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Interview

Casablanca : Aux origines du bras de fer entre la Fondation Ytto et la préfecture [Interview]

Najat Ikhich, présidente de la Fondation Ytto pour l’hébergement et la réhabilitation des femmes victimes de violence, a annoncé hier avoir entamé une grève de la faim, après avoir reçu une lettre de la préfecture d’Ain Sbaâ-Hay Mohammadi, lui ordonnent d’évacuer un des centres qu’elle gère depuis des années. Elle revient avec Yabiladi sur les raisons de cette grève.

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Najat Ikhich, présidente de la Fondation Ytto pour l’hébergement et la réhabilitation des femmes victimes de violence. / DR
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Quelle est l'origine du problème qui vous a poussé à entamer une grève ouverte de la faim ?

En 2008, je cherchais un centre pour l'association, et j'ai visité avec le représentant de l’Entraide nationale, un terrain au milieu d'un quartier populaire. Depuis, je me suis personnellement engagé pour sa construction et j’ai travaillais comme si je construisais ma maison. Les travaux ont duré de 2009 à 2013. Avant le début des travaux, nous avons signé un accord avec la préfecture d'Arrondissement Ain Sbaâ-Hay Mohammadi pour reprendre le centre. En 2013, nous avons signé un accord pour recevoir les équipements du centre et en 2014 nous avons reçu les clés. Depuis, nous y travaillons.

Avec le début de la propagation du coronavirus, le service social de la préfecture nous a contactés pour accueillir dans le centre des femmes sans domicile pendant la période du confinement. En principe, on ne pouvait que le placer à la disposition de ces femmes sans-abri. Mais les autorités ont mandaté deux associations et les ont assignées à gérer les affaires des sans-abri. Nous avons décidé de laisser une gardienne, pour assurer le bon déroulement durant la nuit.

Nous avons subi des insultes de manière récurrente et indescriptible par les membres des deux associations, avec des termes vulgaires. Malgré cela, nous avons pris sur nous et sommes restés patients. Mais en octobre, nous avons découvert que la convention avec l’une des deux associations a été rompue, à cause de malversation, alors que l'autre association a continué de gérer le dossier des femmes sans-abris.

N'avez-vous pas tenté de communiquer avec la préfecture ?

Depuis octobre, je demande à rencontrer le gouverneur. J'ai appelé son bureau, le service social, le Pacha et le Caïd. Personne n'a donné suite à mes demandes. Je devais rencontrer le gouverneur il y a plusieurs semaines, mais avec les inondations de Casablanca, la réunion a été annulée. Vendredi, j'ai reçu une lettre de la préfecture qui nous demande de faire l'inventaire de tout le matériel du centre et de le remettre à l'association que nous avons accueillie. Une date limite a été fixée au 22 février pour mettre en œuvre ce qui a été déclaré dans la correspondance.

Quelle a été votre réponse ?

J'ai refusé de signer l’accusé de réception de la correspondance, car j'ai considéré que c'était injuste à notre égard. Nous ne pouvons pas quitter le centre sans nous asseoir avec le gouverneur puisque la convention signée avec la préfecture énonce qu’en cas de problème, ce dernier doit être résolu par des moyens consensuels et le cas échéant, s'adresser au ministre de l'Intérieur pour l’arbitrage. Mais ils ne s'y sont pas conformés et nous ont donné deux jours pour quitter les lieux.

J'ai appelé les services sociaux de la préfecture et ils m'ont dit que cette décision venait du gouverneur, que j’ai appelé aussi, en vain. J’ai donc décidé d'entamer une grève ouverte de la faim, sur les lieux, jusqu'à ce que les choses soient réglées et qu’on accepte de discuter avec moi. C'est une injustice pour la Fondation Ytto, qui n'est pas seulement une association de quartier, mais une association nationale avec des récompenses internationales et une crédibilité à différents niveaux.

L'accord signé avec la préfecture prévoit-il une date précise pour la fin de la convention ?

Le partenariat signé n'est pas limité pour une période et nous ne connaissons pas la raison du refus du gouverneur de nous rencontrer. Nous étions en train de préparer un rapport sur le harcèlement dont nous avons été victimes par l'association qui va gérer le centre. Ce qui nous intéresse, c'est la réputation du travail de l'association dans la zone et j'ai des preuves de violence à l’encontre des résidentes du centre.

Les bénéficiaires nous appellent et nous disent qu’elles ont été empêchées d'accéder au centre par l’autre association. Elles dénoncent le fait que la préfecture a mis des femmes sans-abri dans le centre pour les chasser.

Hier, j'ai passé la nuit dans le centre. Je suis retourné chez moi ce samedi pour chercher des documents, et je retournerai sur place à partir de demain pour y rester jusqu'à ce que le problème soit résolu.

Le chef du service social de la préfecture m’avait déjà déclaré que le centre ne fonctionnait pas comme avant. Je n’avais pas compris ce qu’il voulait dire, sachant que l'ancien chef du service avait précédemment fait l'éloge de notre travail. Le gouverneur lui-même avait précédemment reconnu à plusieurs reprises le travail que nous menons.

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