il y a «trop d’intervenants dans ce secteur ne favorise guère à une gestion saine de ce dossier. Nous avons la commune urbaine, le ministère de l’Intérieur à travers le wali, et l’agence urbaine. Chacun renvoie la responsabilité à l'autre camp», ajoute-il. Et la corruption. "A l'ancienne médina, son mauvais rôle demeure minime. En revanche dans les grands projets urbanistiques, elle est fortement présente", nous indique Amer.
Avant Casablanca, il y a Fès
La succession des effondrements des maisons à la médina de Casablanca est tout sauf un fait isolé au royaume. Bien au contraire, c'est un problème récurrent dans les villes impériales. Fès en est d’ailleurs le parfait exemple. Depuis le début des années 80, la capitale spirituelle tente de juguler la série des affaissements des habitations menaçant ruine sans enregistrer de grands succès. Et pourtant, l’ancienne médina de Fès est déclarée, depuis 1981, patrimoine universel par l’UNESCO. Un Comité de sauvegarde de médina de Fès avait, immédiatement, vu le jour. Plus de trente ans plus tard, des maisons continuent à s’effondrer à Fès.