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Grand Angle

Atlantic Beach : Le président de l’Amicale en détention et des juges suspendus

Condamné en première instance à dix ans de prison ferme, le président de l’Amicale du projet Atlantic Beach à Mansouria a interjeté appel. Après la liberté provisoire, il est finalement poursuivi en détention. Les juges ayant décidé de le relâcher ont été suspendus, mais les victimes exigent des enquêtes approfondies.

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Précédent sit-in d'une partie des victimes du président de l'Amicale d'Atlantic Beach à Mansouria - photo d'archive / DR.
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Trois juges de la Cour d’appel de Casablanca ont récemment été suspendus de leurs fonctions, après avoir fait bénéficier le président de l’Amicale du projet immobilier d’Atlantic Beach à Mansouria de la liberté provisoire, en janvier dernier. La décision a été prise dans le cadre du recours du concerné contre un verdict du tribunal de première instance de Benslimane, qui l’a condamné à dix ans de prison ferme. Selon des informations obtenues par Yabiladi, l’un des magistrats aurait reçu «la somme de 6 millions de dirhams sur son compte bancaire, peu après la remise en liberté du concerné, sans pouvoir en justifier la provenance».

Président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Benslimane, Mohamed Metlouf a confirmé à Yabiladi que «les trois juges ne président plus d’audiences pour le moment, pour des soupçons sur les circonstances de prise de leur décision de libération», qui a versé officiellement une caution de 110 000 dirhams. C’est la mesure administrative à leur encontre qui expliquerait le changement de la commission des magistrats en charge du dossier en appel. Selon nos informations également, «un écrit officiel leur a notifié leur suspension», d’autant plus que la remise de liberté «ne s’est basée sur aucune preuve matérielle concrète».

Des centaines de victimes au Maroc et ailleurs

A l’issue de l’audience du 28 janvier, c’est la nouvelle équipe qui a décidé d’ordonner le replacement en détention préventive du concerné. «Au cours de cette séance, nous avons effectivement remarqué que de nouveaux juges ont été chargés de l’affaire», a confirmé à Yabiladi Khadija, l’une des victimes du projet démaré en 2013 et membre de l’Amicale. La décision de leurs prédécesseurs a conduit les plaignants, plus de 600 et dont de nombreux Marocains à l'étranger, à tenir un sit-in. En effet, ils disent ne pas avoir saisi la justice uniquement pour «non-respect des clauses du contrat de vente».

Au cours de l’édition 2019 du Salon immobilier marocain de Paris (SMAP Immo), des victimes parmi les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont organisé des protestations pour appeler à la condamnation des mis en cause. Selon le président de l’AMDH à Benslimane et l’acheteuse contactés par Yabiladi, «des preuves tangibles confirment des détournements de fonds et abus de confiance, ce que le tribunal de première instance a déjà établi, de même que le juge d’instruction qui a décidé de déférer le concerné devant la Cour d’appel».

«Il y a plus de 1 000 victimes en comptant tous les Marocains vivant en France, en Belgique, en Amérique du Nord et ceux vivant ici, qui se sont fait arnaquer. Des expertises ont montré également que les constructions sont largement en-deçà du haut-standing promis.»

Mohamed Metlouf

Le président de l’Amicale du projet Atlantic Beach à Mansouria et son trésorier sont poursuivis pour leur implication dans le détournement de 250 millions de dirhams et non-respect des échéances des livrables au profit des membres. Le président a également «reconnu devant les juges avoir créé dix sociétés écran au nom de son chauffeur privé», pour leur «passer de nombreuses opérations financières du projet Atlantic Beach, au détriment des acheteurs», rappelle de son côté Khadija.

Cette dernière nous confie avoir elle-même «acheté sur plan», puis «versé 100% du solde de l’appartement acquis et visité après construction», avant de découvrir qu’il a été vendu aussi à un deuxième acheteur «qui y habite désormais». Selon elle et le président de l’AMDH à Benslimane, le représentant de l’Amicale «a procédé ainsi avec de nombreux membres, en fraudant sur un même bien proposé à des personnes différentes, pour maximiser ses revenus». Face aux retards de 2013 à 2015, les victimes ont commencé à se mobiliser en 2017, après avoir obtenu «des documents prouvant ces pratiques, en plus de crédits pris en [leur] nom pour continuer l’ouvrage, sans que le concerné ne [les] prévienne».

Un promoteur dont le nom apparaît dans d’autres projets

Les victimes du promoteur d’Atlantic Beach à Mansouria soulignent que ce dernier serait aussi en cause dans «des failles des projets Green Land, toujours à Benslimane et où il est président de l’Amicale, en plus de Golden Beach à Sidi Rahal où il est trésorier de l’Amicale et où des acheteurs sont également lésés».

Dans le cadre du projet d’Atlantic Beach, une nouvelle audience est prévue le 15 février. D’ici-là, un sit-in est prévu mardi prochain à Mansouria, en protestation aussi contre «l’attitude des autorités locales, notamment le Pacha et les pouvoirs provinciaux». «Nous sommes traités comme des personnes qui n’ont pas le droit aux services de l’administration», a déploré Khadija.

«Au début, nous étions souvent accueillis. Mais lorsque les choses sérieuses ont commencé et que nous avons constitué un nouveau bureau de l’Amicale pour mieux défendre nos intérêts, nous avons essuyé un refus de la part du Pacha pour réceptionner notre dossier et obtenir un récépissé temporaire», selon l’acheteuse. De son côté, le pacha de Mansouria a justifié sa décision par le fait que «le siège de l’amicale relève territorialement de Casablanca et non pas de sa commune», indique la victime, affirmant que le tribunal administratif a été saisi à ce sujet.

«Nous allons continuer nos sit-in et nous allons saisir les plus hautes autorités de ce pays. Comme elles ont donné une suite favorable à nos doléances en ordonnant une information judiciaire à l’encontre du président de l’Amicale et en prenant des mesures à concernant les trois juges, nous espérons que des enquêtes approfondies soient lancées pour identifier tous les autres impliqués dans ce scandale immobilier.»

Khadija

Khadija plaide pour que toute la lumière soit faite. Elle estime qu’en plus du mis en cause principal, des responsables commerciaux, financiers et experts seraient impliqués. «Nous sommes victimes mais nous sommes prêts à nous soumettre nous-mêmes à des enquêtes approfondies, si nécessaire. Toutes les responsabilités doivent être définies, au niveau de la province, de la justice et de l’Amicale», affirme-t-elle.

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