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Grand Angle

Quand le roi Hassan II qualifiait Yasser Arafat de «mégalomane» lors d’une réunion en 1993      

En 1993, le roi Hassan II tenait une réunion avec une délégation israélienne sur l'Accord d'Oslo I. Selon l’un des membres composant la délégation de l’Etat hébreu, le monarque était remonté contre Yasser Arafat, président de l'Autorité palestinienne.

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Le roi Hassan II et le président de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat. / DR
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En décembre 1993, le roi Hassan II a joué un rôle crucial dans les négociations qui ont suivi l'Accord d'Oslo I ou la Déclaration de principes (DOP), une tentative d'établir en 1993 un cadre qui conduirait à la résolution du conflit israélo-palestinien. Le monarque marocain a été informé des positions d'Israël et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) peu après l'accord.

Ainsi, quelques mois seulement après la cérémonie de signature des Accords d'Oslo le 13 septembre 1993, Hassan II a reçu une délégation israélienne à Rabat. Cette dernière était composée de Jacques Neriah, ancien conseiller en politique étrangère du Premier ministre Yitzhak Rabin ainsi que Rafy Edry, chef adjoint de l'évaluation des renseignements militaires israéliens et membre de la Knesset qui est d'origine marocaine. Dans son livre «Between Rabin and Arafat» (Editions Jerusalem Centers for Public Affairs, 2016), Neriah évoque cette rencontre «inoubliable» pour lui.

Des réunions «régulières» entre le roi du Maroc et les responsables israéliens

Le 15 décembre 1993, il a été appelé par le secrétaire militaire d’Israël Danny Yaton, qui l’a informé de sa rencontre avec le souverain marocain. La principale raison du voyage était «d'obtenir le soutien du roi du Maroc et du président de la Tunisie à la position israélienne dans les négociations avec l'OLP», a-t-il écrit dans un article publié, en début de semaine, par le Jewish News Syndicate. Le 18 décembre, Neriah et Edry se rendent au Palais Royal de Rabat, où ils sont reçus par Hassan II. «Le roi nous a reçus cordialement dans sa grande salle, et la conversation a duré environ une heure, c'est-à-dire 20 minutes au-delà du temps donné», écrit Neriah.

La réunion a été marquée par la présence du général Abdelhak El Kadiri et du ministre marocain des Affaires étrangères Abdellatif Filali. Comme l'explique Rafy Edry, la rencontre avec Hassan II était un «passage obligé pour les Israéliens», qui «informent régulièrement les dirigeants mondiaux notamment, le président américain Bill Clinton, l'égyptien Hosni Moubarak, le président français François Mitterrand».

Edry a expliqué au roi «les positions d’Israël sur les pourparlers de paix en 1993 avec le chef de l’OLP Yasser Arafat, après une crise concernant les responsabilités en matière de sécurité dans les territoires de Judée, de Samarie et de Gaza». Il a également demandé son avis, qui était très ferme sur Arafat à l'époque.

En effet, le roi du Maroc estimait que «le désaccord entre l'OLP et Israël reposait sur une mauvaise interprétation de l'Accord de principes - une interprétation d'une seule personne et non de l'OLP - et donc la référence à Arafat devrait être séparée de celle à l'OLP, et il ne faut pas s'y tromper», écrit Jacques Neriah. Selon le même récit, le souverain était très critique envers Yasser Arafat et en désaccord sur certaines de ses décisions à l'époque, surtout après une rencontre avec Mahmoud Abbas.

Yasser Arafat, un «mégalomane» pour Hassan II

«Laissez-moi vous dire d'abord tout ce que je sais. Je me suis réuni hier (17 décembre 1993) avec Mahmoud Abbas et lui ai dit que j'allais rencontrer Edri et Neriah, demain. Abbas a exprimé des paroles chaleureuses à propos de Neriah et a déclaré qu'il était un interlocuteur sérieux», a ainsi déclaré le roi Hassan II.  Le souverain a expliqué que les Palestiniens étaient «frustrés par les positions d’Arafat». «Mahmoud Abbas m'a dit : “Les Israéliens ont raison et nous avons tort. Arafat essaie de parler à partir d’une position qui soutient qu’il s’agit d’un ‘État palestinien’, tandis que nous, ses proches, lui disons explicitement que ce n’est qu’une phase de transition. Le principal problème, pour autant que je sache, ce sont les passages à niveau, et à cet égard, on pourrait dire que les Israéliens ont raison”», a enchaîné le roi.

Selon Neriah, le monarque était très critique, lors de ladite réunion, de la façon dont Arafat a géré les choses et l'a même traité de «mégalomane».

«Arafat est un tyran pour tous et ne permet aucun progrès. Il semble que l'homme soit devenu un mégalomane souffrant d'un grave trouble mental. Il hurle tout le temps. Il s'est isolé de tous ses loyalistes, Hanan Ashrawi, Faisal Husseini, Haidar ’Abd al-Shafi et Mahmoud Abbas. Il est maintenant entouré de jeunes qui ne font pas contrepoids à ses opinions.»

Roi Hassan II

Le roi a cherché à transmettre un message à Rabin qu’«Arafat doit être séparé de l’OLP, faire pression sur lui sans casser la vaisselle et envoyer un messager à Arafat pour ‘le secouer un peu’», rapporte l’ancien conseiller en politique étrangère du Premier ministre israélien.

A la fin de leur rencontre, la délégation israélienne est partie pour le domicile du général Abdelhak El Kadiri, où le roi avait organisé une rencontre surprise avec Abbas. «Les deux parties se sont attablées sans aucun médiateur marocain et ont discuté de la situation. Ils ont tous deux accepté, si possible, de se retrouver au Maroc et de ‘profiter à nouveau de la chaleureuse hospitalité du roi du Maroc’», conclut Jacques Neriah.

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