La sixième édition de la journée nationale de dépistage du VIH/Sida organisée le 12 mai dernier par l’Association de lutte contre le Sida [ALCS], a remis au goût du jour une problématique de fond concernant le Sida au Maroc. Les chiffres du ministère de la Santé révèlent que 80% des 29 000 personnes atteintes par le VIH ignorent leur séropositivité. L’ALCS note donc que «le nombre total de tests de dépistage effectués annuellement reste en deçà des besoins».
Zones reculées = zones oubliées
Pour Jamal Khalid, fondateur de l’association Le Jour, ces 80% de malades méconnaissant leur statut est dû au fait que le dépistage n’est pas proposé à toute le monde. Parce qu’on réalise le «dépistage dans des coins particuliers. On n’arrive pas au sommet des montagnes et dans les falaises. […] La montagne ou la campagne, Tout ça c’est oublié», a-t-il justifié mercredi lors d’une émission diffusée sur le site Survivreausida.net. «Un camionneur qui porte le virus pendant 4 ou 5 ans sans le savoir. On sait bien, les camionneurs ils sont dans les villages, ils vont partout, ils draguent partout. Alors imagine un camionneur et une vendeuse de sexe dans un village qui ne savent pas encore qu’ils sont malades. Dans 3 ou 4 ans, alors ces deux-là, s’ils font des clients, des clientes comme on dit, tous les jours, on compte les 365 jours, ça va faire beaucoup là», fait remarquer Jamal Khalid.
Etant lui-même PPVIH [Personne vivant avec le VIH] depuis 20 ans, M. Khalid juge «grave» que des personnes vivent avec le Sida sans le savoir et que rien ne soit fait pour apporter des précisions et sortir les gens de l’ignorance afin qu’ils se prennent en main. Pour lui, il faut des dépistages pour déterminer le vrai nombre de Marocains atteints par le VIH.
Le plan stratégique devrait suffir
Le ministère de la Santé, quant à lui, considère que les efforts sont fournis dans ce sens. «La dynamique du Sida au Maroc est une dynamique focale. Il faut savoir que le Sida n’est pas une maladie présente dans tout le pays. Elle se développe plus dans les régions où les conditions économiques sont favorables à transmission de la maladie comme Agadir, Marrakech, le Grand Casablanca. Les autres régions ne posent pas de problème en matière de Sida», assure le docteur Abderrahmane Benmoune, chef de la division des maladies transmissibles au ministère de la Santé, contacté par Yabiladi.
Le Dr Benmoune explique qu’en général au Maroc, les démarches de dépistage, «ciblent les professionnels du sexe, les hommes ayant des relations avec d’autres hommes, ce qu’on appelle les populations clés». Cependant, «le protocole qu’on est en train de développer permettra de généraliser le dépistage partout au Maroc», déclare-t-il, faisant allusion au plan stratégique de lutte contre le VIH lancé début avril par le ministère de la Santé. Ce programme prévoit la création de 30 centres de dépistage directement dans des centres de santé. «Nous avons parlé de 30 centre de dépistage, mais en réalité l’objectif est que dans tous les centres de santé du royaume, quel que soit la zone, il y ait un centre de dépistage, précise le Dr Benmoune. Afin que, poursuit-il, chaque personne qui souhaite se faire dépister aille dans un centre de santé pour le faire. D’autant plus que c’est un test rapide. Avec cela, la question de la proximité va être réglée».