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Grand Angle

L'infection au Covid-19 chez les femmes enceintes au Maroc

Dans une nouvelle étude, six médecins de l’Hôpital militaire d’instruction Mohammed V ont suivi 16 patientes enceintes et atteintes de Covid-19. Ils concluent qu'il n'existe pas encore de preuve suggérant que le développement d'une pneumonie Covid-19 au cours de la grossesse entraînerait des formes graves. Ils insistent sur le suivi de ces patientes doublement vulnérables.

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Photo d'illustration. / DR
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Classées à la base comme sujets vulnérables aux pathologies respiratoires et les pneumonies graves, les cas d’infection à la Covid-19 chez les femmes enceintes ont inquiété les gynécologues obstétriciens depuis le début de la pandémie. Au Maroc, le service de gynécologie-obstétrique à l’Hôpital militaire d’instruction Mohammed V et l’Université Mohammed V de Rabat se sont intéressés à ce sujet. Une étude a été menée à l’Hôpital militaire marocain Covid-19 de Benslimane, sur une période de trois mois, du 21 juillet au 21 octobre 2020.

Elaborée par les chercheurs Abdelhamid Benlghazi, Saad Benali, Yassine Bouhtouri, Moad Belouad, Hamza Massoudi et Jaouad Kouach, cette étude rétrospective a concerné 16 patientes enceintes, prises en charge pour une pneumonie Covid-19 audit hôpital. Dans un premier temps, les médecins ont procédé à un tri des dossiers répondant à des critères d'inclusion pour ressortir ceux en rapport avec une pneumonie Covid-19 chez une femme enceinte. Une fiche d'exploitation a été dûment remplie pour chacune d'entre elles avant qu’un logiciel soit utilisé pour les analyses statistiques, dans un second temps.

Des grossesses sans pneumonie grave ou décès

Selon les six chercheurs, «aucune des seize patientes n'avait développé de pneumonie grave ou n'était décédée», au 1er décembre 2020. De plus, «il n'existe actuellement aucune preuve suggérant que le développement d'une pneumonie Covid-19 au cours de la grossesse pourrait entraîner l'apparition des formes graves». Les données de cette étude indiquent, en effet, que la pneumonie Covid-19 de ces 16 femmes comprenait une fièvre, anosmie, agueusie, arthro-myalgie et l’asthénie, alors que les symptômes les moins fréquents étaient la toux, diarrhée, dyspnée et congestion nasale et on note la présence de deux cas asymptomatiques.

De plus, «l'état hémodynamique et respiratoire des patientes était stable à l'admission avec saturation en oxygène >92% chez l'ensemble des patientes». Sur le plan biologique, les chercheurs marocains ont observé «fréquemment une ascension des protéines de l'inflammation, une neutropénie (nombre anormalement faible de neutrophiles, un type de globules blancs dans le sang, ndlr) concernant surtout les lymphocytes et une thrombopénie (nombre de plaquettes sanguines circulant dans le sang est inférieur à 150 000 par microlitre, ndlr)». «Les bilans biologiques ont objectivé que la lymphopénie, la thrombopénie et la neutropénie sont également susceptibles de se produire», ajoute-t-on.

Dans leur étude, les six médecins indiquent que tous les accouchements ont été réalisés après guérison des patientes avec un test PCR négatif chez l'ensemble des patientes, les indications de césarienne ayant été «purement obstétricales». Mais ils concluent que l'infection maternelle périnatale «peut avoir des conséquences néfastes sur les issues obstétricales et sur les nouveau-nés entraînant notamment des détresses respiratoires, des anomalies biologiques, des accouchements prématurés et même un décès». Ils émettent aussi l'hypothèse que l'hypoxémie (faible taux d'oxygène dans le sang, ndlr) chez la mère puisse être responsable de l'hypoxie (manque d'apport en oxygène au niveau des tissus de l'organisme, ndlr) fœtale à la naissance et de l'accouchement prématuré».

«La prématurité a été notée dans deux cas, l’un pour prééclampsie (élévation de la pression artérielle se produisant au plus tôt au milieu du second trimestre, ndlr) et l'autre pour chorioamniotite (infection pouvant survenir pendant la grossesse et touchant le liquide amniotique ou le fœtus, ndlr) ainsi que la souffrance fœtale aigüe survenue au cours du travail chez des patientes déclarées guéries de COVID-19. On ne peut pas donc lier l'hypoxie fœtale directement au Covid-19.»

Accouchements et suivi chez les femmes enceintes Covid+

L’étude revient sur un certain nombre de conseils et d’observations émis par les six experts. Ceux-ci estiment que «les explorations radiologiques -notamment le scanner thoracique- et bien qu'elles ne soient pas obligatoires pour établir le diagnostic, peuvent être d'apport pour orienter la prise en charge et ne doivent jamais être évités en raison de la grossesse». Ils expliquent que «le pronostic vital maternel peut être mis en jeu dans les formes sévères». Dans ce sens, «une évaluation minutieuse de l'état clinique, la nécessité d'une hospitalisation, voire l'indication d'une admission dans une unité de soins intensifs (USI) peuvent être évalués à l'aide de scores cliniques dont les valeurs ont été adaptées à une population obstétricale».

Les experts suggèrent aussi que les patientes pauci ou asymptomatiques soient «suivies en ambulatoire moyennant des contrôles téléphoniques dans un but d'assurer la continuité du suivi durant cette période». Pour leur part, les patientes symptomatiques et qui présentent une défaillance notamment respiratoire, doivent être hospitalisées dans un service Covid-19 voire même en unité de soins intensifs.

L’étude revient aussi sur la nécessité d'un traitement anticoagulant préventif. Bien que cette utilisation soit «discutée», ses rédacteurs rappelle que «les bénéfices de ces traitements restent à prouver mais ces médicaments couramment utilisés au sein du centre hospitalier universitaire (sous surveillance stricte notamment des effets indésirables». Toutefois, ces traitements «présentent un profil pharmacologique rassurant durant la grossesse, sans effets tératogènes connus», rassurent-ils.

Enfin, les six experts estiment que «la voie d'accouchement ne devrait pas être influencée par la présence d'une infection à SARS-CoV-2, mais guidée par les indications obstétricales habituelles et l'état clinique de la patiente». «Les efforts expulsifs, [qui] peuvent être compromis par la gêne respiratoire, doivent être écourtés par l'utilisation d'un instrument (forceps, ventouse, spatule...)», ajoutent-ils en estimant que «le recours à une césarienne peut être indiqué chez les patientes qui présentent une détresse respiratoire».

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