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Grand Angle

LGBTQI+ : 2020 a été une «année éprouvante» pour la communauté queer au Maroc [rapport]

Dans son rapport 2020, le collectif Nassawiyat déplore que la crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus ait été aggravée par une campagne d’outings visant les personnes homosexuelles au Maroc. Il fait ainsi état de violences institutionnelles, sociales et familiales ayant visé ces personnes.

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Des militants pour les libertés individuelles au Maroc, lors d’une manifestation à Rabat en juin 2016. / Ph. Aic Press
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La crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus a affecté à degrés différents toutes les composantes de la société marocaine. Elle a été «particulièrement rude pour la communauté queer marocaine», indique cette semaine le collectif Nassawiyat. Intitulé «Être Queer aux Temps de Corona», son rapport se veut un moyen pour «documenter, soutenir, plaider et informer» sur la situation de la communauté LGBTQI+ au Maroc, à la lumière de la crise sanitaire.

Ainsi, le collectif, qui a mené une série d’entretiens avec des membres de la communauté LGBTQI+ au Maroc et 9 organisations et groupes LGBTQI+ différents pour l’élaboration de ce rapport, y affirme que la pandémie de la Covid-19 a notamment causé «de graves problèmes financiers pour nombreux queers marocains». Ceux-ci «ont perdu leurs emplois pendant cette période, alors qu'il est déjà difficile en temps normal pour ceux et celles-ci d’en trouver un compte tenu de l'homophobie latente et le manque de protection juridique», dénonce le rapport.

Une crise aggravée par la «douloureuse campagne d’outings»

Des violences, de la discrimination et des abus considérables ont ainsi été signalés. «Le fait que les déplacements interurbains étaient limités a gravement entravé la capacité des Marocains queers à quitter les environnements abusifs dans lesquels ils/elles étaient contraints de vivre», ajoute le document.  

Cette situation a été surtout aggravée par le fait qu'une «douloureuse campagne d’outings» était en cours pendant la pandémie. A l’invitation d’une influenceuse trans sur les réseaux sociaux, des personnes hétérosexuelles avaient téléchargé des applications de rencontres queer dans l’unique but d’obtenir l’identité des personnes queer à proximité mais aussi de leur demander des photos afin de les envoyer à autrui et les publier dans des groupes sur les réseaux sociaux (principalement Facebook), rappelle Nassawiyat.

De ce fait, «de nombreux queers marocain.es ont été démasqué.es sur ces pages odieuses, et leur orientation sexuelle ou identité de genre ont été découvertes par des voisins, des amis, des membres de la famille...», déplore-t-on.

«De nombreuses victimes de cette campagne ont souffert de différentes formes de chantage, ont été licenciées, menacées et même expulsées de leurs maisons, et au moins un marocain homosexuel s'est suicidé à la suite de cette sortie.»

Rapport du collectif Nassawiyat

Des violences institutionnelles, sociales et familiales

Le rapport dénonce aussi une «violence institutionnelle de la part des autorités», en citant le cas d’A.N., jeune artiste marocain ayant décidé de porter plainte contre Sofia Taloni en se rendant dans un poste de police de Sidi Kacem, avant d’être «arrêté et gardé en détention pendant 2 jours au cours desquels ses droits ont été refusés à plusieurs reprises». En octobre dernier, A.N. a été condamné par un tribunal à quatre mois de prison avec sursis et à une amende de 1 000 dirhams pour «manque de respect à un policier dans l'exercice de ses fonctions» et «violation de l'état d'urgence sanitaire». «Son cas montre à quel point la police est une source de violence et de discriminations supplémentaires pour les communautés homosexuelles au Maroc», ajoute le rapport.

De plus, aux violences sociales de la part des familles qu’ont subi les personnes homosexuelles au Maroc pendant cette période, le rapport de Nassawiyat dénonce aussi une «violence sociale provenant des médias» en citant le cas d’Adam Muhammed, auteur de la plainte dans le cadre de l’affaire Soulaiman Raïssouni. Pour le collectif, il a «dû faire face à un énorme contrecoup», des médias ayant partagé sa photo, son compte Facebook personnel, son nom légal complet, son adresse et ses photos.

Le rapport met enfin en avant l’élan de solidarité au sein de cette communauté, rappelant que «de nombreux groupes de la société civile LGBTQI+ ont été en première ligne pour répondre non seulement aux cas d'individus queers qui ont été touchés par la pandémie de la Covid-19, mais aussi aux survivant.es de la violence des outings et des campagnes aux discours haineux».

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