Menu

Grand Angle

France : Mise en examen de dirigeants de Nexa technologies (ex-Amesys), dont le Maroc est client

A la suite de révélations, depuis 2011, sur la vente d’outils technologiques à double usage pour la Libye et l’Egypte, une instruction a abouti à la mise en examen de quatre dirigeants de la société française Amesys, devenue Nexa Technologies. L’information judiciaire pourrait s’étendre aux cas de ventes à d’autres pays.

Publié
Photo d'illustration / DR.
Temps de lecture: 3'

Après plus de 8 ans d’instruction, le pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du Tribunal judiciaire de Paris a décidé de la mise en examen de quatre dirigeants Nexa Technologies (ex-Amesys) pour «complicité de tortures» dans le volet libyen de l’enquête, et pour «complicité de tortures et disparitions forcées» pour le volet égyptien. Pour cause, les deux entreprises sont soupçonnées d’avoir fourni une technologie de surveillance aux régimes des deux pays.

Cette information judiciaire est désormais étendue à des soupçons de vente de technologie de surveillance à l’Arabie saoudite. Il y a plusieurs années, l’Association des droits numériques (ADN) a révélé qu’en 2011, le gouvernement du Maroc avait lui aussi acheté à Amesys des infrastructures de surveillance lui permettant de censurer et de surveiller le trafic Internet.

Le Maroc parmi les clients de l’entreprise française

Au cours des Printemps arabes, Amesys aurait vendu «Eagle» aux autorités marocaines. Dit «projet PopCorn», l’achat des disques durs pour le stockage d’informations collectées par les services sur les réseaux de télécommunication aurait coûté près de 2 millions de dollars. Système de sondes appliquées sur les câbles et les routeurs de suivi, Eagle permet de dupliquer le trafic, peut le catégoriser et le ranger dans une base de données, a rapporté en 2013 le site Reflets.info, après les révélations sur le cas du Maroc.

En 2011 également, plusieurs médias internationaux ont révélé qu’Amesys avait vendu, en 2007, le système Eagle pour l’interception des communications au régime de Kadhafi, avec le soutien de l’ancien président français Nicolas Sarkozy. Décidées les 16 et 17 juin 2021, les récentes mises en examen portent uniquement sur le cas de la Libye et de l’Egypte. Elles font suite à deux plaintes déposées par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Dans un communiqué parvenu à Yabiladi ce mardi, les avocats de la FIDH se sont félicités d’«une formidable avancée, qui signifie que ce que nous constatons tous les jours sur le terrain, à savoir les liens entre l’activité de ces entreprises de surveillance et les violations des droits humains, peut recevoir une qualification pénale et donner lieu à des inculpations pour complicité».

L’entreprise pourrait être mise en examen en tant que personne morale

En octobre 2011, une première plainte contre Amesys a été déposée, sur la base de révélations du Wall Street Journal et de Wikileaks. «En 2013, la FIDH accompagnait des victimes libyennes du régime Kadhafi qui avaient témoigné devant les juges de la manière dont elles avaient été identifiées puis interpellées et torturées, après avoir fait l’objet de surveillance par les services de sécurité libyens», a indiqué l’ONG. A la suite des révélations du journal Télérama, en juillet 2017, la FIDH et la LDH ont déposé une dénonciation de faits pour la participation de l’entreprise, devenue Nexa Technologies, aux «opérations de répression menées par le régime al-Sissi, via la vente de matériel de surveillance». Dans ce processus, Amesys avait «changé de nom et d’actionnaires pour vendre ses services au nouveau pouvoir égyptien», selon la FIDH.

L’entreprise française s’en est défendue, au nom de la protection des intérêts de la France à l’étranger et de la lutte contre le terrorisme. Cet argument n’a pas empêché son placement, en 2017, sous le statut de témoin assisté «pour complicité d’actes de torture commis en Libye entre 2007 et 2011». Avocat et Président d’honneur de la LDH, Michel Tubiana a exprimé ses espoirs que cette «accélération tant attendue de la procédure judiciaire se poursuivra, et que les autorités françaises s’engageront résolument à prendre toutes les mesures pour empêcher l’exportation de technologies de surveillance ‘à double usage’ vers des pays qui violent gravement les droits humains».

La FIDH a souligné que ces mises en examen pourraient «précéder celle des deux entreprises en tant que personnes morales», ce qui serait une première. Ces nouveaux développements interviennent alors que le Premier ministre français, Jean Castex a annoncé lundi la création d’une commission parlementaire qui se penchera sur les exportations d’armement. Elle devra préparer un rapport annuel sur les biens «à double usage», civile et militaire. Cette décision a été prise samedi dernier, à l’issue d’une réunion avec les présidents des commissions de la Défense et des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Article modifié le 22/06/2021 à 20h41

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com