Le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dont les premières informations sont présentées par le site 20 Minutes, laisse entrevoir une baisse notable des actes racistes entre 2019 et 2020, mais inquiète par la multiplication des actes anti-musulmans et anti-asiatiques dans la république.
En effet, les faits racistes recensés sont passés de 1 983 en 2019 à 1 461 en 2020, soit une baisse de 26,32%, qui laisserait entrevoir un réel impact des mouvements et politiques antiracistes et de leur meilleure exposition médiatique. L’année 2020 avait été marquée par l’internationalisation des causes, en témoigne la manifestation à Paris en hommage à Georges Floyd, tué par la police américaine. Le rassemblement avait été l’occasion de dénoncer les violences policières à travers le monde et surtout le racisme omniprésent. Pour que l’appel soit «entendu», non sans mal, par les autorités françaises, il aura malheureusement fallut que le fléau se montre sur l’hexagone, en partie avec l’agression de Michel Zecler.
Il faut aussi rappeler que l’année 2019 avait été particulièrement violente concernant les faits xénophobes et racistes. L’augmentation de près de 130% des actes recensés, par rapport à l’année 2018, et l’antisémitisme particulièrement marqué ces deux années, a sans doute poussé en 2020 à une intervention plus grande, du moins plus visible, des autorités. Le président Emmanuel Macron avait d’ailleurs souligné, à l’occasion d’une interview pour le média Brut, que le racisme est un «fléau, une maladie qui touche toute la société», appelant «à être intraitable sur ce sujet».
Les préjugés se meurent mais ne se rendent pas
En marge de son rapport annuel, la commission a effectué un sondage en ligne sur la base de ses protocoles habituels afin de déterminer la place des préjugés dans la société française. Si tous les préjugés perdent, plus ou moins, du terrain, certaines idées restent enracinées dans un imaginaire collectif. C’est le cas notamment des préjugés antisémites et xénophobes : 45% des sondés pensent que «les juifs ont un rapport particulier à l’argent» et 33% que «les enfants d’immigrés nés en France ne sont pas vraiment français», contre 48% et 40% respectivement en 2019.
Après sa participation à l’étude, Nonna Mayer, directrice de recherche émérite du CNRS au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE) de Sciences Po, a conclu qu’il y a «un lent et continu recul des préjugés en France». La chercheuse souligne que le changement générationnel, la hausse générale du niveau d’étude et la diversité croissante de la société française participent ensemble au recul des préjugés, ajoutant que «la norme antiraciste s’est imposée dans toutes les démocraties occidentales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, après l’Holocauste. C’est ce qui explique cette progression de la tolérance déclarée à l’égard des minorités». Soutenant cela, le rapport a noté un recul des actes antisémites de moitié entre 2019 et 2020.
Les actes anti-musulmans en hausse de 52%
Cependant, tous les préjugés n’ont pas connu un recul aussi marqué, les musulmans peuvent malheureusement témoigner du contraire les concernant. Parmi les sondés, 59% rapportaient que «l’islam est une menace contre la France», en très léger recul par rapport à l’année précédente (62% en 2019). Cette exposition des communautés musulmanes en France s’est ressentie notamment après la mort de Samuel Paty par des actes et menaces visant les mosquées françaises notamment.
Le débat national qui a entouré l’acte barbare ayant coûté la vie au professeur, accompagné de longs débats sur la loi sur le séparatisme de musulmans radicalisés a placé l’hexagone dans un climat propice à l’éclosion du germe islamophobe présent chez certains. La Commission a en ce sens soulevé le «contexte favorisant une stigmatisation des musulmans».
Après un confinement entre mars et mai 2020 faisant chuter naturellement le nombre d’actes, les faits visant les musulmans en France ont augmenté de 40% sur le dernier trimestre, pour un total de 52% sur l’année écoulée. Au total, les actes islamophobes - principalement des menaces - représentent 16% de l’ensemble des faits racistes relevés par le ministère de l’Intérieur et ses services, contre 8% en 2019.
Tendances des faits racistes en France, avec un hausse des actes anti-musulman depuis 2018 - CNCDH
Les asiatiques, victimes collatérales de la pandémie du racisme
Si la CNCDH n’a pas été en mesure de fournir des chiffres à l’appui, les chercheurs ont constaté «l’existence d’une composante anti-asiatique particulière au début de la propagation de la Covid-19 en France». Cette stigmatisation primaire s’arrête sur l’origine géographique de la pandémie pour en condamner de nombreuses communautés issues d’un continent riche de plusieurs centaines de groupes ethniques. Les chercheurs ont recommandé au gouvernement d’élargir les moyens de recherche pour mieux prendre en compte cette forme de racisme émergente.
La Commission s’est cependant appuyée pour soutenir ce phénomène sur des travaux externes, notamment de Simeng Wang et de ses paires. La sociologue du CNRS Simeng Wang a démontré que «30% des personnes interrogées […] déclarent avoir subi des actes de racisme (toute forme confondue) depuis janvier 2020, majoritairement dans l’espace public et les transports», les individus, outre avoir été accusés de contaminer les autres, ont parfois subi des privations de droits comme l’accès aux commerces et lieux de loisirs. Pas moins de 60% des personnes interrogées déclarant «avoir l’impression que les comportements racistes et les discriminations envers les personnes d’origine asiatique ont nettement augmenté».