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Grand Angle  

Avec le vote contre la participation des MRE, les partis politiques mis à nu

A la suite du vote, vendredi dernier, contre la participation politique des Marocains du monde, les membres de la coordination des partis à l’étranger ont estimé avoir été trahis par leurs propres formations. Selon eux, le rejet des amendement a été l’«heure de vérité» pour les parlementaires.

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Photo d'illustration / DR.
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244 voix contre, 8 abstentions et 18 voix. Voilà le résumé du peu d'estime des parlementaires pour la participation politique des MRE au Maroc. Vendredi dernier, ce vote au Parlement sur un amendement présenté par l’Istiqlal aura signé une nouvelle fin de non reçevoir aux Marocains du monde pour prendre part aux élections de manière directe, non seulement en tant qu’électeurs mais aussi en tant que candidats éligibles.

Participant mercredi à l’émission «Faites entrer l’invité spéciale MRE» sur Radio 2M, en partenariat avec Yabiladi, des responsables de partis marocains à l’étranger et des acteurs associatifs ont fait part de leur déception de voir un droit constitutionnel massivement rejeté par les élus. Un droit qui avant même la constitution de 2011, avait été souligné lors d'un discours royal daté de 2005. 

Cette fois-ci, l’amendement rejeté devait permettre solennellement aux MRE de prendre part aux prochaines élections législatives, avec la possibilité de leur donner accès à deux listes – consacrées au MRE et aux jeunes – sur les 12 régionales.

Des calculs politiques entre partis sur les amendements de chaque formation

Responsable PJD France, Mohamed Tafraouti a ainsi fait part de sa «grande déception», surtout que les acteurs politiques marocains à l’étranger ont été «rassurés après les rencontres faites avec les partis» en janvier, ce qui a donné «une lueur d’espoir». Il a souligné que ce vote est aussi venu «dans un contexte particulier», où le débat sur le quotient électoral a pris le dessus sur tous les autres amendements.

Dans ce sens, Tafraouti estime que le rejet de l’amendement présenté par l’Istiqlal «est une réponse politique» au fait que la formation ne se soit pas associée à celui sur le quotient.

«Si les partis du gouvernement avaient voté pour l’amendement sur le droit de vote comme ils l’ont fait pour le quotient électoral, le texte aurait pu passer. Malheureusement, l’Istiqlal qui a proposé cet amendement s’est retrouvé au vote tout seul.»

Mohamed Tafraouti - PJD-France

Intervenant également au cours de l’émission, Salah-Eddine El Manouzi, membre du bureau politique USFP, vivant à Amiens (France), a fait part de la même amertume, considérant que ce rejet est aussi «une réconciliation ratée». «Le rapport de l’Instance équité et réconciliation a insisté sur la réconciliation avec les Marocains du monde», a-t-il rappelé, voyant dans ce vote la «responsabilité des partis politiques engagée». Ce rendez-vous a constitué «une heure de vérité» pour les parlementaires.

Pour l’associatif Salem Fkire, président de CapSUD MRE en France, ce rejet «n’est que la nième procédure qui constitue une suite logique des différents rejets qu’il y a eu depuis 2011». Il sape également «toutes les initiatives prises par les responsables associatifs qui ont investi leurs efforts, leur argent et leur énergie pour que le droit de vote revienne aux MRE par patriotisme».

«Nous avons fait des démarches directes envers les parlementaires pour leur montrer l’intérêt de ce droit de vote», a-t-il souligné, rappelant les conventions signées entre 2011 et 2013 avec quatre partis (PPS, PJD, PAM et Istiqlal) favorables au droit de vote des MRE.

Salem Fkire pointe la volonté des partis politiques de ne concéder aucun siège aux MRE, car cela se ferait au détriment des lieutenants de leurs formations politiques. «Les secrétaires généraux de ces partis ont signé et validé ces conventions, mais ils ont peur pour leurs sièges», a-t-il déploré, indiquant que la diminution du nombre de siège et la régionalisation des listes ont réduit le nombre de fauteuils habituellement disputés. De ce fait, les places sont devenues de plus en plus ‘chères’.

Des élus peu sensibles aux droits civiques des MRE

Acteur associatif à Paris et membre du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), Mohamed Moussaoui a lui aussi souligné que «pris individuellement, les partis étaient tous d’accord sur le principe [de la participation des MRE]. Mais au moment du vote, ils n'ont vu que leur intérêt électoraliste».

Dans ce sens, il a déploré que les MRE nintéressaient que «très peu» les partis. En témoignent les statistiques d’une étude réalisée en 2018 par le CCME sur la législature 2011-2016, pour connaître le bilan des parlementaires vis-à-vis de la question. «Nous avons vu un grand désintérêt et seules 0,67% des questions posées par nos députés ont porté sur les MRE», a-t-il affirmé. La majorité de ces questions ont été «posée à l’occasion des vacances estivales et la moitié seulement a obtenu réponses».

Pour Moussaoui, les chiffres sont évocateurs non seulement d’une absence d’intérêt, mais aussi d’une absence de volonté politique et d’un «attentisme» regrettable. «On attend à chaque fois qu’un discours royal redonne la priorité à la question pour que les partis fassent des propositions», a-t-il encore déploré.

«Il y a un refrain qui remonte et qui dit que la question du droit de vote est une question souveraine, qui ne dépend pas beaucoup des partis politiques. Pour moi, c’est une déresponsabilisation ; une manière de jeter la responsabilité sur d’autres départements comme le ministère de l’Intérieur, partant de l’idée que l’on n’a pas le feu vert d’autorités plus hautes, nous ne pouvons nous saisir de la question.»

Mohamed Moussaoui

Cette conviction, pour les invités de l’émission, est trahie à travers le vote de vendredi dernier, qui a permis de donner aux partis la possibilité de se prononcer directement sur la question. «Leur vote montre leur refus eux-mêmes du droit des MRE à participer aux scrutins», a indiqué Moussaoui.

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