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Quand Marrakech inspirait Winston Churchill pour des coups de cœur au pinceau

En plus de son célèbre tableau «Scene at Marrakech, circa 1935», l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill, a dédié à la ville ocre trois autres œuvres artistiques, tous peints durant ses séjours à Marrakech.

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L'ancien premier ministre britannique Winston Churchill. / Ph. Frank Scherschel - G.I.
Temps de lecture: 4'

En mars 2021, la société de vente aux enchères internationale Christie's London a organisé une vente aux enchères pour le «Scene at Marrakech, circa 1935», la première pour ce tableau peint par l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill à Marrakech.

Cette œuvre se présente surtout comme l’une des deux premières déclarations d’amour de l’ancien homme d’Etat à la ville ocre, qu’il décrivait comme un «endroit merveilleux», le «plus bel endroit du monde» ou encore «la meilleure place sur terre pour passer une après-midi». Il l’appelait même «Paris du Désert», en allusion au contraste entre le climat aride de la ville et les montagnes de l’Atlas en arrière-plan.

Deux tableaux en 1935 depuis Marrakech

Son amour pour la capitale historique du royaume commence en 1935. Cette année-là, il visite le Maroc pour la première fois, en provenance de Paris. Il se rend d’abord à Tanger, où son ancêtre John Churchill, plus tard le premier duc de Marlborough, avait servi comme lieutenant en 1668. «Il séjourne à El Minzah, un hôtel du centre qui conserve à ce jour une atmosphère marocaine typique, mais ses espoirs de peindre plusieurs jours ont été frustrés par des pluies incessantes», raconte Celia Sandys, dans «Chasing Churchill : The Travels of Winston Churchill» (Editions Andrews UK Limited,  2014).

Impatient, il quitte alors la ville du Détroit, un 16 décembre, pour rejoindre Lloyd George à Marrakech. De passage à Rabat le même jour, il écrit à Clémentine pour dénigrer les bouleversements politiques au sein du cabinet et se décrit comme «errant, cherchant le soleil, pourri, inconsolable».

C’est à Marrakech que son humeur changera radicalement. Installé à l'hôtel Mamounia de la ville ocre, qui deviendra son quartier général lors de tous les futurs visiteurs, Churchill peint pendant ses heures libres. «Je peins depuis le balcon, car bien que la ville regorge de lieux attrayants, la foule, les odeurs et le désagrément général de la peinture m'ont repoussé», raconte-t-il dans une lettre à sa femme Clementine.

«Scene at Marrakech, circa 1935». / DR«Scene at Marrakech, circa 1935».

C’est durant ce séjour que Churchill peint «Scene at Marrakech, circa 1935» ainsi que «Sunset over the Atlas Mountains, 1935», dans une atmosphère particulière. Sa fille et son gendre Duncad Sandys, viendront le rejoindre. «C'est très agréable de voir Diana et Duncan ici», écrit-il à sa femme. «Ils sont si heureux. Ils disent que c'est une deuxième lune de miel... Ils se lisent des livres politiques sous les palmiers pendant que je peins.»

«Sunset over the Atlas Mountains, 1935». / DR«Sunset over the Atlas Mountains, 1935».

«Tower of Koutoubia Mosque» et la Conférence de Casablanca

Fin 1942 et début 1943, Churchill est de retour à Marrakech pour séjourner à «Villa Taylor», une demeure somptueuse construite en 1926 et située en plein quartier Gueliz à Marrakech. Il était au Maroc pour assister à la Conférence d'Anfa, pour planifier la stratégie des Alliés à la Seconde Guerre mondiale.

«Après la fin de la Conférence de Casablanca, Churchill saisit l'occasion parfaite pour partager le paysage à couper le souffle de la région avec son collègue leader mondial et ami personnel proche, le président Roosevelt. Il a fallu beaucoup de persuasion de la part de Churchill, qui a proclamé à Roosevelt : "Vous ne pouvez pas faire tout ce chemin en Afrique du Nord sans voir Marrakech. Passons deux jours là-bas. Je dois être avec vous quand vous voyez le soleil se coucher sur les montagnes de l'Atlas"», raconte l’historien de l’art Alain Truong.

«On dit que Roosevelt a été tellement pris par la scène que, les bras tendus, il s'est écrié avec légèreté à son cher ami : "Je me sens comme un sultan, tu peux me baiser la main mon chère".»

Le lendemain, Churchill se réveille, escorte Roosevelt à l'aéroport et retourne à «Villa Taylor» pour peindre «Tower of Koutoubia Mosque» (1943). «Son amour des couleurs vibrantes et l'utilisation de coups de pinceau audacieux et énergiques se sont révélés parfaits pour capturer consciencieusement l'énergie vitale qu'il a trouvée en partageant son amour pour ce qu'il a appelé "Le Paris du Sahara" avec Roosevelt», ajoute Alain Truong à propos de ce «seul tableau» que Churchill «tenta de toute la guerre».

«La peinture elle-même est magnifique. Elle représente la célèbre tour de la mosquée Katoubia au coucher du soleil avec les montagnes enneigées de l'Atlas au loin», décrit l’historien à propos de ce tableau offert par la suite à Roosevelt.

«Tower of Koutoubia Mosque» (1943). / DR«Tower of Koutoubia Mosque» (1943).

«The Mosque of Marrakech» et la position à la Royal Academy of Arts en 1948

Churchill quitte Marrakech quelques jours plus tard, mais y retourne, quatre ans plus tard, entre décembre 1947 et janvier 1948 où il réside à nouveau à la Mamounia. Cette fois-ci, il n’est plus premier ministre et se concentre sur un livre et sur son art.

«Le groupe avec sa montagne de bagages, de matériel de peinture et de documents quitte Northolt le 10 décembre 1947 et arrivent à Marrakech l'après-midi suivant après un vol de huit heures de Paris», raconte Celia Sandys, qui précise que Churchill sera accueilli à Marrakech par Pacha Glaoui et colonel Hautville, commandant militaire français.

Churchill décrit, plus tard à sa femme, comment il a «travaillé dur toute la matinée sur le livre». «Cet après-midi-là, il avait également peint "pendant quelques heures depuis le toit de l'hôtel"». «Les Atlas sont magnifiques et aussi glorieux que jamais», raconte-t-il à Clementine.

Le plus réussi des tableaux est baptisé «The Mosque of Marrakech» et est peint en 1948. Il sera offert au successeur de Roosevelt, le président Harry S. Truman.

«The Mosque of Marrakech» (1948). / DR«The Mosque of Marrakech» (1948).

«Bien que l'œuvre représente une scène similaire, elle manque des détails, de la profondeur et des aspects émotionnels impossibles à reproduire, sans parler de la rareté évidente et de la signification historique», commente l’historien Alain Truong à propos de cette œuvre vendue aux enchères le 13 décembre 2007 à Londres pour 949 918 dollars américains.

La même année, Churchill reçoit la prestigieuse reconnaissance d'académicien honoraire extraordinaire de la Royal Academy of Arts. Il avait peint environ 500 œuvres, dont environ 350 étaient conservées dans l'atelier de jardin de Churchill à Chartwell.

«Sans la peinture, je ne pourrais pas vivre; je ne pourrais pas supporter la tension des choses», déclarait l’ancien premier ministre dont la plupart des tableaux restent dans des collections privées.

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