Parce que le féminisme n'est pas (qu')une affaire de femmes (ça va sans dire mais ça va mieux en le disant), et surtout pour sortir de cet essentialisme qui ne voit dans les hommes arabes/musulmans que les gardiens obstinés d'un patriarcat immuable, un hommage aujourd'hui (ndlr, texte publié le 8 mars) à deux hommes qui ont compris, il y a longtemps déjà, qu'il ne pouvait y avoir de société politique libre sans femmes libres.
Le premier, Tahar Haddad, formé à la Zaytouna, militant syndicaliste tunisien, a écrit en 1930 un ouvrage de référence, «Notre femme dans la loi et dans la société», dans lequel il en appelle à une rupture avec une pensée traditionnaliste qui justifiait, par la religion essentiellement, les injustices faites aux femmes.
«Le devoir nous appelle, aujourd’hui plus que jamais, à sortir la femme de cet obscurantisme des siècles passés et à la considérer comme un membre vivant et un comparse égal à nous (les hommes) dans la vie, à la mesure de ses possibilités qui s’accroissent par la culture et l’enseignement.»
Ses idées et notamment son plaidoyer pour l'éducation des femmes, fortement combattus alors par les conservateurs, seront pour beaucoup repris dans le code du statut personnel de 1956 en Tunisie.
En Egypte, il y a plus d'un siècle
Le second, c’est l’égyptien Qasim Amin, auteur de deux ouvrages, «La Libération de la femme» (1899), et «La femme nouvelle» (1900). Si dans le premier il se montre encore prudent, essayant de puiser dans le référentiel traditionnel des arguments pour l’émancipation des femmes, dans le second en revanche il assume une franche rupture, une sorte de tournant laïc, et cherche ses critères de libération non plus dans les préceptes islamiques fondamentaux, mais dans les concepts de liberté, de progrès, ou de civilisation. Et comme Tahar Haddad, il juge l’évolution d’une société selon le traitement qu’elle réserve à ses femmes.
«Le statut des femmes est inséparablement lié au statut de la nation. Lorsque le statut d'une nation est bas, ce qui implique le caractère non civilisé de cette dernière, le statut des femmes est lui aussi minime, et lorsque le statut d'une nation est élevé, impliquant son avancement et son caractère civilisé, le statut des femmes de ce pays est lui aussi élevé.»
A bon entendeur....!