Ce 10 mai 2012 se tenait en Algérie des élections législatives visant à reformer l’APN (Assemblée Populaire Nationale) dont les membres arrivaient au terme de leurs cinq années de mandat. C’est ainsi que près de 43% des Algériens se sont rendus aux urnes pour réélire les 462 députés qui la composent.
Grand vainqueur de cette élection, le parti de la majorité présidentielle, le FLN (Front de Libération Nationale), s’en sort avec 220 des 462 sièges, soit une quasi-majorité absolue (46,90%). Il est suivi d’assez loin par l’autre parti de la majorité présidentielle, le RNC (Rassemblement National Démocratique), qui obtient pour sa part 68 sièges (soit 14,49% des sièges). L’AAV (Alliance de l’Algérie Verte), coalition politique de trois partis islamo-conservateurs (MSP, Ennahda et Islah) arrive, quant à elle, à la troisième place, avec 48 sièges (10,23%). Clôturent ce top 5 des partis les plus représentés le Front des Forces Socialistes, avec 21 sièges (4,47%), et le Parti des Travailleurs, avec 20 sièges (4,26%).
La victoire du FLN entachée par des suspicions de fraude
En dépit d’un taux de participation plus fort qu’en 2007 (35,97%), ce ne sont que 43% des Algériens qui se sont rendus aux urnes jeudi dernier. Cette démobilisation importante de la population algérienne peut être en partie imputée au manque de confiance – à la défiance même – des électeurs vis-à-vis de l’Etat et du mode de fonctionnement de son appareil politique.
D’ailleurs, de nombreux partis, à commencer par ceux de l’Alliance Verte, ont à peine attendu de découvrir leur score qu’ils dénonçaient déjà «une grande manipulation des résultats» en faveur des partis de l’administration (en d’autres termes, le FLN et RNC).
Ces suspicions paraissent néanmoins peu vraisemblables au regard du déroulement «sous haute surveillance» du scrutin. En effet, à la demande expresse de l’Etat algérien, un comité de 500 observateurs de l’UE, de l’ONU, de l’OCI, et de l’UA avait été dépêché sur place pour garantir la transparence et la visibilité de l'ensemble du processus électoral.
Quid des conséquences sur l’avenir des relations diplomatiques Maroc-Algérie ?
Malgré leur enjeu, notamment leur portée sur le devenir des relations diplomatiques maroco-algérienne, les législatives algériennes n'ont encore fait l'objet d'aucune «effusion» de la part de Rabat. Près d’une semaine après leur tenue, l’omerta semble d'ailleurs être toujours de mise au sein de la capitale. D’aucuns pensent que ce silence volontaire et prolongé est une façon pour le gouvernement marocain d’appliquer, à son tour, le principe de réciprocité : en effet, Alger avait attendu une semaine avant de se prononcer au sujet des législatives marocaines en septembre dernier.
En attendant les réactions attendues des représentants du gouvernement, la rédaction de Yabiladi a voulu savoir si le Maroc avait quelque chose à craindre d’un maintien du statu quo antes dans la gouvernance politique algérienne.
Pour ce faire, nous avons contacté le Ministère des Affaires Etrangères. Le chargé de communication, M. Hassan Abassi a relayé les félicitations du ministre à l’endroit de M. Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général du parti vainqueur des élections, le FLN. M. Abassi a déclaré que «l’absence de changement majeur» dans la composition de l’APN laissait présager d'une «continuité favorable à la poursuite des chantiers en cours entre le Maroc et l’Algérie», notamment celui d'un rapprochement diplomatique bilatéral sur la question du Sahara occidental.
Un optimisme qu'est loin de partager le sociologue et politologue marocain, M. Mohammed Darif. Selon ce dernier, c’est plutôt à «une continuité du double-discours» dans les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Algérie à laquelle il va falloir s’attendre avec la reconduite de la majorité présidentielle (FLN et RNC) à la tête de l’APN. Ce «double discours» , M. Darif le définit par son ambivalence constante avec d’un côté, les déclarations d’intentions officielles, optimistes et positives, entre les deux Etats et de l’autre, le maintien officieux de positions fermement antagonistes, notamment sur les questions du Sahara Occidental et de la lutte contre le terrorisme.
Selon lui, le «changement dans la continuité» de la gouvernance politique algérienne ne présage aucun adoucissement futur des tensions tacites opposant les deux frères ennemis.