Lauréat de l’académie militaire de Tripoli en Libye au tout début des années 80, Bahi Larbi Ennass a contribué à former des sahraouis des camps de Tindouf au maniement des armes. Il a lui-même pris part à des batailles contre les Forces armées royales avant le cessez-le feu de 1991.
L'ancien haut officier du Polisario a regagné le Maroc en 1992. Aujourd’hui, il dirige le «Centre de paix, des études politiques et stratégiques», basé à Laâyoune.
Un mois après l’opération du 13 novembre des Forces armées royales à El Guerguerate, comment évaluez-vous la situation sur le terrain ?
Les événements qui ont suivi l'opération ayant permis au Maroc de sécuriser sa ligne de communication avec le reste du continent africain relève de la propagande, plus que de la réalité. Les «combats» dont fait part le Polisario se sont déroulés sur les réseaux sociaux et dans les médias plutôt que sur le terrain.
Il y a eu une annonce de la rupture du cessez-le-feu de la part du Front, mais tout s'est limité par une manœuvre timide et limité qui atteste de l'absence d'une réelle volonté du Polisario d'intensifier les hostilités ou d’entrer dans une confrontation ouverte contre le Maroc.
Le Polisario s'est considérablement affaibli depuis le cessez-le-feu de 1991 et pour des raisons objectives connues de tous. Je ne veux pas dire ici que son pouvoir de nuisance est totalement écarté. Il peut encore poser des problèmes pour les positions défensives des FAR tout au long du mur de sécurité puisqu'il compte toujours un certain nombre d'inconditionnels, prêt à tout commettre. Je crois que l'escalade ne lui convient pas, il le sait parfaitement.
En tant qu’ancien haut officier de l’armée du Polisario, est-ce que vous pensez que le Front a les moyens militaires et humains de reprendre les armes contre le Maroc ?
Concernant l'équilibre des forces entre les deux parties, je dois souligner qu'il est ridicule d'essayer d’entrer dans des comparaisons. Le seul avantage que le Polisario avait durant les années d'affrontements n'a rien à voir avec le rapport des forces, mais se rapporte plutôt à un soutien des Algériens qui a permis au Polisario de garantir la sécurité de ses bases arrières et les lignes d'approvisionnement afin qu'elles soit hors de portée du Maroc. Cela a donné aux insurgés un avantage stratégique.
Actuellement la donne a beaucoup changé sur la scène mondiale et ce serait trop risqué pour le Front de reprendre les armes contre le Maroc.
L'ancien haut officier du Polisario, Bahi Larbi Ennas, a regagné le Maroc en 1992. / DR
Le Polisario est-il encore l’interlocuteur privilégié du Maroc pour des négociations sur la question du Sahara occidental ?
Le Polisario a beaucoup perdu de sa popularité parmi les Sahraouis partisans de l’indépendance qu'il prétende représenter, surtout après les événements de 1988 et les révélations sur les atrocités et les violations des droits de l’Homme commises sur la population des camps de Tindouf.
Sa représentation partielle n’est plus comme auparavant. Et c'est peut-être là, la principale raison qui explique ses menaces d’entrer dans une guerre irréalisable et contre-productive contre le Maroc. Cette «pseudo-guerre» répond plutôt à sa situation interne de perte de popularité qu'à autre chose.
Il y a des partis marocains pour lesquels la plupart des Sahraouis votent et élisent leurs représentants légitimes et il y a aussi des Sahraouis qui sont actifs dans d'autres mouvements d’opposition comme le MSP ou Khat Achahid. Pour conclure sur ce volet, le Polisario n'aurait jamais dû être l'interlocuteur du Maroc, encore moins actuellement.
D'ailleurs, je pense que le MSP est un mouvement tourné vers l'avenir. Ses postulats sont les seuls possibles. Tôt ou tard, toutes les sensibilités finiront par se rapprocher de ses idées et se les réapproprier.
Les tribus ont-elles un rôle à jouer dans le processus politiques ou bien en sont-elles un obstacle à sa réalisation?
Personnellement, je ne suis pas favorable aux rôles que peuvent jouer les tribus. Il me semble que ce serait une irresponsabilité majeure de les intégrer dans ce processus politique. Ce sont des phénomènes démographiques transfrontaliers et elles finiront par compliquer le problème comme ils l'ont déjà fait auparavant en l’étendant à un vaste territoire et à une population multipliée de façon exponentielle.
Le problème concerne exclusivement l'ancien Sahara espagnol et non tout le Sahara nord-africain.