Menu

Grand Angle

Un livre raconte l'histoire des greniers agricoles de l’Anti-Atlas

«Les Agadirs de l’Anti-Atlas occidental» c’est le titre d’un nouveau livre qui vient de paraître au Maroc et qui met en lumière une partie du patrimoine architectural marocain inconnu au grand public, un patrimoine qui est en voie de disparition. Illustré de photos, de cartes et de vues satellite, cet ouvrage recense une centaine de greniers agricoles collectifs situés dans le sud du pays et qui ont servi jadis à stocker les produits agricoles. Un ouvrage indispensable aux MRE ou touristes nationaux et internationaux qui souhaitent découvrir l’Anti-Atlas autrement. Le livre est le fruit d’un long travail de recherche de 3 ans mené par trois géographes, dont deux Marocains. Interview avec l’un d’eux Mohamed Aït Hamza de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) de Rabat.

Publié
Le livre est disponible à la librairie Belles Images à Rabat et chez les Editions de la Porte. Le prix est de 750 dh.
Temps de lecture: 3'

Yabiladi : Rappelez-nous à quoi servaient ces greniers agricoles ?

Mohamed Aït Hamza : Les agadirs, que l’on appelle aussi igoudar ou igherman sont des bâtiments dédiés au stockage des vivres pour palier aux risques naturels et humains qui planaient sur la population. L’Anti-Atlas occidental englobe la majorité de ces lieux, mais ils existent aussi dans le Sirwa et dans le Haut-Atlas. Ils sont à l’origine, une réponse aux aléas climatiques, à l’instabilité socio-politique qui prévalait dans la zone. Outre leur rôle de lieu de stockage des denrées, ces greniers servaient de refuge où la population pouvait se sentir en sécurité. On y trouve aussi des actes et manuscrits (louhs), des ustensiles communautaires, des ruchers, des réserves d’eau ou encore des mosquées. L’agadir était traditionnellement géré par une assemblée (lajmaât) composée de garants représentant chacun un lignage.

Quelle est la particularité des agadirs marocains ?

MAH : Ils ont la particularité d’être, en général, construits sur des sites assez défensifs. Formés d’une ou plusieurs allées entourées de chambres sur un à 4 niveaux, l’agadir est facilement repérable dans le paysage. Le grenier type renferme des cases dédiées au stockage, une loge du gardien, la boutique du forgeron, une salle de prières et une ou plusieurs metfiyas, c’est-à-dire des citernes d’eau. L’usage de la pierre sèche, du pisé et du bois reste commun à tous les édifices.

Les populations de la région utilisent-elles toujours ces agadirs ?

MAH : La raison même de l'existence des greniers est entièrement liée à la gestion des risques. Ces derniers peuvent émaner des aléas naturels, mais aussi des incursions venant des ennemis. La disparition de ces raisons peut signifier, même-si ce n’est pas toujours le cas, la fin de ces institutions. Certes, la période des grands Caïds de l’Atlas a connu la destruction - reconstruction de plusieurs agadirs, mais le développement de la migration nationale et internationale, celui des communications et des échanges ont beaucoup nui à la préservation de ces bâtiments. Aujourd’hui, et après plusieurs siècles, force est de constater que de nombreuses unités fonctionnent encore presque normalement mais leurs jours sont comptés. 

Pourquoi les populations ne les utilisent-elles pas plus aujourd'hui ?

MAH : Aujourd’hui, la quasi-totalité des vivres n’est plus produite localement. La population s’approvisionne à partir des villes, des marchés locaux ou de la boutique du coin. Le grenier est souvent situé à l’écart des habitations. Le gardien, s’il existe encore, n’y habite que rarement et les femmes qui restent encore au village préfèrent avoir sous la main le nécessaire. 

Bon nombre de ces greniers tombent en ruine, pourquoi l'état ne les protège-t-il pas ?

MAH : La question est pertinente, mais elle peut aussi être posée autrement : pourquoi les ayants droit ne le font-ils pas ? Le grenier est une institution communautaire mais les cases qui le constituent ont un statut de propriété individuelle. Ce statut interdit toute intervention venant de l’extérieur. Ceci dit, un certain nombre d’éléments sont aujourd’hui pris en charge par des chercheurs, par la société civile ou par la Direction du patrimoine. Ils sont sujet à intervention et à une mise en tourisme, alors que cette dernière activité suscite de nombreux conflits. L’inscription de ces objets sur la liste du patrimoine national et international serait une piste potentielle pour les sauver.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com