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Grand Angle

Diaspo #179 : Abdelghani El-Kacimi, investir dans l’économie du savoir pour transformer le monde

Ingénieur de formation, Abdelghani El-Kacimi est un touche à tout : électronique embarquée, intelligence artificielle et objets connectés. Il vient de lancer un projet au Maroc pour mettre à disposition son savoir-faire et les moyens matériels avec l'ambition d'accéder un jour à «une indépendance technologique».

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Abdelghani El-Kacimi avec Hajar Mousannif, Professeure et coordinatrice du Master Data Science Département d’Informatique à l’Université Cadi Ayyad. / DR
Temps de lecture: 4'

Depuis lundi, une plateforme numérique, unique à l’échelle mondiale et accessible à tout le monde, permettant à n’importe quelle entreprise et personne de faire une mise à jour de son appareil connecté. Un pas qui changera beaucoup de choses, initié par la compagnie «FotaHub inc.» du Marocain Abdelghani El-Kacimi. Il s'agit surtout de permettre à tout le monde de profiter des technologies qu’il développe depuis des années.

Né au Maroc dans le petit village de Ouagrar, dans la région d’Ouazzane, cet homme d’affaires a passé toute son enfance dans le pays. Son baccalauréat décroché en 1989, il choisit d'aller en Allemagne. Il y suivra ses classes préparatoires, puis l’école d’ingénieurs de l’université de la Ruhr à Bochum. «Forcément, lorsqu’on arrive dans un pays, il y a des défis à surmonter. J’avais 17 ans lorsque je suis arrivé en Allemagne, je ne parlais pas l'allemand et comme souvent pour les étudiants étrangers il y a les soucis financiers, etc.», confie-t-il à Yabiladi. Issu d’une famille modeste, composée d’un père exerçant en tant que professeur, d’une mère au foyer et de sept petit frères et sœurs, Abdelghani El-Kacimi était persuadé que «celui qui travaille fini par y arriver». Il était aussi conscient que «le vrai défi est plutôt de trouver l’idée innovatrice qu’on peut suivre et répondre à la question : qu’est-ce que je peux faire pour contribuer au changement de ce monde ?».

Et c’est exactement ce qu’il tentera de faire durant ses vingtaines d’années de carrière. Après avoir terminé ses études en 1998, il effectue «un petit passage» d’un an et demi à l’institut de recherche de renommé mondial Fraunhofer IIS spécialisé dans le design des circuits intégrés, à la division d'automatisation de la conception. Il est ensuite embauché par Texas Instruments, une entreprise d'électronique américaine renommée dans le domaine de développement et industrialisation des composants électroniques et des semi-conducteurs, pour occuper le poste de designer des circuits intégrés. Son penchant pour les applications et le marketing fait alors naître chez lui un «esprit entrepreneurial».

«Je devais convaincre les clients d’utiliser les produits Texas Instruments et je voyais leurs problèmes et comment ils débutent. Je disais donc si eux ils osent entreprendre, pourquoi pas moi ?»

Abdelghani El-Kacimi

L’informatique dans le monde de l’électronique embarquée

Cinq ans plus tard, il quitte le géant américain pour une start-up, Monolithic Power Systems MPS, basée en Californie. «C’était une entreprise qui venait de quitter le garage où elle a été créée pour déménager dans ses premiers vrais locaux professionnels. J’y suis resté trois ans car je me suis dit qu’il fallait travailler avec eux pour apprendre l’entrepreneuriat», se rappelle-t-il. Le Marocain, en quête de nouvelles opportunités, acquiert par la suite des parts dans la société allemande, Itemis AG, au sein de laquelle il deviendra actionnaire puis directeur général. Poursuivant son ambition de changer le monde, il tente aussi de «fédérer le monde de l’informatique embarquée et industrielle et le monde de l’informatique classique».

Abdelghani El-Kacimi avec des responsables d'Itemis dont il est le directeur général. / DRAbdelghani El-Kacimi et les autres cadres d'Itemis. / DR

Car pour cet ingénieur de formation, le gap existant entre l’esprit d’analyse d’un ingénieur informaticien et d’un ingénieur électronicien est énorme et constitue «l’un des plus grands freins pour le développement industriel du fait que ces deux mondes ne se comprennent pas». Pour résoudre cette problématique, Abdelghani El-Kacimi se lance alors dans les technologies pointues de l’électronique embarquée. Des technologies grâce auxquelles son entreprise devient, 9 ans plus tard, «leader mondial dans la conception de systèmes électroniques complexes».

Et en 2017, il se lance alors dans le développement de la plateforme FotaHub. «Plusieurs milliers d’heures de travail ont été effectuées. Je me suis dit que ce service est tellement innovant qu’il mérite une société dédiée. J’ai donc fait un spin off de la société que je gère pour créer une entreprise séparée et indépendante au Delaware, aux Etats-Unis», explique-t-il. En utilisation chez un certain nombre de clients en mode privé, elle est depuis lundi ouverte au grand public.

Entre temps, Abdelghani El-Kacimi n’a pas oublié son pays d’origine auquel il reste très attaché. En 2011, il répond présent quand le gouvernement crée les premiers clusters, pour diriger pendant une année celui de la microélectronique et réfléchir comment «créer un pont entre le monde académique marocain et le monde industriel».

Investir dans l’économie du savoir et assurer la relève

Mais ce qui anime ce Marocain, c’est sa conviction que l’économie du savoir-faire est celle sur laquelle le Maroc doit miser durant ce siècle. «Nous avons pris beaucoup de retard par rapport aux Asiatiques et aux Américains du Sud. Mais dans notre région MENA, que ce soit pour les pays arabes ou l’Afrique, nous avons encore une avance qu’il faut garder», estime-t-il.

«Nous pouvons être leaders de l’économie du savoir-faire en Afrique et s’y positionner en tant que pionner de la technologie. C’est quelque chose qui me préoccupe et dans lequel j’aimerai investir et donc autant commencer dans mon pays.»

Abdelghani El-Kacimi

C’est dans ce contexte que son entreprise FotaHub a décidé d’investir dans le premier robot marocain Chama. En plus de cet investissement d'un million de dirhams, l’entreprise s’est également engagée auprès de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech. «A travers elle, les autres universités marocaines peuvent plonger dans le monde de l’intelligence artificielle et des objets connectés et être en mesure de faire du travail collaboratif entre universités et chercheurs tout en passant par une plateforme mondiale créée par un Marocain», explique-t-il fièrement. Via son entreprise, l’homme d’affaire compte aussi «mettre à la disposition de toutes les universités marocaines des calculateurs nécessaires pour cette formation».

Abdelghani El-Kacimi (g). / DRAbdelghani El-Kacimi (g). / DR

«Il faut fédérer les entrepreneurs dans notre pays autour de l’idée de l’investissement dans le savoir-faire. J’ai investi plusieurs millions de dollars pour arriver là où je suis. J’aurais peut-être mieux dormi si j’avais eu un investisseur au départ me proposant de faire le travail et m’assurer le financement.»

Abdelghani El-Kacimi

Pour Abdelghani El-Kacimi, le défi actuel reste d’«assurer la relève». «J’ai 49 ans et j’ai travaillé pendant plus de 20 ans pour arriver à ce niveau. J’espère que ça ne finisse pas juste avec une simple réussite personnelle, je souhaite que ce savoir-faire soit transmis à d’autres compatriotes ambitieux. J’aimerai dans les prochaines années pouvoir contribuer à la création de richesse de mon pays et participer à faire naitre une indépendance technologique», confie-t-il. «Le savoir est la seule matière première inépuisable à force que nous nous y investissons», conclut-il.

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