Poumon économique du royaume, Casablanca, n’en est pas pour autant un poumon en bonne santé. Gangréné par le cancer de la pollution, l’organe principal de l’économie marocaine va mal. En cause : la pollution atmosphérique et la pollution-déchets ; deux tares qui étendent leurs métastases sur l’ensemble du tissu urbain.
En plus d'avoir «l'un des airs les plus pollués du royaume», cause de troubles respiratoires d'1/5ème de sa population, Casablanca peut se targuer d'être l'une des villes les plus sales du pays. Avec des trottoirs sur lesquels s’entassent des tas d’immondices, ou des terrains vagues transformés en dépotoirs à ciel ouvert, la Ville Blanche ne semble avoir de blanc plus que le nom.
Selon l’auteur Ouardirhi Abdelaziz, qui témoigne sur le site web Al Bayane, la raison de la saleté qui envahit la capitale est à imputer en grande partie à l’incurie des autorités de la ville qui ne «contrôle pas ce que font les agents chargés de l’hygiène, de la propreté et des ordures».
L’absence de structures suffisantes de ramassage et de traitement des déchets est une autre raison que M. Ouardirhi évoque pour expliquer le degré d’insalubrité de la «Maison Blanche».
Mais contrairement à M. Ouardirhi, par ailleurs affligé par la dégradation de sa ville, la majeure partie des Casablancais semble plutôt résignée par l'état d'impropreté permanent de leur ville. Et pour cause: la population sait que le seul moyen pour elle de voir disparaître les détritus des rues est d’attendre le passage d’une personnalité politique ; ou mieux même, le Roi.
«Quand les autorités de la ville se décident à nettoyer, c’est en général quand une personnalité est en visite dans la ville» témoigne l’étudiant Youness Negar, un habitant du quartier résidentiel Zkawa, dont les vidéos-témoins ont été retenues par l'émission «Les Observateurs» diffusée sur la chaine France 24.
Il est vrai qu’à chacun des passages du souverain dans la ville, les rues et les trottoirs sont rendus nickels, conséquence du branle-bas de combat de pelleteuses et de camions-poubelles qui s’activent pour tout nettoyer avant son arrivée.
Mais ce nettoyage en trompe-l’œil ne trompe personne. Pas Youness en tout cas.
«C’est un nettoyage de façade. En l’occurrence, s’ils ont nettoyé ces derniers jours c’est parce que le Roi Mohammed VI est en visite à Casablanca [ndlr. l’interview date du 16 mai, et le roi était de passage à Casablanca le 8 Mai]. Mais à quelques mètres de là, toujours sur le bord de la route, un grand terrain vague de 5 000 m2, situé à proximité d’écoles, est devenue une décharge depuis une dizaine d'années. Et aucune pelleteuse n’est jamais venue jusqu’ici.»
Un état-de-fait symptomatique d’une pratique courante dans les villes du royaume et qui consiste, pour les autorités locales, à préserver le regard royal des immondices pour se préserver elles-mêmes d’être jetées à la poubelle.