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Grand Angle

Islam politique en France : Fausse menace mais vraie instrumentalisation

L’islam politique en France n’a pas terminé de faire parler et d’alimenter les débats. Mais les résultats des récentes élections régionales montrent une réalité très différente de ce qui est dit et entendu. Analyse d’un mouvement qui fait parler plus que raison.

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Image d'illustration. / DR
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«Les frères musulmans sont aux portes du pouvoir», avait affirmé Zineb El Rhazoui, journaliste et militante franco-marocaine, sur la chaîne publique française Public Sénat, à l’occasion de son audition par la commission d’enquête sénatoriale sur la radicalisation islamiste en janvier 2020. La journaliste a, pour l’occasion, fortement critiqué l’Association musulmane pour un islam de France (AMIF), «infiltrée» selon elle, avec les plus hautes sphères de l’Etat, par les Frères musulmans.

Les propos n’avaient pas manqué de faire réagir la toile et certaines idées ont la peau dure. Pas moins d’un an et demi après que la polémiste a sonné l’alarme de la pénétration des instances communautaires et politiques par des groupes extrémistes, ses propos sont toujours analysés, notamment après l’annonce des résultats des élections régionales françaises. Focus sur «l’islam politique» en France.

La grande menace qui fait pschitt

La grande offensive vient aujourd’hui sur Twitter, et c’est l’historien militaire, Cédric Mas, président de l'Institut action résilience spécialisé dans la menace terroriste, les atteintes à la paix publique et la subversion, qui frappe le plus fort.

L’historien s’est saisi des résultats des élections régionales pour analyser ceux des listes de l’«Union des démocrates musulmans français» (UDMF), qui a fait des résultats disproportionnément faibles, compte tenu de l’ensemble des «signaux d’alarmes» lancés depuis des années en France sur la communautarisation et la «menace islamiste».

Chiffres à l’appui, les listes de l’UDMF n’ont pas dépassé les 0,6% des votes exprimés en Île-de-France, 0,49 % dans le Grand Est, 0,33 % en Auvergne-Rhône-Alpes, et 0,12 % en Bretagne. Le flop est à la hauteur de la médiatisation des propos alertant sur l’islamisation de la France.

Le même jour, l’hashtag «burkini» remonte en troisième place des tendances Twitter en France. Le débat ressort quasi systématiquement chaque année depuis 2016, sans que ne soit vraiment annoncé combien de femmes sont concernées directement par le débat et souhaitant porter l’appareil.

Politiser l’islam en France, fausse bonne idée ?

Le malaise en France est palpable, la question de la place de l’islam pèse inéluctablement dans le débat public, étant traité encore et encore. Mais la fracture entre ce qui est dit dans les médias et ce que les musulmans français vivent est grande.

Sur une étude de 2017, 82% des musulmans français sont fiers de leur nationalité, dont 46% l’étant tout à fait. La même année 90% des sondés concernés déclarent aimer leur pays. Quant à leurs expériences négatives, 10% des sondés en 2018 déclarent avoir été exposés à l’islamophobie sur internet, et 7% avoir subis des violences physiques en raison de leur religion. Pour aller plus loin, le vote communautaire musulman en France ne semble pas gagner en importance.

Si l’Hexagone se compose au plus de 6 millions de musulmans (8,8% de la population) en 2018, les très faibles résultats électoraux des listes «communautaires» tant décriés démontrent une fracture entre l’islam politique et l’islam spirituel. Compte tenu du très fort taux d’abstention de 69% en Île-de-France, les votes exprimés pour la liste UDMF ne représente que 0,18% des inscrits.

Les musulmans en France ne se sentent donc pas représentés, concernés ou intéressés par les partis censés les représenter. Cela peut découler d’une préférence pour une pratique privée de la foi, éloignée de l’exercice du pouvoir, ce qui représente une culture de la pratique politique française traditionnelle, conforme aux prérogatives de laïcité. Les chiffres nous laissent penser que les musulmans de France ne semblent pas vouloir mêler ce qui est de l’ordre du privé et ce qui est de l’ordre du public, contrairement à ce que certaines analyses, largement relayées, pourraient laisser penser. Les groupes politiques musulmans en France ne parviennent même pas à se positionner efficacement sur une représentation plus juste des musulmans dans la République, et de rétablir leur vérité, souvent bien différente de ce qui peut être dit.

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